
( AFP / EMMANUEL DUNAND )
Une dégradation de la note de l'agence de notation internationale Moody's pourrait peser sur les taux auxquels la France emprunte sur les marchés, alors que le pays est déjà sous tension en raison de la dérive de ses comptes publics.
Surveillé comme le lait sur le feu. L'agence de notation internationale Moody's livrera vendredi 25 octobre son verdict sur l'économie française, fragilisée par la forte détérioration des comptes publics, en plein débat budgétaire à l'Assemblée nationale.
Alors que le gouvernement prévoit un effort de "60 milliards d'euros" en 2025 dans son projet de budget, entre réductions des dépenses publiques et alourdissement de la fiscalité, la décision de Moody's sur la note souveraine française sera scrutée de près. Un abaissement n'est pas exclu. L'agence note la France un cran au-dessus des autres agences Fitch et S&P, à "Aa2" (l'équivalent de 18 sur une échelle de 20 niveaux de notation), et pourrait s'aligner sur elles malgré une perspective actuellement "stable".
"Nos partenaires européens nous regardent"
Une telle dégradation pourrait peser sur les taux auxquels la France emprunte sur les marchés, alors que le pays est déjà sous tension en raison de la dérive de ses comptes publics. La dette française continue de séduire les investisseurs du marché mais ses taux d'intérêt sont désormais proches de ceux de pays comme le Portugal ou l'Espagne, réputés plus risqués. "Nous sommes aujourd'hui, en Europe, un des pays les plus isolés en termes de déficit et de dette", et "nos partenaires européens nous regardent", a admis mardi le ministre de l'Economie et des Finances, Antoine Armand, sur TF1.
Selon le cabinet Asterès, plus que les décisions des agences de notation, dont les conséquences seraient selon lui "limitées sur les coûts d'emprunt de l'Etat français", c'est la situation budgétaire, économique et politique de la France, encore marquée de forte incertitude, qui importe surtout. La charge de la dette est aujourd'hui le deuxième poste budgétaire derrière l'éducation avec plus de 50 milliards d'euros et elle est susceptible de devenir le premier d'ici à 2027. Ce qui réduit d'autant les marges de manoeuvre financières. Pour préserver la crédibilité française, le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier a annoncé dans son projet de budget pour 2025 un plan massif d'économies, qui peine cependant à convaincre au sein d'une Assemblée nationale fragmentée, où il est dépourvu de majorité absolue.
"Le choc fiscal annoncé pourrait abîmer le potentiel économique de la France"
"Le débat politique se focalise sur des hausses de prélèvements, dont le niveau est déjà très élevé. A l'opposé, les mesures de baisse structurelle de dépenses - notamment sur les retraites, les autres dépenses sociales et les collectivités territoriales - rencontrent une forte opposition", a relevé Olivier Redoulès, directeur du pôle Etudes de Rexecode. En outre, "le choc fiscal annoncé, qui devrait porter majoritairement sur les entreprises, pourrait abîmer le potentiel économique de la France au-delà de ses effets conjoncturels, via l'investissement et l'emploi", a-t-il ajouté auprès d'une journaliste de l'AFP.
Le gouvernement entend ramener le déficit public de 6,1% du PIB en 2024 à 5% en 2025 - toujours loin au-dessus du seuil maximal de 3% autorisé par les règles budgétaires européennes. Son ambition est de ramener le déficit à 2,8% en 2029. L'an prochain, alors que la croissance atteindrait 1,1% comme cette année, dans un environnement de fort recul de l'inflation, la dette publique continuerait de gonfler pour frôler les 115% du PIB, presque le double du maximum fixé à 60% par Bruxelles.
Fitch place la France sous "perspective négative"
La décision de Moody's interviendra deux semaines exactement après celle de Fitch, qui a placé la France sous "perspective négative", lui épargnant la dégradation de sa note "AA-" malgré ses finances publiques dégradées. L'agence a souligné que depuis sa précédente évaluation en avril, "les risques liés à la politique budgétaire se sont accrus". "Une forte fragmentation politique et un gouvernement minoritaire compliquent la capacité de la France à mettre en œuvre des politiques d'assainissement budgétaire durables", estime l'agence, qui ne croit pas aux prévisions officielles de déficit.
Après Moody's, le prochain rendez-vous à haut risque pour la France est fixé au 29 novembre, quand l'agence S&P, la troisième des plus grosses agences de notation internationales, se prononcera sur la solvabilité de sa dette. Elle avait dégradé en mai la note de "AA" à "AA-".
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