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Jonathan Dickinson : "Innate doit concentrer ses ressources sur les actifs disposant des meilleures chances de succès"
information fournie par Boursorama 17/09/2025 à 14:00

Jonathan Dickinson, directeur général d'Innate. (crédit : DR)

Jonathan Dickinson, directeur général d'Innate. (crédit : DR)

A l'occasion de la publication des résultats du premier semestre d' Innate Pharma , entretien avec le directeur général de la biotech Jonathan Disckinson pour faire le point sur les perspectives et les rendez-vous à attendre…

Vous venez de publier vos résultats semestriels, que faut-il retenir de cette publication ?

Le semestre écoulé a été particulièrement riche pour Innate car nous avons enregistré des avancées significatives sur nos principaux programmes cliniques. Ces avancées nous ont conduit à présenter aujourd'hui une stratégie recentrée sur ce que nous pensons être nos actifs cliniques les plus prometteurs et sur nos conjugués anticorps-médicaments en préclinique (ADC). Cette stratégie vise à concentrer nos investissements sur les programmes à plus forte valeur ajoutée.
Parmi ces actifs cliniques, IPH4502, notre ADC ciblant Nectin-4 dans les tumeurs solides avancées, a franchi une étape importante avec le démarrage du recrutement d'un essai de Phase 1 en début d'année. Le recrutement progresse rapidement, et devrait s'achever fin 2025-début 2026. Autre avancée notable, lacutamab, évalué chez des patients atteints d'un syndrome de Sézary ou d'un mycosis fongoïde, a quant à lui obtenu en février dernier le statut de « Breakthrough Therapy » des autorités réglementaires américaines (FDA) sur la base des résultats de l'étude TELLOMAK. La préparation du protocole de l'essai de phase 3 est presque terminée, à la suite de discussions avec la FDA et l'EMA. Enfin toujours sur la période, le recrutement des patients de l'étude de phase 3 PACIFIC-9 évaluant monalizumab, développé en partenariat avec AstraZeneca, s'est achevé. Les données sont attendues au second semestre 2026.
Autre fait marquant des six premiers mois de l'année, Sanofi est entré à notre capital à travers un investissement de 15 millions d'euros, renforçant ainsi notre partenariat autour du programme SAR'514/IPH6401 dans les indications auto-immunes.
Finalement, notre perte nette au 30 juin 2025 ressort à 21,3 millions d'euros, un niveau légèrement inférieur à celui de l'année dernière.  Quant à notre trésorerie, elle s'élève à 70,4 millions d'euros.

Votre trésorerie couvre vos besoins jusqu'à la fin du troisième trimestre 2026, quelles options de refinancement étudiez-vous pour allonger l'horizon d'Innate ? Quel est votre cash burn actuel ?

Innate mobilise chaque année environ 70 millions d'euros. Avec une visibilité financière jusqu'à la fin du troisième trimestre 2026, il est de ma responsabilité d'étudier toutes les possibilités, qu'elles proviennent de partenaires financiers ou industriels, pour prolonger cet horizon. Avec les avancées attendues au cours des 12 prochains mois sur nos trois programmes principaux, nous sommes particulièrement enthousiastes. Nous pensons que les catalyseurs à venir sauront susciter l'intérêt de partenaires et d'investisseurs : lacutamab bien entendu, IPH4502 avec les premières données de Phase 1 au cours du premier semestre 2026, et monalizumab en partenariat avec AstraZeneca avec les données  de phase 3 PACIFIC-9 au second semestre de l'année prochaine.

A l'occasion de cette publication vous avez présenté une mise à jour de votre feuille de route stratégique dans laquelle, sans surprise, lacutamab est la priorité numéro un. Lors de notre dernier entretien dans le Journal des biotechs, il venait d'obtenir le statut de «Breakthrough Therapy» de la FDA dans le syndrome de Sézary en rechute ou réfractaire. Comment le développement de cet actif s'est poursuivi depuis ?

Depuis l'obtention du statut de « Breakthrough Therapy » de la FDA dans le syndrome de Sézary, nous avons avancé avec la préparation du protocole de l'essai clinique de Phase 3 qui est presque terminée, à la suite de discussions avec la FDA et l'EMA.

En parallèle, notre compréhension du positionnement de lacutamab dans les lymphomes cutanés à cellules T s'est fortement affinée. Aujourd'hui, aucune thérapie systémique n'offre une combinaison satisfaisante d'efficacité et de tolérance. Les patients en stades précoces reçoivent principalement des traitements appliqués localement sur la peau, tandis qu'aux stades avancés, les options systémiques disponibles sont limitées par leur toxicité. Or, lorsque la maladie progresse vers des stades avancés (IIB et au-delà), le pronostic des patients s'assombrit nettement, ce qui met en évidence la nécessité de disposer de traitements plus efficaces et mieux tolérés dès les stades plus précoces. C'est précisément dans ce contexte que lacutamab peut faire la différence. Son profil unique associe une sécurité bien établie, une activité anti-tumorale robuste et une amélioration de la qualité de vie des patients.

