Les députés européens participent à une session de vote au Parlement européen à Strasbourg
Les eurodéputés ont voté mardi pour un renforcement des clauses de sauvegarde sur les produits agricoles prévues par l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, alors que Bruxelles tente de convaincre les sceptiques de se rallier au projet et que le Brésil met en garde contre son rejet.
Le vote du Parlement européen intervient au lendemain d'un rapprochement entre la France et l'Italie pour demander le report du vote sur l'accord avec le marché commun sud-américain, composé de quatre pays (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay).
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devait se rendre au Brésil samedi pour le signer, mais elle a besoin pour cela du feu vert des États membres de l'UE.
Après un quart de siècle de négociations, Bruxelles est parvenue il y a un an à finaliser un accord avec le Mercosur, présenté comme le plus important jamais conclu en matière de réduction des droits de douane.
L'Allemagne, l'Espagne et les pays nordiques font valoir qu'il favoriserait des exportations pénalisées par les droits de douane américains et réduirait la dépendance vis-à-vis de la Chine en donnant accès à des minerais.
Les opposants au projet, selon lesquels il vise à échanger "des voitures contre des vaches", craignent en revanche que des produits bon marché inondent l'UE, notamment le bœuf, au détriment des agriculteurs européens.
La Pologne s'opposant catégoriquement à l'accord avec le Mercosur et la France faisant pression pour qu'il soit reporté, le lobbying se concentre désormais sur l'Italie. Une réunion s'est tenue lundi en fin de journée entre la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni, le chancelier allemand Friedrich Merz et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
"Si l'Italie n'est pas de la partie, c'est fini. J'espère qu'aujourd'hui nous y verrons un peu plus clair", a déclaré à Reuters le président de la Commission du commerce international du Parlement européen, Bernd Lange.
"N'AYEZ PAS PEUR DU CHANTAGE"
En parallèle, le ministre polonais de l'Agriculture a appelé l'Italie et d'autres nations à rejoindre la minorité de blocage.
"Nous avons les chiffres, nous avons les arguments, et nous sommes moralement dans notre bon droit. N'ayez pas peur du chantage de l'industrie automobile", a déclaré Stefan Krajewski dans un communiqué.
Alors que l'opposition de quatre pays de l'UE représentant 35% de la population bloquerait le projet d'accord commercial avec le Mercosur, des diplomates jugent inévitable qu'il soit rejeté par au moins un autre Etat membre, comme la Hongrie.
Des représentants d'Amérique latine ont cependant fait part de leur impatience, un responsable brésilien avertissant qu'un accord devait intervenir "maintenant ou jamais", alors que le Mercosur cherche à s'entendre avec d'autres pays tels que le Japon, l'Inde et le Canada.
"Si la fenêtre d'opportunité se referme maintenant, elle ne se rouvrira pas de sitôt", a déclaré à Reuters un autre diplomate brésilien, sous couvert d'anonymat. "Le Mercosur a aussi d'autres partenaires et d'autres obligations."
Paris, qui tente de former une minorité de blocage pour imposer une meilleure protection des agriculteurs européens, a plaidé dimanche en faveur d'un report des échéances relatives à l'accord commercial, estimant qu'il n'était toujours pas acceptable en l'état.
La Commission avait déjà fait des propositions à la France en octobre, ajoutant au texte un mécanisme permettant de suspendre l'accès préférentiel du Mercosur à l'UE pour certains produits agricoles, tels que le bœuf, la volaille et le sucre.
"PRÉCIPITATION"
Des enquêtes pouvaient avoir lieu si les volumes d'importation augmentaient de plus de 10% par an ou si les prix baissaient d'autant dans un ou plusieurs États membres de l'UE.
Le Parlement européen a cependant voté mardi en faveur d'un seuil de déclenchement plus bas de 5%, par rapport à une moyenne des importations sur trois ans, ainsi que pour des enquêtes plus courtes afin d'introduire des mesures de sauvegarde plus tôt.
Les eurodéputés souhaitent aussi que des sauvegardes s'appliquent si les importations agricoles du Mercosur ne respectent pas les normes de production de l'UE, comme réclamé par la France.
Ces changements signifient que les représentants du Parlement devront négocier un compromis avec le Conseil européen, qui avait soutenu le chiffre de 10%. Ces négociations devraient débuter dès mercredi.
Francesco Torselli, député européen du parti de Giorgia Meloni, a déclaré que même si les garanties amélioraient l'accord, elles ne suffisaient toujours pas à garantir que les agriculteurs puissent être en concurrence à armes égales.
"Nous avons également du mal à comprendre cette précipitation à approuver une mesure qui est au point mort depuis des années, même si nous sommes convaincus qu'un accord de libre-échange avec la région du Mercosur pourrait représenter une bonne opportunité pour l'Europe", a-t-il ajouté.
L'accord UE-Mercosur sera à l'ordre du jour d'un conseil des dirigeants européens prévu jeudi et vendredi.
(Reportage Philip Blenkinsop à Strasbourg, Lisandra Paraguassu à Brasilia, Angelo Amante à Rome et Alan Charlish à Varsovie, rédigé par Michel Rose, version française Zhifan Liu, Coralie Lamarque et Benjamin Mallet, édité par Sophie Louet)

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