
( AFP / FILIPPO MONTEFORTE )
Le troisième groupe bancaire italien Banco BPM a jugé mardi insuffisante l'offre publique d'échange d'actions (OPE) le valorisant à 10,1 milliards d'euros, lancée la veille par le deuxième UniCredit, infligeant un nouveau revers à son patron Andrea Orcel après ses déboires en Allemagne.
L'offre "ne reflète en aucune manière la rentabilité et le potentiel supplémentaire de création de valeur pour les actionnaires de BPM", a estimé la banque à l'issue de son conseil d'administration.
L'entreprise souligne qu'elle prendra formellement position dans les délais et selon les modalités légaux, et qu'il ne s'agit que d'une première lecture de l'offre lancée par UniCredit.
UniCredit a offert lundi 0,175 de ses actions ordinaires pour chaque action Banco BPM, les valorisant 6,657 euros chacune, soit une prime de 0,5% par rapport au cours de clôture de vendredi dernier.
BPM relève que les conditions dans lesquelles UniCredit a lancé son OPE sont "absolument inhabituelles pour des opérations de ce genre", jugeant la prime et le prix final trop bas.
A la Bourse de Milan, l'action BPM a clôturé mardi en baisse de 1,08% à 6,932 euros, bien au-dessus du prix de l'offre, tandis qu'UniCredit a cédé 1,12% à 35,87 euros.
L'offre d'UniCredit a été jugée nettement insuffisante par les analystes.
- Sans accord préalable -
BPM assure que l'OPE "n'a pas fait l'objet d'un accord préalable" et que le projet de fusion des deux banques lui ferait perdre son "autonomie juridique" et "réduirait de manière significative la concurrence sur le marché bancaire italien".
Selon les calculs d'UniCredit, les synergies de groupe permettront des économies de coûts d'environ 900 millions d'euros par an.
Mais BPM redoute qu'une importante partie des 900 millions d'euros d'économies soit réalisée en réduisant le nombre d'employés, "créant de fortes préoccupations quant aux conséquences sociales prévisibles".
BPM déplore aussi le fait que cette OPE lui impose le "principe de passivité", une règle qui limite sa "flexibilité stratégique" à un moment où il est engagé dans une offre publique d'achat (OPA) sur le groupe italien de gestion d'actifs Anima.
Le gouvernement de droite et d'extrême droite de Giorgia Meloni a lui aussi fraîchement accueilli l'offre d'UniCredit car elle risque de contrecarrer son projet de créer un troisième pôle bancaire en Italie formé par Banco BPM et Monte dei Paschi di Siena (MPS).
Le ministre de l'Economie Giancarlo Giorgetti a évoqué lundi l'hypothèse que Rome pourrait bloquer l'opération en ayant recours au "golden power", qui lui confère des pouvoirs spéciaux dans des secteurs considérés comme stratégiques pour le pays.
Seul hic, ce dispositif visant à protéger les intérêts nationaux est réservé généralement à des entreprises étrangères, notamment chinoises.
- Gouvernement divisé -
"UniCredit n'a plus grand-chose d'italien, c'est une banque étrangère", avait pesté lundi le vice-chef du gouvernement Matteo Salvini, patron de la Ligue (anti-immigration). Le premier actionnaire d'UniCredit est le fonds d'investissement américain BlackRock avec une part de 7%.
"Je suis pour le libre marché. Il ne m'appartient pas d'intervenir politiquement dans cette affaire", a toutefois nuancé l'autre vice-Premier ministre Antonio Tajani, chef du parti conservateur Forza Italia.
L'OPE sur Banco BPM survient deux mois après l'annonce surprise par UniCredit de l'acquisition de 9% de Commerzbank, puis sa montée à 21% du capital, alimentant des spéculations sur une reprise complète de sa rivale allemande.
Mais ce projet s'est heurté à une levée de boucliers du gouvernement et des syndicats du secteur bancaire allemands, et BPM n'a pas manqué de souligner cette "incertitude".
"La possibilité d'un accord avec Commerzbank s'est réduite, mais elle n'est pas proche de zéro", avait commenté lundi Andrea Orcel à la presse allemande.
Crédit Agricole, premier actionnaire de BPM avec 9,18%, a fait savoir mardi ne pas avoir demandé à la Banque centrale européenne (BCE) l'autorisation de dépasser 10% du capital de la banque italienne.
Les rumeurs de marché, que Crédit Agricole ne commente pas, vont bon train dans la presse italienne.
La banque française aurait récemment conclu des accords d'échange d'actions avec deux banques d'investissement américaines, JP Morgan et Jefferies, pour passer de 9% à 19% du capital de Banco BPM, rapporte ainsi Il Sole 24 Ore.
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