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Icape : les circuits imprimés ont un cycle aussi
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 10/04/2025 à 08:09

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Basé à Fontenay-aux-Roses (92), ICAPE Holding est une société de négoce en composants électroniques qui a réalisé un chiffre d'affaires de 181,7 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin 2024. (Crédits: Adobe Stock / image d'illustration générée par IA)

Basé à Fontenay-aux-Roses (92), ICAPE Holding est une société de négoce en composants électroniques qui a réalisé un chiffre d'affaires de 181,7 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin 2024. (Crédits: Adobe Stock / image d'illustration générée par IA)

C'est le moins que l'on puisse dire : les marchés d'actions, et les autres aussi, sont bien secoués en ce moment par Mr Trump et ses droits de douanes, et l'avalanche concomitante de commentaires de stratégistes, économistes, décideurs politiques, gérants de hedge funds, gourous, etc… qui s'ensuit.

Tout ça en attendant d'y voir un peu plus clair, c'est-à-dire quand la poussière retombera, ce qui arrivera bien un jour. On peut donc pour passer le temps écouter ce qui se dit dans les réunions d'analystes, car nombre de PME/ETI cotées ont publié récemment leurs résultats 2024, et parlé à l'occasion de ce qui pourrait arriver dans ce nouvel environnement. Ce qui a été notamment l'occasion d'apprendre que l'ancien accord de libre-échange Mexique-Canada-USA, alias Nafta, est toujours là semble-t-il puisque les fameux "tariffs" ne s'appliquent sur les produits que si ceux-ci ont moins de 75% de "local content". Et qu'un équipementier automobile français produisant au Mexique à partir de composants fabriqués pour la plupart en Amérique du Nord pourra vraisemblablement livrer ses clients américains dans des conditions inchangées, même si ce n'est pas ce que dit le marché aujourd'hui.

Ce qui amène une deuxième remarque un peu plus éloignée du grave problème des droits de douanes US, mais pas tant que ça en fait : toujours à l'occasion des publications 2024, on a pu constater que certaines de nos belles petites PME industrielles ont parfois du mal a gagner leur vie sur leur marché domestique France, et semblent ne dégager du résultat tangible qu'avec leurs filiales à l'international. Peut-être pour cause de fiscalité un peu plus lourde qu'ailleurs, peut-être aussi parce que l'énergie coûte cher en Europe, et enfin peut-être aussi pour cause de concurrence un peu trop sauvage venue d'ailleurs, et pas vraiment freinée par des barrières douanières à la Trump aux frontières de l'UE, il faut le dire.
Ce qui peut paraître aberrant au bout du compte, et se retrouve dans des valorisations boursières déprimées pour la plupart. Inutile de préciser que c'est très notamment dans l'électronique que l'on peut faire ce constat, notamment chez Actia Group ou Lacroix, qui dégagent des marges faibles dans ce métier, alors que des acteurs non cotés comme l'angevin Eolane sont en difficulté. Même si les uns et les autres se sourcent en composants en Chine, avec l'aide d'un intermédiaire qui, quant à lui, va plutôt bien : ICAPE.

Rien ne se fait sans circuits imprimés, qu'on se le dise

Basé à Fontenay-aux-Roses (92), ICAPE Holding est une société de négoce en composants électroniques qui a réalisé un chiffre d'affaires de 181,7 millions d'euros sur son dernier exercice clos fin 2024, avec 650 personnes dans 39 filiales implantées dans 25 pays. La société vend avant tout des circuits imprimés, qui contribuent pour 80% de son chiffre d'affaires. Rappelons que les circuits imprimés, ou PCB (pour Printed Circuit Board en bon franglais) sont à la base de toute carte électronique, puisque la fonction première d'un circuit est d'alimenter en électricité les principaux composants de ladite carte. Un PCB ayant une configuration plus ou moins complexe, souvent en plusieurs couches, selon la fonctionnalité et la complexité de la carte électronique elle-même. Ceci alors que l'électronique a tout envahi, de l'électronique Grand Public (14% des ventes de la société) à l'automobile (18% des ventes), en passant par les objets connectés en tous genres les appareils médicaux, les machines industrielles et autres robots (33% des ventes), les engins divers et variés, et ainsi de suite.

