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Comment détecter une bulle spéculative via l’intelligence artificielle ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 21/03/2024 à 08:40

François d'Hautefeuille
François d'Hautefeuille

François d'Hautefeuille

Evariste Quant Research

Cofondateur & président

https://www.evariste-quant-research.com/

(Crédits photo : Pixabay / Pexels -  )

(Crédits photo : Pixabay / Pexels - )

Les valeurs d'hyper croissance sont probablement l'actif financier le plus important et le plus difficile à valoriser. Ces valeurs sont parmi les plus spéculatives du marché vu leur performance hors du commun. La foule des investisseurs passe de périodes d'euphorie à des périodes de désillusion. Ceci crée une tendance de ces valeurs à parfois trop monter dans les périodes de spéculation. Elles s'effondrent alors quand la vague de la « dumb money » (investisseurs non avertis) revend brutalement ses positions, souvent à perte car en ayant acheter sur les plus hauts. De fait, ces valeurs ont tendance à être médiatisées quand la «smart money» (investisseurs sophistiqués) cherche à prendre ses profits. D'où l'adage célèbre : «Cette action peut encore monter, ma belle-mère n'a pas encore acheté…»

Dans notre article précédent, nous mettions en exergue la révolution copernicienne qui caractérise à notre sens la valorisation de ces valeurs d'hypercroissance. Le collectif de l'intelligence des experts financiers est de plus en plus remplacé par l'intelligence collective du marché comme outil privilégié d'identification de ces valeurs d'hyper croissance.

Certains analystes ne voient pas toujours d'un œil bienveillant la montée en puissance de la machine financière que représente les algorithmes d'intelligence artificielle face à l'intelligence des plus grands experts. Un reproche est qu'en partant des données du marché et non pas des données comptables, les algorithmes d'intelligence artificielle ne font que modéliser le comportement moutonnier du marché. C'est la valeur comptable complétée par la « forward guidance » (prévisions) de la direction financière ainsi que la capacité de l'analyste financier à modéliser les flux financiers futures d'une entreprise qui permettent d'identifier la vraie valeur d'une entreprise. Le prix de marché n'est vu que comme spéculation et agiotage, parfois éloigné de la vraie valeur.

La Vérité appartient aux meilleurs analystes qui par leur travail réussissent à déchiffrer et analyser le business modèle d'une action d'hyper croissance.

Nous ne remettons pas l'importance d'une telle analyse fondamentale. Elle vient toujours valider le comportement financier d'une action d'hyper croissance.

On ne peut pas non plus nier qu'il existe parfois des bulles sur le cours des actions en particulier d'hypercroissance. Ceci reflète un des fondements de la théorie financière des actions : «Les actions les plus rentables ont les plus grosses betas, c'est-à-dire les plus fortes corrélations avec les indices de marché.» Ce comportement intrinsèque des valeurs d'hypercroissance illustre l'adage que «les grands profits vont avec les grands risques».

Ce risque plus élevé reflète les fondements financiers et comportementaux des actions d'hyper croissance. Elles reposent par essence sur des modèles économiques de rupture (innovation technologique) et donc par essence stochastiques et non pas déterministes. Qui serait expliquer a priori l'impact des nouvelles puces NVidia sur les circuits économiques de production et de consommation ? Même NVidia ne le peut sans doute pas. Comme la création d'internet, ce type d'innovation de rupture crée une destruction créatrice basée sur l'implémentation de la technologie par les entrepreneurs économiques. Mais, elle repose aussi par le rythme d'acceptation de cette nouvelle technologie par les consommateurs et leur réglementation éventuelle par les Autorités.

Mais on ne peut ignorer d'autres raisons qui expliquent le plus grand risque des valeurs d'hyper croissance. Elles sont de facto les plus attractives sur le long terme. Les investisseurs les plus sophistiqués se positionnent à juste titre sur ces valeurs au détriment de leurs concurrents sectoriels. C'est l'adage «the winner takes it all». Il repose sur le modèle financier CAPM qui declare que tout investisseur doit se positionner sur la frontière efficiente, c'est-à-dire les actions qui donnent le meilleur rapport entre leur rendement et leur risque.

