Les superviseurs de la Banque centrale européenne (BCE) exhortent certaines banques commerciales de la région à évaluer leurs besoins en dollars américains en cas de crise alors que l'institution élabore des scénarios dans lesquels elle ne pourrait pas compter sur la Réserve fédérale américaine (Fed) avec Donald Trump, ont déclaré trois sources à Reuters.
Alors que 23% des financements des banques de la zone euro sont libellés en devises étrangères, le dollar américain apporte la plus grande contribution avec 17%, selon une étude de la BCE publiée en novembre 2024. Une source de vulnérabilité, surtout quand les marchés de financement de court terme sont susceptibles de se fermer brusquement, par exemple lors d'une crise.
Dans le passé, les banques centrales européennes ont emprunté des dollars à la Fed, la source de la devise, pour combler le déficit, la banque centrale américaine disposant de facilités de prêt avec la BCE et d'autres grandes contreparties pour pallier les pénuries de la monnaie de réserve mondiale et éviter que les tensions financières ne se répercutent sur les États-Unis.
Si la Fed n'a jamais suggéré de fragiliser ces mesures de soutien, la remise en question par le président Donald Trump d'accords commerciaux et de défense conclus de longue date avec des alliés européens suscitant la méfiance pourrait changer la donne, ont déclaré deux sources.
Les autorités de surveillance de la BCE demandent donc d'urgence aux banques européennes d'évaluer les lacunes de leur bilan, par exemple lorsqu'elles ont prêté des dollars à des clients et financé d'autres actifs libellés en dollars, mais qu'ils ne disposent pas d'un financement suffisant ou fiable dans cette devise pour honorer leurs engagements, a déclaré l'une de ces sources.
Toujours selon cette source, la BCE fait même pression sur certaines banques de la zone euro pour qu'elles réduisent ces écarts et, dans certains cas, leur demande d'envisager de modifier certaines de leurs activités afin d'être moins exposées au financement en dollars.
La BCE, la Fed et la Maison Blanche ne font pas de commentaire dans un contexte où les critiques de Donald Trump contre le président de la Fed, Jerome Powell, inquiètent quant au maintien de l'indépendance de la banque centrale.
Reuters avait d'ailleurs révélé en mars que certains responsables de banque centrale en Europe s'inquiétaient de la fiabilité de la Fed sous la présidence de Donald Trump.
Claudia Buch, présidente du conseil de surveillance prudentiel, avait déclaré lors d'une audition parlementaire en mars que la BCE surveillait "de très près" les liquidités dans le système bancaire, mettant en garde contre les risques de liquidités liés aux chocs géopolitiques.
Un autre cadre supérieur d'une banque européenne réglementée par la BCE a indiqué que sa banque a modélisé ces dernières semaines, et pour la première fois, un "scénario délicat" dans lequel les lignes de swap de la Fed ne seraient pas disponibles, avec comme conséquence un coût plus élevé pour les nouvelles activités en dollars.
(Rédigé par Stefania Spezzati, Jesús Aguado, Lawrence White and Elisa Martinuzzi, avec Francesco Canepa et Tom Sims à Francfort ; version française Bertrand De Meyer, édité par Kate Entringer)
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