Mais vendre n'est pas tout : ICAPE fournit un vrai service complet et est en fait un revendeurs à valeur ajoutée (ou VAR, pour Value Added Reseller) avec plus de 200 commerciaux ingénieurs dans 60 pays, avec les compétences techniques pour traiter les spécificités de chaque projet client, proposer les circuits les plus adaptés, voire tester les prototypes optimiser le design et le process de fabrication (il y a 4 sites en propre pour tout ça). Les circuits étant fabriqués sur commandes principalement en Chine, avec un contrôle de qualité totale chez les fabricants. Un sourcing qui s'appuie sur plus de 77 fournisseurs qualifiés, dont certains le sont depuis longtemps, et dont certains sont aussi actionnaires de la société.

ICAPE a manifestement sa place sur ce marché

ICAPE sait traiter i) des petites quantités, avec une commande moyenne de 2 500 euros seulement contre 4 000 euros il y a quelques années encore, et ii) vite, avec une logistique en partie en propre : toutes les livraisons se font dans un entrepôt à Hong Kong, et sont préparées pour un transport par bateau, par avion ou par DHL selon le degré d'urgence.

La société revendique 3 800 clients fabricants de cartes électroniques plus ou moins sophistiquées et le plus souvent fournisseurs, voire sous-traitants (ou EMS, pour Electronic Manufacturing Services ; 50% des ventes) de grands groupes mais aussi grands groupes eux-mêmes (ou OEMs pour Original Equipment Manufacturers ; 50% des ventes) et réalise 58% de son activité en Europe, et 22% dans les Amériques. Le marché d'ICAPE est global, comme il se doit, et n'est pas tout petit, puisqu'il est censé peser plus de 75 milliard de dollars (ou d'euros, peu importe), avec quelque gros intervenants concurrents : NCAB, Fineline, PalPilot mais aussi plein de petits acteurs puisque le marché final est colossal. La barrière à l'entrée étant, comme on peut s'en douter, de se faire agréer/référencer par les clients, ce qui vaut après pour un certain temps, puisque 70% desdits clients d'ICAPE sont là depuis plus de cinq ans selon la direction de la société.

ICAPE a aussi 20% de ses ventes en pur négoce de produits techniques : petits écrans, adaptateurs, claviers, connecteurs, piles, transformateurs, commandes à distance, etc… ce qui vient en complément du reste et, apparemment, ne mange pas de pain.

La croissance externe fait indubitablement partie du modèle

ICAPE pratique une croissance externe offensive, soit 25 acquisitions ces dernières années, qui sont plus ou moins intégrées opérationnellement parlant selon les cas. Les plus souvent en prenant du 60% du capital, avec des clauses de compléments de prix si tout va bien, ce qui limite le risque. En 2024, la société a racheté un confère italien : P.C.S., un petit bureau d'études italien aussi, spécialiste du design de cartes à la demande : Studio E2, un agent commercial partenaire : François Frères, et aussi et surtout NTW, qui apporte un accès au marché japonais où se trouvent de très grands acteurs de l'électronique, et a aussi des bureaux aussi en Chine et en Asie du Sud-Est, soit 20 millions de dollars environ de chiffre d'affaires avec 40 employés dans sept filiales, et enfin un confrère britannique : ALR Services. Plus une prise de participation minoritaire dans Jiva Materials, une start-up qui a développé un substrat de circuit imprimé biodégradable, soit un bon sujet a priori pour réduire l'impact environnemental de l'électronique. Et ICAPE a encore acheté un autre distributeur anglais en février dernier : Kingfisher PCB, et constitué une nouvelle division pour servir le marché anglais avec de grands clients dans l'aérospatial, l'automobile, l'énergie, etc…

Analyse des comptes : du pour et un peu de contre

L'exercice 2024 a donné des résultats un peu mitigé en termes de croissance, puisque le chiffre d'affaires recule de -2%, avec, selon la direction, i) un ralentissement général de la demande, ce qui se comprend bien puisqu'on a été un peu récessif en Europe, peut-être plus en Allemagne, mais quand même un peu ailleurs aussi, ii) les tensions géopolitiques, qui n'ont vraisemblablement pas contribué à augmenter la confiance (dans l'avenir), et enfin, iii) une normalisation des stocks chez les clients. Toute la question étant de savoir quel est le niveau normal des stocks, mais il se peut que nombre de clients aient surstocké en 2024, par précaution après les problèmes d'approvisionnement rencontrés en 2022-23, très notamment pour les composants électroniques.

