De Versailles jusqu'en Occitanie, des agriculteurs ont mené vendredi des actions pour protester contre les importations ne répondant pas aux mêmes normes qu'en Europe, une deuxième journée de mobilisations "symboliques" à l'appel de l'alliance FNSEA-Jeunes agriculteurs.
"Aidez-nous au lieu de nous tuer", plaident de jeunes agriculteurs de Béziers (Hérault), tandis que près de Toulouse résonne un avertissement tracé sur un ruban de plastique noir tendu sur des bottes de foin: "Macron = rigolo. On t'avait prévenu, on va revenir".
Certains s'étaient déjà mobilisés jeudi, pour dénoncer en particulier l'accord de libre-échange entre l'UE et des pays latino-américains du Mercosur et demander à l'Etat français de clarifier sa position.
Vendredi dès l'aube, une centaine d'autres, avec une quinzaine de tracteurs, se sont installés devant le château de Versailles.
"Le sens de cette mobilisation, c'est évidemment attirer l'attention du chef de l’État", a déclaré le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, présent sur la place d'Armes devant le château.
"On a sur le plan international de nombreuses questions qui se posent quand des produits viennent envahir nos marchés et ne respectent pas nos normes de production", a poursuivi M. Rousseau. "Le chef de l’État doit réagir. Le Premier ministre doit nous recevoir urgemment."
"La révolte paysanne reprend à Versailles", pouvait-on lire sur une immense banderole déployée sur des tracteurs, nimbée de la fumée verte de fumigènes.
A 56 ans, dont quarante passés à travailler dans une exploitation agricole, le secrétaire général de la FDSEA de Seine-et-Marne, Pascal Verriele, a le sentiment "de toucher le fond".

Des agriculteurs manifestent devant le château de Versailles, répondant à l'appel de mobilisation nationale contre le projet d'accord commercial Mercosur, lancé par la première alliance syndicale agricole FNSEA-Jeunes Agriculteurs, le 26 septembre 2025 ( AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT )
"Je n'ai plus de visibilité, plus de marge de manœuvre", déplore cet agriculteur en grandes cultures. "Il y a le Mercosur, les dispositifs accordés à l'Ukraine de quotas d'importation sans droits de douane. Tout cela déstabilise nos exploitations."
L'appel de la première force syndicale agricole survient alors que Bruxelles a lancé le 3 septembre le processus de ratification du texte Mercosur, à l'égard duquel la France, jusque-là très opposée, semble depuis se montrer moins défavorable.
Feu de camp, café et croissants: ici comme ailleurs en France, l'ambiance bon enfant et la fatigue marquée sur les visages, alors que les récoltes ne sont pas terminées.
- "Avertissement" -
A Valenciennes, des agriculteurs de la FDSEA ont mené une "opération de contrôle" des origines des produits dans un magasin Métro.

Des vignerons participent à une manifestation organisée par la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA) et les syndicats des Jeunes Agriculteurs (JA) contre l'accord de libre-échange du Mercosur à Béziers, dans le sud de la France, le 26 septembre 2025 ( AFP / GABRIEL BOUYS )
"Thaïlande, Bulgarie, Turquie, Ukraine, Kazakhstan… on fait le tour du monde ici!", lance Alain Dupont, exploitant à Thiant, en empilant dans un chariot des denrées importées. En découvrant de l'emmental venu de Hollande, il soupire : "Pourtant c'est quand même bien français l'emmental… C'est désolant".
Dans un magasin Promocash de Mont-de-Marsan (Landes), Julie Meurisse, agricultrice et adhérente FNSEA, vide les rayons de viandes et légumes importés: "on essaye de cibler les produits qui ne respectent pas un minimum d'affichage sur l'origine des produits. C'est très compliqué aujourd'hui pour le consommateur".
Près de Béziers, des agriculteurs, accompagnés de tracteurs et bennes, ont déversé une remorque de moût de raisin devant le bâtiment des Douanes. "Ce n'est qu'un avertissement, la prochaine fois, ça sera plus sévère", prévient le viticulteur et secrétaire général de la FDSEA de l'Hérault, Cédric Saur.
"On continue à rester motivés, on reviendra s'il y a besoin cet hiver, à un moment où dans nos champs, ce sera plus facile", a mis en garde Arnaud Rousseau.
Cette mobilisation diffère des grandes journées de blocage des hivers 2024 et 2025, au moment aussi où nombre d'agriculteurs sont retenus dans leurs fermes. Jeudi, dix actions "symboliques" ont réuni environ 700 agriculteurs, selon la police. Vendredi, les autorités s'attendent à environ 3.000 participants aux 70 actions organisées.
L’accord signé fin 2024 entre le Mercosur et la Commission européenne doit permettre à l’UE d’exporter davantage de voitures, machines, vins… Mais il facilitera aussi l’entrée de bœuf, volaille, sucre, miel... via des droits de douane réduits.
Ces secteurs dénoncent une concurrence déloyale du fait de normes de production moins-disantes sur le plan sanitaire et environnemental et de contrôles défaillants. A ce rejet s'ajoute la colère liée au relèvement à 15% des droits de douane américains imposé depuis août à l'UE, en particulier aux vins et spiritueux.
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