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Coronavirus-Éviter le confinement, le pari risqué de Macron
information fournie par Reuters 19/03/2021 à 10:06

par Michel Rose

PARIS, 19 mars (Reuters) - Le 29 janvier, Emmanuel Macron annonce sa décision au cours d'un Conseil de Défense sanitaire réuni dans l'urgence : malgré l'insistance de ministres et de nombreux scientifiques, il veut se donner une chance de maîtriser l'épidémie de COVID-19 sans nouveau confinement national.

Le président français part du principe qu'éviter un troisième confinement peut donner une chance à une économie au ralenti de se relever et ainsi limiter l'ampleur de la crise économique et sociale que des membres de son entourage considèrent comme le défi à relever le plus important de son mandat après celui du coronavirus.

La santé mentale des Français, éprouvés par dix mois de restrictions et deux confinements, le préoccupe également.

Ce pari est cependant sur le point de se retourner contre le chef de l'Etat, aujourd'hui confronté à des services de réanimation au bord de l'asphyxie dans certaines régions et dans l'obligation de durcir à nouveau les limitations de déplacement, notamment à Paris.

Après un long plateau qui laissait penser que la France pourrait échapper à une troisième vague après les Fêtes, confortant le choix du président, la situation s'est vivement détériorée ces deux dernières semaines.

Et la pression monte sur le président à mesure que s'alourdit le bilan d'un fléau mondial qui a fait presque 100.000 morts en France, comme l'ont raconté à Reuters une demi-douzaine de sources au fait du "cruel dilemme" du président. Tous ont requis l'anonymat, les propos rapportés ayant été tenus lors de réunions non officielles.

Emmanuel Macron n'est pas le seul dirigeant européen à devoir concilier risque sanitaire immédiat et défis économiques post-crise du COVID-19. Selon le Fonds monétaire international, la zone euro ne retrouvera son niveau d'activité d'avant la pandémie qu'en 2022, bien après les États-Unis et le Japon qui franchiront ce cap dès cette année.

Mais le pari macronien d'un non-confinement pour préserver l'économie, allant à l'encontre des choix de pays limitrophes tels que l'Allemagne, en confinement depuis deux mois, se paye aujourd'hui au prix fort dans les services de réanimation d'Ile- de-France.

LA DÉCISION

Fin janvier, face à la perspective d'une recrudescence des cas de COVID-19 après les vacances de Noël, le ministre de la Santé, Olivier Véran, milite en faveur d'un nouveau confinement national, selon une source gouvernementale.

Le Premier ministre, lui, demande à se préparer à cette éventualité, selon une autre source. Le président demande quelques jours de réflexion, alors que certains médias annoncent un "confinement imminent".

Le soir du 29 janvier, les ministres sont conviés à l'Elysée "en catastrophe" à 18h, prévenus à peine une heure à l'avance, pour une réunion du Conseil de défense sanitaire.

Emmanuel Macron annonce alors aux responsables présents son choix de ne pas procéder à un confinement mais d'imposer à la place des mesures localisées beaucoup moins restrictives que lors des deux confinements du printemps et de l'automne 2020.

Jean Castex lui-même est pris de cours, selon la source gouvernementale et une source parlementaire proche du chef de l'Etat, et doit improviser un discours. "Quand il arrive au conseil de défense, il ne sait pas ce qu'il va annoncer. Mais il est sacrificiel," selon l'une d'elle.

A Matignon, une source assure que Jean Castex était arrivé à la même conclusion que le chef de l'Etat au vu des chiffres rassurants et ne souhaitait pas un confinement préventif. Il n'a cependant pas le temps de se faire maquiller avant d'annoncer aux Français la décision du chef de l'Etat.

Selon l'entourage présidentiel, Emmanuel Macron avait de bonnes raisons de prendre cette décision : l'explosion de cas de COVID-19 redouté après les Fêtes n'avait pas eu lieu et les vaccins commençaient à être distribués. Des restrictions localisées, sans aller jusqu'au confinement, semblaient donc pouvoir suffire.

Un autre élément est à prendre en compte dans le choix de l'Elysée : quelques jours avant la réunion du Conseil de défense, les Pays-Bas ont connu trois nuits d'émeutes contre le confinement.

Ces violences ont inquiété des parlementaires de la majorité, l'un d'eux soulignant à l'époque qu'un nouveau confinement en France pouvait être "la goutte d'eau qui fait déborder le vase".

Des députés LaRem ont aussi fait remonter à Emmanuel Macron des témoignages de l'impact destructeur du confinement sur la santé mentale.

"Tous les parlementaires ont été consultés, un très grand nombre a fait valoir que sur le terrain on ressentait une très grande détresse, une très grande peur du confinement", a rapporté l'un d'eux, donnant l'exemple de salariés fondant en larmes sur leur lieu de travail.

