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Exel Industries : c'est un peu compliqué, mais ça fonctionne bien, apparemment
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 18/01/2024 à 08:00

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

(Crédits photo : Adobe Stock -  )

(Crédits photo : Adobe Stock - )

Les conglomérats, les groupes de sociétés qui pratiquent plusieurs métiers, ont mauvaise presse. Parce que ça peut être un peu compliqué à analyser, et peut-être aussi parce que le plus beau d'entre eux, l'américain General Electric, alias GE, longtemps dirigé par un PDG (Mr Jack Welch) considéré comme le patron parfait, dans l'enseignement des écoles de commerce en tout cas, a fini par être démantelé en grande partie, et recentré dans la douleur. Avec à la clé un parcours boursier très décevant pendant un temps, surtout pour ce qui était la valeur de fonds de portefeuille par excellence, voire le "blue chip" absolu. Mais c'est la vie : tout change tout le temps, c'est un fait.

Et pourtant, la logique économique du conglomérat semble attrayante a priori : a) on peut diversifier le risque avec un portefeuille d'activités plus ou moins variées et donc plus ou moins exposé seulement aux aléas de la conjoncture, et, b) on peut aussi, en remontant les liquidités des filiales qui fonctionnent bien et génèrent du cash, aider les filiales qui vont moins bien, et aussi investir dans de nouvelles activités prometteuses. Bref, gérer dans une optique de long-terme. Ce qui, à tout prendre, vaut peut-être mieux que de céder à la va-vite des activités en difficultés plutôt que travailler à les redresser, histoire de garder à tout prix une marge opérationnelle présentable au marché boursier.

Décote de conglomérat ? : oui et non

Mais la vertu n'est pas toujours récompensée, comme chacun sait : un conglomérat est le plus souvent valorisé par ledit marché boursier avec une décote, c'est-à-dire avec un cours de Bourse nettement inférieur à une valeur d'Actif Net Réévalué par action soigneusement calculée par les analystes

Lequel calcul n'a rien de sorcier en fait : on peut le plus souvent appliquer à chaque branche d'activité dudit conglomérat, puisque celles-ci sont détaillées dans les rapports annuels, une valeur de marché en lui appliquant le multiple capitalisation boursière/chiffre d'affaires d'une société cotée qui fait le même métier. Deux chiffres qui sont le plus souvent très faciles à trouver, très notamment sur le grand site Boursorama. On peut, par exemple, valoriser Bouygues Telecom dans le groupe Bouygues à l'aide du multiple CB/CA d'Orange Belgium coté à Bruxelles, et ainsi de suite.

Cette décote que le marché applique systématiquement aux conglomérats peut paraître infondée : si appliquer une "décote de holding" à une holding, puisqu'il s'agit d'une société qui ne fait que gérer des participations dans d'autres sociétés qu'elle ne contrôle pas vraiment le plus souvent, est logique, faire de même avec un groupe qui contrôle ses filiales à 100% et définit leur stratégie l'est vraisemblablement un peu moins. Mais c'est toutefois le lot commun des conglomérats, avec un bon argument pour ça : il y a toujours un problème quelque part dans une telle structure, qui est souvent importante et complexe (cf GE, plus haut) et la Bourse n'aime pas les problèmes. Tout simplement.

Mais pas besoin d'être si gros que ça pour faire un bon conglomérat, à en juger d'après Exel Industries, par exemple, qui est typiquement une ETI familiale mais n'en opère pas moins avec plus de vingt filiales et autant de marques, et avec une empreints très large et internationale, puisque 80% environ du chiffre d'affaires consolidé est réalisé hors de France.

Exel Industries : plus de 20 marques, mais de la pulvérisation agricole, et aussi industrielle, avant toutes choses

Exel Industries, qui a son siège social à Epernay (et son quartier général à Paris), a réalisé sur son dernier exercice clos fin septembre 2023 un chiffre d'affaires de 1 094 millions d'euros avec 3 900 salariés environ dans 27 pays. Le groupe conçoit et fabrique avant tout des pulvérisateurs pour produits phytopharmaceutiques (48% des ventes), lesquels produits sont en clair pratiquement tout ce que les agriculteurs mettent dans leurs champs pour améliorer les rendements.

Des équipements qui sont tractés, portés ou encore automoteurs, pour toutes sortes de cultures et toutes sortes d'exploitation, vendus sous une dizaine de marques et avec de bonnes parts de marché dans pratiquement toutes les grandes régions agricoles du monde. Exel étant par ailleurs un constructeur réputé d'arracheuses de betteraves (Holmer : 14% des ventes), et ayant en tout près des 2/3 de son activité liée à l'agriculture.