De ce fait, la « smart money » est surpondérée sur ce type de valeurs. Lors des consolidations de marché comme la guerre en Ukraine, ce sont donc ces valeurs qui sont «massacrées» par des ventes massives dans la recherche d'une limitation des pertes. De ce fait, lors des crises financières et/ou économiques, la « smart money » réduit ses positions en actions efficientes et contribue ainsi à leur surbaisse.

On a ainsi une modification de la pente de la frontière efficiente. Ceci dénote une revalorisation du rapport entre le risque et le rendement des actions. Typiquement, dans une période de crise, le ratio de Sharpe attendu sur une valeur d'hyper croissance augmente fortement. De fait, la forte baisse de l'action sur anticipe souvent la baisse des résultats. On a donc une rentabilité future attendue du marché qui augmente fortement.

Le comportement de méga technologique comme Nvidia illustre clairement ce phénomène. Ainsi, dans notre article de février, nous notions combien la guerre en Ukraine avait sur impacté à la baisse la croissance des profits futures de NVidia telle qu'anticipée par le consensus du marché. On a là une illustration typique de la tendance des analystes à suivre le marché et non pas le marché à suivre les analystes. En termes d'analyse à la Warren Buffet, on peut alors estimer que le scénario de stress dans la tendance des profits sur anticipe la crise financière.

Exemple du comportement suiveur des analystes par rapport au marché : les anticipations de profit ont été fortement révisé à la hausse début 2024 APRES l'explosion des cours de 2023. C'est donc le marché et non pas les analystes qui ont été capables de détecter la révolution économique liée aux nouvelles puces IA de NVidia.

Source : Bloomberg LLP, Bloomberg n'est pas responsable de cette analyse.

Source : Bloomberg LLP, Bloomberg n'est pas responsable de cette analyse.

Certes, un comptable répondra que les données comptables ne sont pas manipulables. Mais c'est une réponse insuffisante pour une action dont la valorisation répond intrinsèquement non pas sur son résultat comptable passé et donc déterminé, mais sur la croissance future de ce résultat et donc stochastique.

L'affirmation que c'est le marché qui crée les bulles financières est donc ainsi mise à mal. Bien des experts financiers suivent le comportement du marché et ne tirent donc pas la sonnette d'alarme quant à la capacité d'une entreprise à délivrer la croissance des profits. Ce sont donc souvent les analystes qui favorisent les bulles financières en révisant trop fortement à la hausse et à la baisse leurs anticipations des profits.

On peut ainsi expliquer le paradoxe qui ruine tant d'investisseurs sur les actions d'hyper croissance. Elles affichent des performances qui peuvent paraître irrationnelles sur le court voire moyen terme. Comment penser qu'il est possible pour NVidia d'afficher une performance de 80% depuis le début de l'année (après 240% en 2023, et -50% en 2022). Quand on analyse cette performance, on remarque qu'elle repose en grande partie sur un « rerating » des analystes sur les anticipations de profit. Le simple fait de remonter leurs prévisions sur les niveaux d'avant la guerre en Ukraine a justifié une part importante du rattrapage de performance par rapport à la perte de 2022.

Microsoft vs. Apple, bataille de titans de la tech

Un autre aspect fondamental de ces surperformances a priori d'exubérance irrationnelle tient à la rotation sectorielle entre des concurrentes technologiques. Microsoft (3.1 tn USD) devance à nouveau Apple (2.7 tn USD) en termes de capitalisation boursière, alors qu'Apple a été la première valeur au monde à dépasser la capitalisation titanesque de 3000 milliards USD (soit presque le PNB de la France à 3.5 tn USD). Paradoxalement, ce reclassement a été peu médiatisé.

Il est justifié par les fondamentaux. Microsoft a rapporté des résultats au-dessus des attentes en croissance de 18%. Apple affiche par contre une croissance molle à seulement 2% et des inquiétudes sur les ventes d'IPhones en Chine. Les investisseurs semblent également récompenser l'avancée de Microsoft en termes de déploiement de l'Intelligence Artificielle sur ses activités et services. Dans ce domaine, Apple n'a pas encore révélé de plan conséquent pour intégrer la nouvelle technologie dans ses produits et tout rapprochement avec un grand nom de l'IA est aussitôt salué par les marchés.

Comment identifier les valeurs qui sont en bulle financière ?

Détecter a priori une bulle financière est complexe. Les ratios de valorisation comme le Price Earning Ratio (PE) sont difficiles à utiliser. De fait, les analystes ont tendance à suivre le cours du marché pour valider a posteriori la valorisation du marché. Reste cependant des techniques complémentaires qui permettent de tirer des sonnettes d'alarme.