Mais la plus grande inquiétude, selon deux sources au fait de la pensée de Macron, concernait l'état de l'économie.

Le président et son entourage pensaient que les autres pays de l'UE ayant connu au moins trois confinements nationaux se rétabliraient plus lentement que la France : "Un confinement en moins c'est un impact considérable sur l'avenir. Sur le moral des gens, les écoles, l'état de l'économie. Quand tu confines moins derrière tu as une capacité de rebond qui est forcément plus forte," selon une source dans son entourage.

Pour Emmanuel Macron et son équipe, "chaque jour où nous évitons un confinement" est alors considéré comme "un jour de gagné".

OBSTACLES

Mais cette stratégie va bientôt se heurter à une série d'obstacles, à commencer par les difficultés de la campagne de vaccination.

Dès la fin janvier, les centres de vaccination annulent ou reportent des milliers de rendez-vous, faute d'avoir en leur possession un nombre suffisant de vaccins Pfizer PFE.N et Moderna MRNA.O . Les fabricants invoquent des problèmes de production.

Selon les prévisions d'Olivier Véran, entre 3,5 et 4 millions de personnes devaient avoir reçu une première injection fin février. Les données officielles ont présenté des chiffres inférieurs, avec 3,02 millions de premières doses inoculées.

Autre difficulté majeure : de nouveaux variants plus virulents du COVID-19, identifiés pour la première fois en Grande-Bretagne et en Afrique du Sud, se répandent en France, contribuant à une forte hausse des taux d'infection, selon les autorités.

À Paris, les journées plus longues et le temps ensoleillé poussent des milliers de personnes dans les parcs et sur les quais de la Seine, parfois après le couvre-feu de 18h00 instauré mi-janvier pour limiter les transmissions.

Le 16 mars, 1.177 personnes atteintes du COVID-19 se trouvaient dans les unités de soins intensifs à Paris et en région parisienne, soit un chiffre supérieur à celui recensé au plus fort de la seconde vague de la pandémie, en novembre, pendant le deuxième confinement national.

Les unités de soins intensifs de la région se disent proches de la saturation.

CHANGER DE CAP

Les ministres ont exploré un maximum de pistes pour éviter de recourir au confinement. Une source gouvernementale a évoqué l'hypothèse d'une mise en place d'hôpitaux militaires et une intensification des opérations d'évacuation de patients parisiens vers des régions moins touchées.

Mais lundi dernier, le "trou de souris" dans lequel Emmanuel Macron comptait encore se faufiler pour éviter de nouvelles mesures, se réduit encore.

France et Allemagne suspendent l'utilisation du vaccin fabriqué par AstraZeneca AZN.L dans l'attente d'enquêtes sur ses effets secondaires, au risque de perturber encore la campagne de vaccination. Même si c'est temporaire, l'hésitation vaccinale risque d'être renforcée.

Selon une source gouvernementale, cette décision "remet tout en jeu". "Cette stratégie de statu quo ne pouvait qu'aller de pair avec l'idée de s'engager à fond dans la stratégie vaccinale", a-t-elle dit.

Ce même jour, Stanislas Guerini lance une mise en garde lors d'une réunion d'élus dans le bureau du Premier ministre. Les efforts pour éviter un confinement risquent d'être perçus comme de "l'obstination".

"Attention, le débat monte dans le pays entre ceux qui pensent que c'est un jour de gagné, et ceux qui pensent que c'est un jour de perdu, un jour de trop", a-t-il dit, selon une personne présente.

Des propos confirmés à Reuters par l'entourage de Stanislas Guerini, tout en précisant qu'il ne s'agissait pas d'une critique envers Emmanuel Macron.

Interrogé lundi à Montauban (Tarn-et-Garonne) en marge d'un sommet franco-espagnol, Emmanuel Macron, qui se qualifiait en 2017 de "maître des horloges", laisse échapper sa frustration, déclarant à la presse : "Le maître du temps, c'est le virus, malheureusement."

Mercredi, en conseil des ministres, le président et ses ministres se résignent donc à de nouvelles restrictions, allant jusqu'à des confinements régionaux, à Paris et dans d'autres régions très affectées par le virus.

Malgré cela, l'équipe du président ne regrette pas d'avoir essayé de privilégier la reprise économique et le moral des français en évitant un confinement national.

"Il faut qu'on soit prêt pour le maelström socio-économique, et vigilant face à l'état de santé des Français, parce qu’ils sont déprimés", estime la source parlementaire proche du président, un oeil sur l'élection présidentielle du printemps 2022, où Emmanuel Macron pourrait retenter sa chance devant les Français.

De l'avis de ce disciple du président, aucun doute : "2022 va se jouer là-dessus, la situation économique du pays. Il faut que le pari du non-confinement soit réussi."

(Avec Elizabeth Pineau et Richard Lough, version française Kate Entringer, édité par Jean-Michel Bélot)

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