Mais Exel est aussi un grand fabricant de pulvérisateurs industriels (Sames, etc… : 24% des ventes) pour peintures, vernis, colles et mastics, et fournisseur de presque tous les grands constructeurs automobiles et aussi de grands acteurs de l'aéronautique, de l'industrie du meuble, etc…. Et Exel a enfin un pôle Loisirs (13% des ventes) qui regroupe les outils de jardinage, essentiellement pour la pulvérisation (comme on peut s'en douter) mais aussi dans l'arrosage, plus une diversification récente dans le nautisme avec la reprise en 2021 de trois petites marques un peu confidentielles (mais pas trop) de voiliers haut de gamme : Wauquiez, Rhea Marine et Tofinou.

Positionnement : résolument premium, et vraiment innovant ?

Le groupe opère 23 sites de production, dont 10 pour les pulvérisateurs agricoles, 11 en France, 8 en Europe, 2 dans les Amériques, et 2 en Asie. Et, surtout, s'applique à maintenir des points communs entre les activités quelles qu'elles soient : selon la direction d'Exel, il s'agit toujours de bien d'équipements premiums, vendables dans le monde entier, conçus en interne avec pas mal de R&D (et de brevets déposés), souvent adaptés aux besoins spécifiques des clients, et avec une maîtrise complète du service après-vente. Ce qui vaut au groupe, toute PME qu'il est, de revendiquer une place de leader sur le marché de la pulvérisation agricole, face à des monstres comme John Deere ou Case, et aussi de se positionner comme un acteur vraiment innovant avec de nouveaux équipements capables de pulvériser avec une grande précision, ce qui fait sens autant économiquement qu'écologiquement, développés pas sa filiale Exxact Robotics.

De fait, les systèmes 3S Spor Spray Sensor d'Exel analysent en temps réel le sol par caméras, ou utilisent une carte du terrain dressée par drone : Hardi/Geoselect, et pulvérisent seulement là où il faut sur les mauvaises herbes. Avec un  bénéfice évident pour le client : de-30 à -90% de produits phytopharmaceutiques répandus, des gains de temps et des économies de carburant, car moins de retour à la ferme pour remplir le réservoir, soit moins de C02 émis, et, cerise sur le gâteau, de meilleurs rendements des zones non-traitées. Tout cela en plus d'autres nouveaux produits plus classiques, mais primés dans les salons professionnels : le Traxx Concept H2, un enjambeur motorisé par hydrogène, le pulvérisateur Katch, l'enjambeur Tecnoma motorisé au bio-ethanol et ainsi de suite.

Une histoire un peu compliquée, mais ceci explique cela

Exel Industries s'est développée depuis les années 1950 à partir d'un produit innovant : un tracteur enjambeur pour les vignobles (en commençant par les vignobles de Champagne, bien entendu) commercialisé sous la marque Tecnoma. Un tracteur enjambeur qui a bien vite été équipé de pulvérisateurs d'insecticides, herbicides etc…, dont les fabricants ont bien vite aussi été rachetés, tout comme ont été rachetés par la suite d'autres constructeurs français de tracteurs enjambeurs et d'automoteurs de pulvérisation agricole.

Avec en parallèle un développement dans la pulvérisation industrielle de peintures et colles grâce au rachat du leader français Kremlin, puis une introduction en Bourse en 1997, et encore bien d'autres acquisitions depuis, non seulement dans la pulvérisation agricole ou industrielle : Sames Technologies et Matrot en France, Fischer en Suisse, Hardi au Danemark, Agrifac aux Pays-Bas, Intec en Allemagne, ET Works/Apache aux USA, mais aussi dans des métiers connexes, très notamment les arracheuses de betteraves (Moreau, Holmer) et la pulvérisation et l'arrosage de jardins, avec Hozelock au Royaume Uni, puis G.F. en Italie. Et pour couronner le tout, ou diversifier le tout, le pôle Loisirs avec le jardinage plus le nautisme.

