
Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort
par Francesco Canepa et Balazs Koranyi
La Banque centrale européenne (BCE) a laissé inchangé jeudi son principal taux directeur à 2,0%, comme prévu, marquant une pause dans son cycle d'assouplissement monétaire alors que le flou subsiste sur les droits de douane finaux qui seront appliqués aux importations européennes aux Etats-Unis et que l'inflation devrait se stabiliser autour de l'objectif de l'institution.
Après huit réductions des coûts d'emprunt depuis juin 2024, le taux d'inflation dans la zone euro est revenu à la cible de 2% de la BCE, et Francfort n'a donné aucune indication sur sa prochaine décision, laissant les investisseurs dans l'incertitude.
La dernière menace du président américain Donald Trump d'imposer des surtaxes de 30% sur les importations en provenance de l'Union européenne (UE) à compter du 1er août a compliqué davantage les réflexions de Francfort.
Fidèle à son principe d'une approche au cas par cas, la BCE a déclaré qu'elle ne s'engagerait pas à l'avance sur une trajectoire de taux d'intérêt et que les décisions seraient prises en fonction des données disponibles.
La décision de laisser les taux inchangés a été prise à l'unanimité.
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a déclaré jeudi que, même si les perspectives en matière d'inflation étaient plus incertaines que d'habitude en raison des tensions commerciales et de l'appréciation de l'euro, les prévisions en matière de prix restaient ancrées autour de 2% tant à court qu'à long terme.
"Quand je regarde mes prévisions en matière d'inflation, elles sont solidement ancrées autour de 2% à court terme, mais aussi à plus long terme", a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse qui a suivi la décision de politique monétaire de l'institution
Les opérateurs ont revu jeudi à la baisse leurs paris sur une baisse des taux d'intérêt en septembre, estimant à 20% la probabilité d'une baisse de 25 points de base, contre environ 32% plus tôt dans la journée.
Deux sources ont déclaré à Reuters que les responsables de la BCE placeraient la barre haut pour une baisse des taux d'intérêt en septembre et qu'ils devraient constater une détérioration significative de la croissance et de l'inflation avant d'acter un nouvel assouplissement.
LA VIGUEUR DE L'EURO INTERROGE
La BCE a abaissé pour la dernière fois ses taux d'intérêt de 25 points de base le 5 juin dernier, tout en laissant entendre qu'elle ferait ensuite une pause car l'inflation a atteint son objectif de 2% et que la politique commerciale américaine reste incertaine.
Le taux de dépôt avait grimpé à 4,0%, son niveau le plus élevé depuis la création de l'euro en 1999, après dix relèvements consécutifs entre juillet 2022 et septembre 2023.
Mais l'inflation de la zone euro a atteint en juin l'objectif de 2% de la BCE, confirmant que l'ère de l'emballement des prix est révolue et que le débat pourrait porter désormais sur la nécessité d'assouplir davantage la politique monétaire afin d'éviter que l'inflation ne devienne trop faible en raison de la morosité de la croissance.
L'appréciation de l'euro face au dollar américain a par ailleurs été récemment une source de préoccupation, alors qu'une monnaie plus forte rend les exportations européennes moins compétitives et ralentit l'inflation.
Le Conseil des gouverneurs de la BCE a toutefois dressé un tableau plutôt équilibré de l'économie de la zone euro, les incertitudes liées à la politique commerciale étant compensées par les investissements publics à plus long terme.
"Grâce en partie aux baisses de taux d'intérêt décidées par le Conseil des gouverneurs, l'économie s'est jusqu'à présent montrée globalement résistante dans un environnement mondial difficile", a déclaré la BCE.
Christine Lagarde a signalé devant les journalistes que les investissements dans la défense et les infrastructures annoncés par certains pays de la zone euro, dont l'Allemagne, devraient stimuler la croissance.
"Elle est un peu 'hawkish'", a déclaré Arne Petimezas, directeur de recherche chez AFS Group, à propos de la cheffe de la banque centrale, soulignant ses commentaites sur l'inflation et les perspectives économiques.
Le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro connaît toutefois une croissance très faible et les entreprises commencent à ressentir les effets négatifs des droits de douane sur leurs bénéfices.
Cependant, selon deux sources diplomatiques, Bruxelles et Washington s'orientent vers un accord commercial qui prévoirait une surtaxe de base de 15% sur les produits européens importés sur le territoire américain, similaire à celui annoncé entre le Japon et les Etats-Unis, un scénario qui serait pire que celui envisagé par la BCE dans ses projections économiques de base, mais meilleur que le scénario "grave" qu'elle avait envisagé début juin.
(Francesco Canepa, Balazs Koranyi, version française Diana Mandia, édité par Kate Entringer)
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