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La Française de l'Energie : de l'énergie alternative qui fait boom
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 10/03/2022 à 09:22

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Basée à Pontpierre, en Moselle, La Française de l'Energie, ou FDE pour faire plus simple, a pour métier principal la production d'électricité à partir de gaz de mine de charbon. (crédit : Française de l'Energie)

Basée à Pontpierre, en Moselle, La Française de l'Energie, ou FDE pour faire plus simple, a pour métier principal la production d'électricité à partir de gaz de mine de charbon. (crédit : Française de l'Energie)

Inventer un avenir et vendez-le ! : la formule est un peu éculée, mais elle peut toujours bien fonctionner en Bourse, parce que l'investisseur est là pour acheter un potentiel, et aussi parce l'avenir étant ce qu'il est, c'est-à-dire fort incertain, il vaut mieux y aller en groupe : se tromper en bonne compagnie vaut souvent mieux qu'avoir raison seul contre tout le monde, et ce n'est pas pour rien que les marchés sont moutonniers.

Ceci expliquant vraisemblablement pourquoi on voit arriver de temps à autre des introductions fracassantes de sociétés pourtant encore bien balbutiantes a priori, c'est-à-dire sans rentabilité (et parfois même sans activité) et le plus souvent en manque de fonds (ce qui est logique) avec la bénédiction des autorités. Et pas que dans la biotech, il faut le dire.

Après tout, pourquoi pas ? même si on peut se poser la question de savoir s'il est raisonnable de laisser mettre en Bourse un projet, une société dont la pérennité n'est pas encore (à peu près) assurée. D'autant qu'il y a eu des précédents très fâcheux, comme Eurodisney et Eurotunnel, pour ne citer que ceux-là : si Eurodisney et Eurotunnel sont toujours là, ce qui est plutôt une bonne nouvelle en soi, ce n'est plus du tout avec les actionnaires qui ont participé dans l'enthousiasme à leurs introductions en Bourse, et qui ont fini par perdre l'essentiel de leurs mises. Car ces projets, aussi jolis soient-ils, ne se sont pas réalisés tout à fait comme prévu : les recettes n'ont tout simplement pas suffi pour couvrir les coûts d'exploitation chez Eurodisney, et la construction du tunnel sous la Manche a tout simplement aussi coûté plus cher que prévu.

Le tout se terminant par des restructurations financières, au détriment du petit porteur, à qui on avait bien vendu un avenir doré. Un avenir bien mis en chiffres dans des modèles de Discounted Cash-Flow, les fameux DCF, qui permettent de justifier le prix d'une action.

Manipuler les DCF avec des pincettes avant tout

Les DCF valorisent de fait la somme des revenus à venir que l'on peut attendre d'une société, soit la génération de trésorerie libre (: ce qui reste pour l'actionnaire une fois que l'on a fait les investissements pour renouveler, voire développer, l'outil de travail) année après année, et ensuite et enfin le produit de la revente de ladite société.
Ces flux futurs étant valorisés avec une décote qui est d'autant plus forte que le flux est éloigné dans le temps, ce qui se comprend aisément, et une décote d'autant plus forte aussi que le rendement exigé de l'investissement est élevé, pour rémunérer cet investissement à l'aune de son risque, ce qui est quelque chose de nettement plus impalpable. Voire assez subjectif : une prévision peut être plus ou moins optimiste (et est toujours fausse, de toutes façons), et le taux de rendement exigé dépend aussi du goût pour la prise de risque de tout un chacun, même si on peut toujours le justifier par une construction théorique savante reposant sur le concept de coût du capital : le sacro-saint WACC.

Mais, dans les faits, la théorie peut servir à justifier n'importe quoi ou presque : dans l'univers en mouvement permanent que sont les marchés, rien ne sert de se reposer sur des éléments supposés intellectuellement rigoureux mis en avant par l'analyse financière, puisqu'il n'y a pas de valeurs exactes dans ce domaine. En d'autres termes, tout ça n'est pas de l'astrophysique, ce qui fait que si les DCF sont bien utiles, ils peuvent aussi être bien dangereux. Et donc à manipuler avec des pincettes. Qu'on se le dise.

Ceci étant, des prévisions un peu exponentielles peuvent se réaliser, et la Bourse aime bien ça. Comme en témoigne le parcours étonnant de La Française de l'Energie (FDE ; 39,70€), une midcap qui opère dans un secteur assez à la mode il est vrai : les énergies alternatives, et dont le cours est plus que "booming", puisqu'il progresse de +36% depuis le début de l'année, après avoir gagné +52% en 2021.

Une bonne idée : faire de l'électricité avec du grisou

Basée à Pontpierre, en Moselle, La Française de l'Energie, ou FDE pour faire plus simple, a pour métier principal la production d'électricité à partir de gaz de mine de charbon. Il n'y plus de mines de charbon exploitées en France, mais les puits sont toujours là, et les galeries aussi, et il en sort toujours du grisou. Lequel peut-être capté avec un compresseur, puis réinjecté localement dans des réseaux de gaz de ville, ou brûlé dans des unités de cogénération qui produisent de l'électricité et de la chaleur.

A la fin de son exercice 2020-21 clôturé fin juin 2021, FDE exploitait ainsi 6 sites de production d'électricité avec 10 unités de cogénérations implantées dans les Hauts de France pour une capacité installée totale de 15MW, ainsi que 2 sites d'injection de gaz. Le tout avait généré un chiffre d'affaires de 10,2 millions d'euros (+30%), dont 35% avec la vente de gaz et 54% avec la vente d'électricité, essentiellement avec une filiale : Gazonor, qui a entre autres une opération modèle à Béthune, soit la fourniture d'électricité et de chaleur avec deux unités de cogénération d'une capacité de 2,7MW, pour Dalkia, qui chauffe ainsi tout un quartier de la ville, soit 6 500 foyers. Gazonor ayant deux autres grands clients énergéticiens : Total Gas and Power et EDF.