Résultats récents : plutôt bons, et pour cause

La même stratégie depuis toujours : être innovant, premium et international, avec un outil industriel "state of the art" produit de bons résultats économiques semble-t-il, puisque l'exercice 2022-23 clos fin septembre se termine avec une croissance du chiffre d'affaires de +12%, dont +9% d'effet prix, soit une croissance presque essentiellement organique, tirée par la pulvérisation agricole (+19%) en général et la France en particulier avec la reprise de la demande en automoteurs de pulvérisation et en tracteurs enjambeurs vignerons, et des gains de parts de marché a priori. Et de la bonne croissance aussi en Europe de l'Est, région de très grandes exploitations agricoles, avec un boom dans les arracheuses de betteraves en Russie notamment, et en Australie, pays où il y a une forte demande pour des machines agricoles très perfectionnées. En plus d'une bonne activité pour les pulvérisateurs industriels, tant aux USA qu'en Chine, où la filiale allemande Intec (dans Sames) acquise en 2020, vend à BYD et autres fameux nouveaux constructeurs de berlines électriques.

Avec par ailleurs la fin de l'effet ciseau négatif, les coûts matières ayant baissé avant les prix, les effets volumes positifs et malgré les hausses de salaires, le résultat opérationnel courant double quasiment, soit un gain de +2,3 points de marge, qui revient à un bon niveau a priori, soit 6,1%. Rappelons que la marge opérationnelle de l'exercice précédent avaient été nettement pénalisée par les problèmes d'approvisionnement en composants électroniques et l'inflation générale des coûts répercutée avec un effet retard dans les prix, en plus de surcoûts liés au démarrage d'Exxact Robotics, et d'une prime de pouvoir d'achats pour tous les salariés (un signe évident de qualité de gestion, et pas que ESG, les sociétés qui paient bien leurs salariés sont le plus souvent les plus rentables, qu'on se le dise).

On notera pour finir qu'Exel Industries présente fin septembre un bon bilan avec un ratio d'endettement nette/Fonds Propres de seulement 27%, redescendu de 38% grâce entre autres au dégonflement des stocks, et un levier Dette Nette/Ebitda (pour les puristes formés à la dure école de la finance anglo-saxonne) de seulement 1,3x.

La suite ?

La direction d'Exel fait état de bons carnets de commandes en pulvérisation agricole, et pour des délais de livraisons plus longs aussi qu'avant, et donc d'une bonne visibilité jusqu'au troisième trimestres de l'exercice en cours. Avec toujours un bon développement commercial aux USA-Canada, en Australie, et en Europe de l'Est. Mais la suite sera peut-être un peu plus compliquée : i) le prix des matières agricoles sont en baisse (sauf le sucre) et les taux d'intérêts sont en hausse, ce qui incite à la prudence chez des agriculteurs, qui ont bien investi ces dernières années, à ceci près que ii) les très grandes exploitations ont des plans d'investissements pluri-annuels et s'y tiennent : la demande de denrées alimentaires est toujours en hausse avec une population mondiale toujours en hausse aussi. Mais iii) les revendeurs, le plus souvent les clients directs d'Exel, ont des stocks plus importants que d'habitude, après avoir sur-commandé face à des délais de livraisons trop longs, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, et la demande anticipée est plutôt en baisse dans l'ensemble.

De plus, après une année exceptionnelle, grâce aux prix du sucre élevés et de grosses commandes russes, les ventes d'arracheuses de betteraves devraient se calmer nettement. La pulvérisation industrielle bénéficie par contre de toujours beaucoup de commandes dans l'automobile, notamment pour les usines de Stellantis, mais moins dans l'industrie du bois avec le ralentissement de la construction résidentielle partout.

Exel va néanmoins reconstruire intégralement son usine de Stains, pour avoir un outil de travail tout neuf qui démarrera en 2025. Quant au pôle Loisirs, il a besoin de se relancer, le jardinage ayant souffert de la météo défavorable de l'été, et se dote pour ce faire d'une une force de ventes dédiée aux chaînes, alors que la branche nautisme sort vaille que vaille, puisque ce marché s'est bien retourné, de nouveaux modèles de voiliers, équipés entre autres de moteurs auxiliaires électriques; ce qui plaît beaucoup paraît-il.

Bref, comme toujours, prévoir l'avenir est très difficile. C'est éventuellement pour cette bonne raison qu'Exel s'est donné pour objectif de renforcer encore son bilan, en continuant à se désendetter sur son free cash-flow. Le free cash-flow étant, l'argent qui reste à l'actionnaire une fois que les investissements normatifs, les investissements nécessaires au maintien/renouvellement de l'outil productif ont été fait et bien fait.

Une des bonnes résolutions chez Exel Industries pour 2024, au cas où le marché se retournerait, en plus de continuer à innover, et de tenir ses coûts autant que faire se peut.

C'est simple, finalement, un bon conglomérat.

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