Par ailleurs, nous avons poursuivi l'évaluation de la population éligible en accédant à des bases de données aux États-Unis, qui montrent que la population atteinte de syndrome de Sézary est plus importante qu'anticipé, avec environ 1 000 patients et près de 300 nouveaux cas chaque année. Cette observation renforce la perspective d'une première opportunité significative et relativement dé-risquée dans le syndrome de Sézary, qui pourrait ensuite s'élargir au mycosis fongoïde et, à terme, aux stades plus précoces de la maladie, où se situe la majorité des patients et donc la plus grande opportunité de marché.

Quelles sont les conditions requises pour démarrer cette phase 3 ? Toujours pas de partenaire en vue ?

Ces nouvelles dynamiques de marché, combinées au potentiel additionnel dans le lymphome T périphérique, nous ont conduits à réévaluer notre stratégie.
Afin de maximiser cette opportunité, nous envisageons d'amener le produit en phase 3 et de soumettre un dossier d'enregistrement (BLA) dans le syndrome de Sézary, soit avec le soutien d'investisseurs, soit dans le cadre d'un partenariat, mais avec des conditions améliorées.
Dès son lancement, lacutamab pourrait atteindre une population de patients significative, ce qui pourrait être créateur de valeur pour Innate Pharma. Nous continuons à collecter des données supplémentaires sur le marché du CTCL et à mener des analyses complémentaires, pour affiner cette opportunité.

L'autre priorité stratégique, c'est monalizumab, en partenariat avec AstraZeneca… On a toujours une étude phase 3 en cours (PACIFIC-9) démarrée en février 2022… Quand peut-on espérer des résultats et quels espoirs placez-vous dans cet actif ? Quel potentiel Innate peut encore en tirer alors qu'AstraZeneca est à la manœuvre pour décider du destin de ce produit ?

Les données de l'essai sont attendues au second semestre 2026. Je ne peux malheureusement pas donner plus de précisions. Mais il va sans dire qu'en cas de résultats positifs, ce sera une formidable nouvelle pour Innate. Je tiens à rappeler que bien que nous ne soyons pas directement aux commandes de l'étude Pacific-9, ce partenariat comporte plusieurs avantages pour Innate. Premièrement, AstraZeneca mène le développement de monalizumab dans le traitement du cancer du poumon non à petites cellules, une indication dans laquelle il occupe une position de leader grâce à son expertise et à sa présence bien établie. Ensuite, notre partenariat avec AstraZeneca concernant monalizumab continue de représenter une part importante de valeur pour Innate. L'accord totalise jusqu'à 1,275 milliard de dollars, et nous avons déjà reçu 450 millions de dollars en paiements initiaux et d'étapes à ce jour dans le cadre de ce partenariat. En dehors de l'Europe, AstraZeneca enregistrerait toutes les ventes et Innate recevrait des redevances à deux chiffres lors de la commercialisation. En Europe, nous conserverions les droits de co-promotion ainsi qu'une participation aux bénéfices de 50 %. Enfin, cette collaboration nous permet également de concentrer nos ressources internes sur nos autres programmes prioritaires en phase clinique, IPH4502 et lacutamab.

Dernier levier de votre stratégie IPH4502, qui est encore à un stade clinique peu avancé. La question est un peu la même : quelle est pour vous la meilleure façon de valoriser cet actif à court terme ?

IPH4502 est encore à un stade précoce. Toutefois, il représente clairement un actif stratégique majeur au sein de notre portefeuille. Nous avons lancé le recrutement de la phase 1 en début d'année et celui-ci progresse bien. La meilleure façon de valoriser IPH4502 à court terme, c'est d'aller vite pour générer des données cliniques et valider les hypothèses issues de la rechercher préclinique, en particulier chez les patients ne tolérant pas ou en rechute d'enfortumab vedotin (ie  post-Enfortumab Vedotin) où les besoins sont importants, tout en explorant d'autres types de tumeurs où il pourrait démontrer un profil différencié. Notre objectif est clair : maximiser l'attractivité de cet actif, que ce soit dans la perspective d'un développement en propre ou dans le cadre d'un futur partenariat. Le bon rythme de recrutement que nous observons dans l'essai aujourd'hui nous permet de progresser rapidement dans cette direction.