Rappelons que le grisou ou gaz de mine est composé à 90% de méthane (CH4) piégé dans le charbon, et est un gaz incolore et inodore qui devient explosif quand il est mélangé dans l'air dans une proportion de 5 à 15%. Le gaz de mine offre plusieurs avantages selon la direction de FDE : i) son prix est déconnecté des cours mondiaux du GNL, ii) le captage évite au méthane, qui contribue bien plus à l'effet de serre que le CO2, de se répandre dans l'atmosphère, et, iii) cette source d'énergie naturelle, voire renouvelable puisque le gaz semble devoir sortir presque indéfiniment de la terre (il y aurait encore 20 milliards de tonnes de charbon à extraire du sous-sol français) n'est pas intermittente comme l'éolien ou le solaire. Ce qui est beaucoup, surtout par les temps qui courent. Et FDE détient une concession qui lui donne un droit de développement exclusif du gaz de mine jusqu'en 2042 sur le bassin minier des Hauts de France.

Une stratégie orientée croissance sans aucun doute, si tout va bien

Créée en 2009, FDE s'appelait EGL à ses débuts, pour European Gas Limited, une société de droit australien d'exploration-production d'hydrocarbures, venue prospecter les possibilités du gaz de mine en Europe et en France dès 2007 en procédant à des forages. Elle s'est rebaptisée La Française de l'Energie pour s'introduire sur Euronext en juin 2016, avec une augmentation de capital de 37 millions d'euros, qui a permis entre autres de racheter Gazonor aux Charbonnages de France.

FDE ne fait pas que dans le gaz de mine, et a aussi mis en service une centrale solaire thermique, la plus grande en France, à Creutzwald en Moselle, qui alimente un réseau de chaleur pour le résidentiel, et est par ailleurs en train de construire une centrale photovoltaïque de 16MW sur une ancienne décharge à Tritteling-Redlach, toujours en Moselle. Et participe à plusieurs projets : pour la production d'hydrogène décarboné par pyrolise du méthane, et la séquestration du CO2, ainsi que l'exploitation du gaz de charbon en Lorraine.

Mais FDE a surtout commencé à dupliquer son modèle gaz de mine + cogénération en Wallonie avec une concession (reprise dans le rachat de la société Greenhill SA) qui lui permettra d'exploiter six puits de mine et des galeries à plus de mille mètres de profondeur avec six unités de cogénération totalisant 9MW de capacité installée qui devraient entrer en service d'ici la fin de cette année 2022.
FDE ambitionne d'avoir à cet horizon proche 33 cogénérations en service en tout pour 49,5MW de puissance installée, et de réaliser 35 millions d'euros de chiffre d'affaires en base annuelle pour une marge Excédent Brut d'Exploitation/Chiffre d'affaires d'au moins 45%. Ce qui devrait déjà se traduire pour l'exercice en cours par un plus que doublement de taille, et un quasi doublement aussi de la marge opérationnelle, si tout va bien.

Quelques particularités à regarder de plus près ?

Ceci alors que la société a déjà dépassé son point mort en 2020-21, avec un Résultat Opérationnel Courant largement positif, et ne peut donc plus être qualifiée de projet. FDE n'a toutefois pas dégagé de marge nette significative, ce résultat opérationnel étant en grande partie absorbé par le résultat financier. Et, de fait, FDE a fait flèche de tout bois pour trouver des fonds entre des prêts d'actionnaire, des emprunts obligataires, des prêts bancaires classiques, dont deux avec Bpifrance, un PGE, du financement de projets, et des prêts participatifs souscrits par des particuliers en crowd funding. Avec un bilan raisonnablement endetté à fin juin 2021, soit un ratio d'endettement net/fonds propres de 36% : là aussi, nous ne sommes plus en mode projet, et tout ceci explique vraisemblablement la performance du cours de Bourse depuis trois trimestres.

Même si quelques points du dossier nécessitent éventuellement plus d'explications, comme par exemple le fait que FDE emploie une vingtaine de personnes seulement, dont onze cadres et n'a donc très peu d'opérateurs, éventuellement parce que ses équipements fonctionnent tout seul ou presque. Ou le fait que la société semble bien "asset light" en fait pour un tel métier, puisque près de la moitié des actifs non courants à son bilan sont avant tout des actifs incorporels d'exploration (des coûts de prospection et de forages immobilisés), un bon quart est constitué de réserves minières prouvées, et qu'enfin les équipements de production, qui sont là depuis un certain temps et sont donc largement amortis il est vrai, ne constituent que 20% environ des immobilisations totales. Ce qui peut paraître bien peu, même si cette proportion devrait remonter avec les nouveaux sites d'exploitation du gaz de charbon qui entreront en service cette année en Wallonie.

Et puis, il y a ce nouvel article L-174-2 du Code Minier entré en vigueur en 2021 qui transfère à l'exploitant les risques liés aux mines, alors que ceux-ci étaient supportés jusqu'alors par l'Etat concédant. Un changement éventuellement important pour l'économie du secteur, qui a été critiqué publiquement par le management actionnaire de la société.

Tout ceci n'ayant pas l'air, toutefois, d'inquiéter les investisseurs, ni les analystes qui suivent la valeur, qui voient encore un potentiel de hausse au titre, selon le consensus Boursorama en tout cas.

Et pour cause : la perfection n'est pas de ce monde, c'est bien connu.
Et l'énergie est un bon sujet.
Surtout en ce moment.

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3 commentaires

  • 12 mars 10:06

    Le plus drôle, c'est que ce n'est rien d'autre que... du gaz de schiste!!!


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