Entre tarissement des liquidités et hausse des taux, l'année a fait basculer l'économie dans une autre dynamique, qui contraste avec l'ère Covid.

( AFP / DANIEL ROLAND )
En 2022, les banques centrales ont arrêté de faire pleuvoir les liquidités sur les marchés et de rendre l'emprunt quasi-gratuit, une rupture dont les effets vont durer longtemps.
Taux des emprunts, actions, cryptomonnaies, fusions et acquisitions: aucun compartiment n'a été épargné. Après une décennie où le coût de l'emprunt n'a fait que baisser, jusqu'à parfois devenir négatif, la flambée de l'inflation a décidé les banques centrales à changer de méthode.
La nouvelle solution fait grincer le système : aux États-Unis, "c'est la première fois en 150 ans que les obligations et les actions ont chuté en même temps de plus de 10% sur un an" a souligné Andrew Sheets responsable multi-actifs de la banque américaine Morgan Stanley. Sur l'année, le S&P 500, principal marché américain, chute d'environ 20%. Pour l'indice technologique Nasdaq, star de la reprise économique, la chute est plus lourde encore: environ 30%. En Europe, le repli est autour de 10% pour Paris, Francfort et Milan.
Au final, l'indice des actions mondiales MCSI World a perdu autour de 20%, sa pire performance depuis 2008.
Deux éléments ont principalement changé: les taux directeurs des banques centrales, qui déterminent les taux auxquels les banques commerciales prêtent, ont brutalement été relevés. Pour la puissante banque centrale américaine, ils sont passés de 0,25% en janvier à plus 4%. Autre "point noir", le flot des liquidités injectées sur le marché par les banques centrales s'est tari, avec même pour certaines "une très forte contraction" de leur bilan, décrit Benjamin Melman, responsable des investissements d'Edmond de Rothschild Asset Management.
Temps de réaction
"Les marchés ont eu des temps de réaction différents" à cette nouvelle ère, relève Vincent Mortier, directeur des gestions du premier gestionnaire d'actifs européen Amundi. Le plus réactif a été le marché obligataire, où les investisseurs s'échangent les titres de dette déjà émis.
Le taux à 10 ans américain a terminé l'année à 3,8%, avec un pic à 4,25% en septembre alors qu'il était à 1,5% en janvier. En Europe, l'emprunt français à 10 ans s'est échangé autour de 3% en milieu de semaine, un record depuis avril 2012. L'emprunt allemand à 10 ans, tournant autour de 2,50%, suit la même tendance.
Ce crédit plus cher a des conséquences multiples: pour les États endettés la pression augmente avec le poids des intérêts à rembourser tandis que pour les entreprises, les marges de manœuvres pour de nouvelles opérations deviennent plus limitées. Le montant cumulé des fusions-acquisitions dans le monde de janvier à novembre a ainsi chuté de 36% par rapport à l'année record de 2021.
"Les dossiers de grande qualité ont pu sortir dans de bonnes conditions tandis que d'autres, plus compliqués et potentiellement moins bien valorisés dans les conditions de marché actuelles, ont été retirés en attendant des jours meilleurs", explique à l'AFP Alexandre Courbon, responsable des activités de fusions et acquisitions pour HSBC Continental Europe.
Encore des excès
La hausse des taux d'intérêt a aussi joué contre les marchés des actions car, face à des rendements obligataires désormais davantage attractifs, les actions ne sont plus le seul marché où les gérants peuvent trouver des retours sur investissement.
Les secteurs les plus plébiscités pendant la pandémie sont aussi ceux ayant le plus souffert, notamment les mastodontes des nouvelles technologies, secteur très sensible aux conditions de financement: depuis le début de l'année, la valorisation d' Alphabet a chuté de 30%, celle de Meta de plus de 65% et celle de Tesla de près de 70%.
Autre star de 2021, les cryptoactifs ont aussi connu "une année noire" résume David Derhy analyste de marchés à eToro. Il explique que la hausse des taux "limite l'attrait des investisseurs pour ce genre d'actifs spéculatifs". Un bitcoin au 31 décembre ne valait qu'un tiers de sa valeur du 1er janvier et cette baisse s'est accompagnée de nombreux scandales dans les grands noms du secteur.
Beaucoup de gérants estiment en outre que les marchés des actions n'ont pas encore complètement intégré cette nouvelle donne et s'inquiètent des valorisations alors qu'une récession dans le monde occidental est redoutée.
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