  1. Les portefeuilles top down générés par l'IA donnent déjà des indications. Ainsi, on remarque le retour des valeurs medtech comme Novo Nordisk, Sartorius Stedim dans notre portefeuille modèle Eurozone. Cependant, on note la sortie de LVMH. Ceci peut être vu comme l'impact des mesures de la Chine sur les importations de cognac.
  2. Les signaux comportementaux sont générés par une mathématisation de l'analyse chartiste. Ils fonctionnent surtout des indices très diversifiés comme le MSCI World, le SP500 ou le EuroStoxx 50. Ils sont donc particulièrement pour anticiper les crises financières type covid ou guerre en Ukraine. Ils indiquent clairement les périodes de rerating de la prime de risque. C'est là un indicateur majeur pour sortir des technologiques avant les crises que nous avons évoquées. Pour l'instant, cet indicateur est au vert et ne signale aucun retournement en cours du marché malgré la montée de l'escalade verbale sur l'Ukraine.
  3. Les signaux techniques sur les actions sont plus difficiles à générer. De fait, en dehors des méga capitalisations comme Apple, bien des actions ont des capitalisations trop faibles qui font qu'elles sont soumises à un bruit de marché correspondant à leur part de leur risque décorrérable par la diversification d'un portefeuille. Nos systèmes sont actuellement neutres sur Apple et Google, Amazon et Tesla. Nous sommes par contre positifs sur NVidia, Microsoft, Eli Lilly, Taiwan Semi Conductor et Meta. On peut voir là l'impact de la révolution AI qui semble relancer les dés dans les rapports de force entre les géants de la big tech. Ceci montre bien que contrairement à bien des analyses, ces sociétés n'ont pas une position de cartel entre elles, mais se livrent au contraire à une concurrence sans merci.
  4. Enfin, l'outil de création d'une matrice GARP/VAUP que nous avons présenté lors de notre précédent article permet de valider en termes fondamentaux les signaux techniques mentionnées ci-dessus.

Le graphe suivant illustre le rapport entre la croissance long terme des profits et le taux actuariel de rentabilité du capital via un modèle de discount cash flow. On remarque l'efficience du marché sur ces actions d'hyper croissance. En dehors de Nvidia, elles sont concentrées sur des rapports de valorisation assez similaires.

Source : Evariste Quant Research, Averoes Finance

Source : Evariste Quant Research, Averoes Finance

Par la magie du marché, on remarque que ces différentes voies bien différentes les unes des autres mènent souvent à un résultat similaire. C'est là la magie de la finance (et des mathématiques). La finance est un voile numérique (voire un métaverse) sur le monde réel via les données comptables, mais aussi celles du marché et l'intelligence des analystes financiers et des experts en IA.

Conclusion

Par leur essence même, les valeurs d'hypercroissance sont soumises à des variations de cours importante. Ceci tient à la fois au comportement des investisseurs sophistiqués qui revendent massivement ces actions lors des crises de marché, mais aussi des investisseurs non sophistiqués qui ont tendance à investir sur les plus hauts lors d'un pic de focus médiatique. Mais on ne saurait oublier la tendance suiveuse de bien des analystes financiers qui ont une tendance de plus en plus marquée à suivre le marché en révisant à la baisse leurs anticipations de profit dans les baisses et réciproquement.

Nous avons décrit différentes techniques qui permettent de décrypter le langage caché des marchés pour surfer les bulles financières. L'expérience montre qu'il est ainsi possible de concilier les performances exceptionnelles des valeurs d'hyper croissance avec un risque qui reste limité par une rotation sectorielle active.


François d'Hautefeuille est le fondateur d'Evariste Quant Research, un cabinet indépendant d'analyse et de recherche financière basée sur des solutions d'Intelligence Artificielle appliquées à la gestion d'actifs. Mohamed Abdennadher est analyste financier chez Averoes Finance à Tunis.

Disclaimer

Cette analyse financière n'est pas un conseil en investissement. Evariste Quant Research et leurs clients peuvent détenir des titres mentionnés dans cette analyse

1 commentaire

  • 11 avril 17:04

    Alors maintenant on aurait besoin de l'AI pour détecter les bulles !!! Tout ça est d'un ridicule, hélas, non achevé


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