Au-delà de cette priorité, vous avez annoncé une concentration de vos efforts sur les ADC. A contrario, cela signifie-t-il que vous mettez de côté les projets liés à votre plateforme Anket ?

Non, le potentiel de la plateforme ANKET continue d'être évalué à travers ses programmes cliniques, qui couvrent à la fois des indications en oncologie et en auto-immunité, notamment avec des cibles comme BCMA. En revanche, en ce qui concerne nos activités précliniques, nous allons nous concentrer sur les ADC avec l'objectif d'en emmener un en clinique en tirant parti de notre portefeuille de cibles innovantes. Sur la base des données cliniques futures, nous conservons la possibilité de travailler sur des programmes ANKET.

Conséquence directe, vous étudiez un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et une réduction de 30% de vos effectifs ? Qui est concerné au sein de vos effectifs ? Est-ce que cela peut être pénalisant pour la R&D d'Innate et sa capacité à long terme de développement de son portefeuille ?

Conformément à notre recentrage stratégique et compte tenu d'un environnement de financement difficile, nous sommes contraints de mettre en place une organisation plus réduite mais adaptée à nos besoins, et permettant de concentrer nos ressources sur les actifs disposant des meilleures chances de succès. Ce n'est pas une chose facile, mais elle est nécessaire si nous voulons pérenniser l'avenir d'Innate et assurer ses chances de succès. Cela se traduit en effet par le lancement d'une consultation avec nos salariés et un projet de PSE, pour lequel le détail des postes va être discuté. Conformément à la réglementation, ce processus repose sur un cycle de négociations qui est long mais qui devrait être achevé au cours du premier semestre 2026. Bien entendu, à l'issue de ces négociations, nous proposerons aux personnes concernées un accompagnement adapté. Cela pourrait comprendre un soutien à la recherche d'emploi, du coaching ou des opportunités de formation. Comme je l'ai rappelé plus haut, alors que cette réorganisation correspond à notre recentrage sur nos actifs cliniques que nous considérons comme les plus prometteurs, nous conservons toujours la capacité de faire progresser rapidement l'innovation au profit des patients.

Vous annoncez également le départ prochain d'Eric Vivier, directeur scientifique et cofondateur d'Innate Pharma. Son départ est-il lié à des divergences stratégiques ?

Il n'y a aucune divergence, bien au contraire. Eric a émis le souhait de retourner complètement dans le monde de la recherche académique. J'ajoute par ailleurs qu'il restera intimement lié à Innate puisqu'il restera conseiller du comité R&D de notre conseil d'administration. Ce changement sera effectif à partir du 1er janvier 2026. Yannis Morel, actuellement directeur des opérations, assumera à partir de cette date les fonctions de directeur scientifique. Innate continuera à favoriser l'innovation grâce à des collaborations universitaires, notamment avec le laboratoire d'Éric Vivier auCentre d'immunologie de Marseille-Luminy (CIML).

Ces annonces risquent de provoquer une certaine défiance des investisseurs, quelles perspectives vous pouvez leur partager à moyen terme ? Est-ce qu'un rapprochement avec une autre biotech ou une grande pharma font partie des options sur la table ?

Encore une fois, il faut faire preuve de pragmatisme et d'agilité et nous étudions et continuerons d'étudier toutes les possibilités. Toutefois, je pense que nous avons une voie viable à suivre, avec des actifs prometteurs et de grande valeur qui attirent l'attention des investisseurs. Nous avons des catalyseurs dans la deuxième moitié de l'année en cours, d'autres tout au long de 2026, et d'importants points d'étapes avec AstraZeneca. Enfin, depuis mon arrivée l'an dernier chez Innate, ma feuille de route n'a pas dévié :  faire progresser nos programmes à plus forte valeur ajoutée, en choisissant les meilleures options possibles, à la fois pour les patients et pour nos actionnaires.

Du point de vue de l'investisseur toujours, on a le sentiment qu'Innate reste une biotech prometteuse (science, recherche, partenariats) mais qui ne parvient pas à « délivrer » avec des développements qui prennent beaucoup de temps… Quels leviers permettront de casser cette image ?

Je ne doute pas que les annonces à venir, à court et moyen terme, contribueront à inverser cette perception.   Nous avons démontré notre capacité à agir rapidement, comme en témoigne le rythme soutenu du recrutement dans l'essai avec IPH4502. Associés à la force de notre science, de notre recherche et de nos partenariats, ces leviers nous permettront de réaliser des progrès significatifs.

Propos recueillis par Laurent Grassin

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1 commentaire

  • 15:57

    Père Jonathan pourquoi as tu de grandes dents ? serait-ce pour nous croquer, nous malheureux petits porteurs ?


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