
Frédéric Cren, dirigeant et cofondateur d'Inventiva. (crédit : Inventiva)
Fondée en 2012 et introduite en Bourse début 2017, la biotech dijonnaise a bien tenu sa feuille de route jusqu'à aujourd'hui. Essais cliniques dans la NASH et la sclérodermie systémique avec lanifibranor, dans la MPS avec odiparcil, deux collaborations en place : le calendrier des semestres à venir s'annonce bien rempli pour la société. L'occasion de faire le point avec son dirigeant et cofondateur, Frédéric Cren.
Boursorama : Lanifibranor est l'actif le plus avancé d'Inventiva, nous parlerons bien sûr de son indication dans le traitement de la NASH mais à plus court terme, ce sont des résultats dans la sclérodermie systémique qui sont attendus. Qu'est-ce qui vous a poussé à explorer la sclérodermie systémique ?
Frédéric Cren :
Le point commun entre la NASH et la sclérodermie systémique, c'est que ce sont toutes les deux des maladies fibrotiques, qui provoquent une inflammation et la production de collagène. Or notre molécule a une forte composante anti-fibrotique. La sclérodermie est une maladie rare et sévère qui touche près de 170.000 patients aux Etats-Unis, en Europe et au Japon. Elle touche essentiellement les femmes et se manifeste par des atteintes de la peau et des organes. Le taux de mortalité est très fort avec 50% de décès dans les dix ans qui suivent le diagnostic, souvent posé à la fin de la quarantaine. Aujourd'hui, il n'y a aucun produit approuvé dans cette indication et peu de concurrence (l'allemand Boehringer Ingelheim et l'américain Corbus Pharmaceuticals travaillent également sur un médicament).
Boursorama : Sur cette indication, des résultats sont donc attendus très bientôt…
Frédéric Cren :
Tout à fait, nous aurons des premiers résultats de notre étude de phase IIB « FASST » dès le début de l'année 2019. Ils seront déterminants pour nous, car le critère primaire pour cet essai de phase IIB est le même que celui qui sera très vraisemblablement utilisé pour la phase III. Si les résultats de phase IIB sont positifs, la probabilité de les renouveler en phase III est très élevée. Ce sont par ailleurs des essais que nous pourrions mener seuls, sans avoir forcément besoin de chercher un partenaire pour les financer. Pour résumer, c'est un programme qui se déroule bien dans une indication où il y a un fort besoin médical et pas de produit approuvé : notre étude de phase IIB est vraiment une étude qui peut changer le profil de la société.
Boursorama : Le véritable rendez-vous pour Inventiva n'est-il pas lié aux essais de lanifibranor dans la NASH alors que cette pathologie du foie attire désormais l'attention des médias et des grands laboratoires ? Alors que beaucoup de sociétés s'intéressent maintenant à cette indication (dont Genfit et Intercept déjà en phase III), comment Inventiva peut faire la différence ?
Frédéric Cren :
Aujourd'hui, quand on regarde la concurrence, les seuls produits qui, chez des patients NASH, ont montré des données solides et convaincantes, ce sont les mécanismes d'action FXR et PPAR gamma, un des PPAR activés par lanifibranor et qui contrôle le processus de fibrogénèse. Sur le long terme, dans la NASH, il faut traiter les aspects métaboliques qui créent la fibrose mais aussi la fibrose en elle-même. Or certains médicaments se positionnent uniquement pour traiter la fibrose, d'autres pour traiter le versant métabolique. Lanifibranor, par contre, s'attaque aux deux versants de la maladie, ce qui le distingue d'un grand nombre de concurrents. Le fait d'avoir choisi cette technologie pan-PPAR (alpha, delta, gamma) nous donne un avantage par rapport au single ou dual-PPAR. Les FXR ont également des résultats prometteurs mais présentent des risques de sécurité plus importants, notamment une augmentation du LDL (le mauvais cholestérol) et du prurit. Lanifibranor a également l'avantage d'améliorer la résistance à l'insuline, ce qui peut être très bénéfique pour les patients atteints d'un diabète de type 2, dont environ 70% ont un « foie gras ». C'est aussi dans cette population que notre candidat médicament peut faire la différence.
Boursorama : Que ce soit Genfit ou Intercept qui réussisse le premier à commercialiser son traitement, n'y a-t-il pas un risque que la prime au premier entrant ne réduise considérablement le potentiel commercial pour les groupes suivants ?
Frédéric Cren :
C'est vrai qu'il y a une prime au premier entrant dans l'industrie pharmaceutique mais il y a beaucoup de cas où, à la fin, c'est le meilleur produit qui prend le marché. Prenez l'exemple des statines, Lipitor n'a pas été la première statine commercialisée, mais il avait le meilleur effet sur le LDL et a «raflé la mise». Ce qui pour moi est important est plus de savoir si l'industrie aura développé un biomarqueur ou une technique d'imagerie pour diagnostiquer le patient. C'est la simplicité de diagnostiquer efficacement les gens sans pour autant passer par la biopsie qui déterminera l'ouverture du marché et le potentiel commercial, plus que le fait d'être le premier traitement disponible.
Boursorama : A quel horizon sont attendus les résultats de l'étude de phase IIb NATIVE dans la NASH avec lanifibranor ?
Frédéric Cren :
Actuellement, nous visons à recruter 225 patients sur biopsie. C'est important car les autorités de santé américaines ont exigé cette façon de faire pour pouvoir passer en phase III. Nous avons déjà recruté 98 patients à fin septembre et les premiers résultats seront disponibles dans le courant du premier semestre 2020 : 71 centres sont déjà ouverts en Europe, Australie et au Canada à fin septembre et nous allons en ouvrir entre 10 et 15 aux Etats-Unis. Aujourd'hui, notre trésorerie nous permet de financer nos activités sur la base des programmes déjà engagés jusqu'à mi-2020. Bien sûr, si nous lançons l'essai de phase III dans la sclérodermie ceci se reflètera dans notre trésorerie.
Boursorama : Inventiva n'est pas une biotech monoproduit. A côté de lanifibranor, vous développez aussi odiparcil dans la mucopolysaccharidose (MPS), une maladie lysosomale affectant surtout les enfants. A quel stade en êtes-vous avec ce candidat médicament ?
Frédéric Cren :
Actuellement, les enfants atteints par cette maladie très grave sont traités par des thérapies de remplacement enzymatique. Ils doivent se rendre à l'hôpital une fois par semaine et passer plusieurs heures pour recevoir une infusion de ces enzymes de remplacement. Ceci est très contraignant et, de plus, ces enzymes sont des grosses molécules qui se diffusent mal dans le corps, ce qui réduit l'efficacité du traitement. Odiparcil, la molécule développée par Inventiva, a l'avantage d'une prise par voie orale deux fois par jour et d'avoir, grâce à une très bonne distribution dans le corps, une efficacité attendue dans de nombreux organes non traités par les enzymes de remplacement. Odiparcil peut radicalement transformer la façon dont certaines formes de MPS sont traitées. Nous menons actuellement une étude de phase IIA, appelée « iMProveS », sur 24 patients atteints par la MPS de type VI, dont les résultats sont attendus au second semestre 2019. L'année prochaine s'annonce donc riche en actualités d'autant que nous aurons aussi des résultats, de phase I cette fois, pour ABBV-157, le candidat médicament dans le psoriasis développé en partenariat avec la société américaine AbbVie et pour lequel nous sommes éligibles à des paiements d'étapes et surtout des redevances sur les ventes.
Propos recueillis par Laurent Grassin (redaction@boursorama.fr)
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