Ceci étant, il convient de souligner que, nonobstant cette activité peu dynamique, ICAPE a amélioré sa rentabilité, avec un gain de marge brute (: les ventes - les achats) de +1,8 point (+180 points de base pour les puristes), ce qui n'est pas rien, obtenu semble-t-il grâce à des coûts d'achats améliorés avant tout. Et gagné +0,5 point de marge opérationnelle (le rapport entre le résultat opérationnel, qui est le chiffre d'affaires - toutes les charges comptabilisées, amortissements y compris, et le chiffre d'affaires lui-même), ce qui n'est pas mal non plus, grâce à un bon contrôle des coûts dans ce contexte peu dynamique.

Le plus important à noter étant éventuellement que cette marge opérationnelle semble tout à fait honorable en valeur absolue, soit 5,3%, dans ce beau métier du négoce. Et que, s'il n'y avait pas les acquisitions, la société dégagerait du cash, autrement dit générerait de la trésorerie libre en bon français financier (qui se perd un peu, avec le snobisme de l'Ebitda). Mais il faut noter aussi que, les acquisitions étant ce qu'elles sont, ICAPE a dépensé plus que sa capacité d'autofinancement pour ce faire, et que le bilan consolidé s'est donc alourdi quelque peu sur l'exercice. Soit un ratio Endettement financier net/Fonds Propres de 105% (hors dette fictive IFRS 16), ce qui est presque beaucoup trop, même si le nettement plus chic ratio de levier Dette Financière Nette/Ebitda reste décent à 2,3x, soit moins que les fameux 3x fatidiques (et rédhibitoires, pour les tenants de l'école financière anglo-saxonne).

Du mieux pour la suite ?

Rappelons qu'ICAPE Holding s'est introduit sur Euronext Growth en juillet 2022 à 16,95€ par action, et en levant 17 millions d'euros d'argent frais au passage avec la création de 1 024 307 actions nouvelles, souscrites en partie par deux partenaires chinois fournisseurs du groupe : on est loin du compte au cours actuel, qui sous-performe de -34% depuis le début de l'année. Mais la société s'était introduite dans un contexte plutôt porteur, ce qui a nettement été moins le cas après, et pour cause : l'électronique est un métier éminemment cyclique. Et il semblerait, c'est en tout cas ce que dit la direction de la société au vu des commandes qui repartent, que le cycle se retourne un peu vers le haut depuis le début de l'année. Ce qui colle bien, il faut le dire, avec le scénario, assez largement répandu parmi les têtes pensantes des marchés financiers et d'ailleurs,  d'une reprise conjoncturelle en Europe au 2e semestre 2025, les assouplissements de politique monétaire de la BCE finissant par porter leurs fruits.

D'autant que la société a de vraies ambitions, soit grosso modo i) faire +10% de croissance organique par an ces prochaines années, ii) ajouter dans le même laps de temps 70 à 80 millions de chiffre d'affaires avec les acquisitions, et il y aurait selon la direction une bonne douzaine de dossiers à l'étude pour ce faire, et enfin iii) gagner des points de marge opérationnelle pour arriver à 9,5%, entre autres grâce à la croissance qui donne toujours plus de puissance d'achat. Après tout, pourquoi pas ? ICAPE semble un acteur des plus sérieux dans son métier, qui est plutôt porteur sur le long-terme, et s'il faut à nouveau un peu d'argent frais pour financer tout ça, un appel au marché reste envisageable, puisque les actionnaires, qui agissent de concert en principe, ont encore de la marge pour garder le contrôle.
Et puis, c'est bien à ça que ça sert, la Bourse : trouver l'argent pour grandir.
Sinon, à quoi bon ?

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1 commentaire

  • 12 avril 17:13

    Il y a un moment, il faut asseoir la rentabilité pour ne pas avoir une dette qui gonfle aussi vite que le CA.


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