* Le mandat de Mario Draghi s'achève fin octobre * La BCE pourrait manquer de munitions lors de la prochaine crise * Son prochain président ne devra pas exclure des mesures non-conventionnelles par Dhara Ranasinghe, Jennifer Ablan et Virginia Furness LONDRES/NEW YORK, 26 mars (Reuters) - Quel qu'il soit, le successeur de Mario Draghi à la tête de la Banque centrale européenne (BCE) dans sept mois sera forcément comparé au sortant et il devra imprimer sa propre marque dans une période délicate, ce qui constitue en soi un facteur d'inquiétude pour les marchés. La promesse de Mario Draghi en juillet 2012 de faire "tout ce qu'il faudra" ("whatever it takes", en anglais) pour sauver l'euro lui a assuré durablement la confiance des marchés en jugulant la crise de la dette. Depuis, les investisseurs ont salué sa capacité à trancher avec le mode de gestion traditionnel de la banque centrale tout en se jouant des tensions internes et des oppositions externes et en pilotant une communication aussi claire que possible. Aujourd'hui, la croissance et l'inflation présentent de nouveau des signes de faiblesse alors que la BCE a épuisé son arsenal. Le futur président de l'institution pourrait donc à son tour devoir faire preuve d'audace et remettre en cause certains modèles orthodoxes en matière de politique monétaire. Pour Mohamed El-Erian, conseiller économique d'Allianz, le processus de succession de Mario Draghi, s'il est mal orchestré, pourrait être une source importante d'incertitude pour les marchés, a fortiori dans une période de ralentissement de l'économie. "Ajoutez à cela l'inquiétude liée à l'érosion de l'efficacité des politiques monétaires non-conventionnelles et la liste des défis qui attendra le prochain président de la BCE devient assez longue", dit-il. QUESTIONS CLÉS Mario Draghi, surnommé "Super Mario", semble devoir achever son mandat de huit ans sans avoir jamais eu à annoncer une hausse de taux. Car après des années de politique monétaire ultra-accommodante impliquant des taux d'intérêt négatifs et 2.600 milliards d'euros d'achats de titres sur les marchés, un montant sans précédent, la croissance dans la zone euro montre de nouveau des signes de faiblesse, l'inflation reste inférieure à l'objectif de la BCE (un taux légèrement inférieur à 2% sur un an) et le rendement des obligations d'Etat allemandes à dix ans est repassé en territoire négatif. Les investisseurs craignent donc que la banque centrale n'ait plus l'opportunité de normaliser sa politique et qu'elle soit privée de toute marge de manoeuvre pour l'assouplir lorsque surviendra la prochaine récession. Et comme les autres grandes banques centrales, elle semble avoir du mal à expliquer pourquoi la baisse du chômage ces dernières années n'a pas suffi à relancer la hausse des prix, les anticipations d'inflation évoluant actuellement à leur plus bas niveau depuis 2016. De nombreuses questions clés resteront probablement sans réponse après le départ de Mario Draghi et se poseront donc à son successeur, qui sera choisi par les instances politiques de la zone euro, sans doute après les élections européennes de la fin du mois de mai. Parmi ces interrogations figure le risque qu'une dégradation de la conjoncture oblige la BCE à relancer l'assouplissement quantitatif ("quantitative easing", QE), quitte à ce qu'elle achète des actions faute d'obligations éligibles en quantité suffisante. "Le problème posé par la raréfaction des outils disponibles lors du prochain ralentissement est un défi pour toutes les banques centrales mais la BCE pourrait devoir gérer une importante crise politique en plus des missions habituelles d'une banque centrale", dit Andrew Balls, directeur des investissements en taux fixes chez Pimco. Plusieurs candidats potentiels à la succession de Mario Draghi débattent déjà de ces questions. Le président de banque centrale finlandaise, Olli Rehn, a ainsi déclaré récemment que la BCE pourrait devoir réexaminer l'ensemble du cadre de sa politique faute d'être parvenue à relancer l'inflation, inférieure à l'objectif depuis 2013. Pour Francesco Papadia, ancien directeur des opérations de marché de la BCE, le bilan de l'institution reste un outil clé pour le jour où il faudra soutenir l'économie. "La raréfaction de certaines obligations pourrait être contournée grâce à l'inventivité dont la BCE a fait preuve au fil des ans, par exemple en rachetant des prêts bancaires ou des actions, comme la BoJ", explique-t-il. "Elle pourrait aussi recourir à des outils complètement nouveaux, ce qui correspondrait à sa tradition d'innovation et d'audace." Les économistes interrogés par Reuters au début du mois ont jugé que le Français Benoît Coeuré, pour l'instant membre du directoire de la BCE, était le candidat potentiel le plus qualifié pour succéder à Mario Draghi mais ils estiment que le Finlandais Erkki Liikanen a plus de chances de l'emporter. Olli Rehn, l'Allemand Jens Weidmann - un "faucon" - et François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, sont aussi considérés comme de possibles candidats. "Personne ne peut être plus 'colombe' que Draghi. Qui que ce soit, il sera plus 'faucon'", souligne Giles Rothbarth, gérant au sein de l'équipe européenne de BlackRock. UN COSTUME LOURD À ENDOSSER De nombreux observateurs soulignent que la capacité du prochain président à communiquer avec les marchés financiers et son audace en cas de crise seront des qualités primordiales. Pour Bob Michele, directeur de l'activité taux fixes de JPMorgan Asset Management, "le costume de Draghi est lourd à endosser; son discours 'whatever it takes' était exactement ce qu'il fallait à ce moment-là". Lorsqu'il a prononcé ce discours en 2012, Mario Draghi était en poste depuis huit mois seulement. Les investisseurs jugent aussi que la stabilité est un critère plus pertinent que les performances des actifs pour juger de la réussite du mandat d'un président de banque centrale. De ce point de vue, l'étude par les économistes de la BCE des déclarations introductives de Mario Draghi depuis 2011 montre qu'elles sont perçues comme plus faciles à déchiffrer que celles de ses prédécesseurs. Pour l'ex-économiste de Goldman Sachs Jim O'Neill, Mario Draghi, le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, et le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, se distinguent parmi les dirigeants de banque centrale par le fait qu'ils disposent d'une expérience au-delà des cercles universitaires. Tous ont effet travaillé dans le secteur bancaire, Jerome Powell comme Mark Carney dans des équipes gouvernementales et Mario Draghi à la Banque mondiale. Au-delà de la présidence de la BCE, la moitié des sièges du directoire et plus d'un tiers de ceux du Conseil des gouverneurs sont appelés à changer de titulaire cette année. Pour Richard Barwell, ancien économiste de la Banque d'Angleterre et responsable de la recherche macroéconomique chez BNP Paribas Asset Management à Londres, ces changements se traduiront par la perte d'une "dream team tout entière". "La succession va influencer toutes les décisions des huit prochaines années", souligne-t-il. <^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ Reuters Poll: ECB to hike before next downturn? https://tmsnrt.rs/2O4dnOv ECB balance sheet https://tmsnrt.rs/2Hz4sUC Draghi's financial market record https://tmsnrt.rs/2HzKgSu Reading grade level and length of ECB press conference introductory statements https://tmsnrt.rs/2HBc0WW ^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^> (Avec Helen Reid et Marc Jones à Londres, Trevor Hunnicutt à New York, infographies de Ritvik Carvalho; Marc Angrand pour le service français, édité par Marc Joanny)
L'"après-Draghi" à la BCE, un risque de plus pour les marchés
information fournie par Reuters 26/03/2019 à 14:39
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