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Akwel : proxy sur le bas de cycle automobile ?
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 12/06/2020 à 09:40

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Entre les constructeurs cotés : Peugeot SA, Renault, Volkswagen, BMW, Daimler, FCA, et leurs fournisseurs équipementiers cotés aussi : Valeo, Faurecia, Plastic Omnium pour ne citer que les plus grands, le secteur automobile est très bien représenté en Bourse, ce qui est tout à fait logique, puisqu'il pèse plutôt lourd dans l'économie européenne. Et c'est de plus un secteur facile à suivre pour l'investisseur : a) on peut observer directement le marché, puisque les produits s'étalent dans les rues (quand ils ne les encombrent pas) et, b) l'automobile étant un sujet qui intéresse tout le monde ou presque, les faits et gestes financiers et autres des constructeurs et des équipementiers sont le plus souvent largement commentés dans les médias.

Mais ce n'est pas pour autant un secteur facile à aborder boursièrement parlant : l'automobile est très cyclique, c'est-à-dire avec des hauts et des bas en terme d'activité et de rentabilité, les bas étant quelque fois très bas, ce qui se retrouve dans les cours des titres un jour ou l'autre. De fait, cette belle industrie sert surtout des marchés matures, pour ne pas dire saturés, où le renouvellement fonctionne par à-coup : le consommateur change plus ou moins souvent de voiture selon sa confiance plus ou moins grande dans la solidité de l'économie, et dans la pérennité de son emploi. Et les récessions peuvent faire mal : en 2008, GM et Chrysler étaient en faillite, et nationalisées pour être sauvées, et Peugeot SA n'allait pas très bien non plus, il faut le dire. Mais le secteur était à nouveau en pleine forme quelques années plus tard, avec 16 millions de VL (pour Véhicule Léger : voiture) vendus en Europe et près de 18 millions aux USA en 2017-2018, et avec un troisième grand marché vraiment en croissance qui plus est : la Chine, où les volumes ont plus que doublé en 10 ans pour devenir le premier marché mondial avec 28 millions de VL en 2018.

Le choc du covid-19 sur l'industrie automobile

Tout ça pour connaître un nouveau retournement depuis, un peu grâce aux nouvelles normes anti-pollution et anti-CO2 en Europe : WLTP (Worldwide Harmonised Light Vehicle Test Procedure) a ainsi poussé les constructeurs à brader leurs stocks de véhicules non-conformes en août 2018, soit un pic de ventes suivi par une forte chute juste après, et ce phénomène intéressant s'est reproduit à peu près à l'identique en décembre 2019, avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 2020 de la norme anti-CO2  dite 95g/km imposant aux constructeurs de limiter sur la moyenne de leurs voitures vendues leur seuil d'émission à cette valeur, sous peine de payer de vraiment très grosses amendes. Tout ceci alors que, à la surprise générale, le marché chinois baissait aussi en 2018 (-3%), pour baisser encore plus en 2019 (-8%), avec la fin des subventions sur les véhicules électriques. Un segment en plein boom auparavant, car soutenu par des pouvoirs publics aux prises avec de graves problèmes de pollution : smog, etc…, mais aussi exposé que les autres à l'arrivée à maturité de ce marché, quelque chose de très possible aussi.

S'il n'y avait que cela, tout irait bien, mais le pire (du moins on l'espère) restait à venir : la pandémie du covid-19 s'est traduite pour l'industrie automobile par a) des ventes de voitures en chute libre, soit des volumes en baisse de -76% en Europe en avril, les concessions étant fermées, et les conducteurs à la maison pour cause de confinement, soit -38% en tout sur les 4 premiers mois de 2020, et b) des usines totalement arrêtées pour un temps à partir de la mi-mars. Et même si les usines redémarrent (doucement, a priori) et si les concessions rouvrent aussi en ce moment, nul ne peut prévoir si le marché retrouvera rapidement son régime d'avant crise et il est donc assez probable que l'activité globale du secteur soit en baisse en tout de -20 à -25% sur l'année 2020, rien que ça, ce qui est presque du jamais vu.

Un metier en pleine mutation

Mais ce n'est pas tout non plus, puisque le métier est aussi en pleine mutation avec deux grandes nouveautés : le véhicule électrique et la conduite autonome. De fait, soutenues à coup de primes à l'achat par les gouvernements européens, la voiture électrique a l'air de vouloir se développer rapidement, même si elle est encore très marginale dans les parcs de véhicules en circulation : tous les constructeurs en fabriquent à présent, et la part de marché des ventes en Europe est passée de 4% au dernier trimestre 2019 à 8% au 1er trimestre 2020. Ceci alors qu'il reste quelques petits problèmes à résoudre : i) l'accessibilité des bornes de recharges, qui sont encore rares (pour une électricité qui n'est pas toujours verte, qui plus est), ii) un temps de recharge, qui ne saurait être inférieur à 1 heure (sur le dernier modèle Tesla), et qui peut paraître pénalisant pour faire de la route, sans parler du fait que iii) la principale valeur ajoutée est dans les batteries, qui seront achetées pour un certain temps encore à des fabricants asiatiques, lesquels ne respectent pas obligatoirement les normes environnementales européennes, et que iv) la voiture électrique nécessiterait 20% de main d'œuvre en moins pour sa fabrication, ce qui assurément n'est bon pour personne.

Quant à la voiture autonome, qui a beaucoup excité les foules, et notamment les investisseurs, dans les années 2016-2018, il faudra attendre encore un peu : i) au-delà des aides à la conduite sophistiquées, notamment pour la sécurité active (aides au freinage, détection d'obstacles, etc…) déjà déployées dans les voitures, la pure conduite autonome de niveau 5 ou 6 ne marche peut-être pas vraiment, même avec beaucoup d'intelligence artificielle embarquée, sans parler de l'aspect responsabilité juridique, qui n'est toujours pas très clair il faut le dire, ii) de tels systèmes sont encore plus que dispendieux, et donc encore très hors de portée du client moyen de l'industrie, qui est le consommateur de base. Bref : pas encore une belle invention, et éventuellement le dernier coucou pondu par le monde de la High Tech pour redynamiser (et surtout bien exploiter) ce vieux secteur qu'est l'automobile.

Bref : rien ne va plus, ou plutôt tout change, et l'avenir semble très incertain. Mais nous sommes vraisemblablement en bas de cycle, ce qui se retrouve logiquement dans les multiples de valorisation que le marché boursier accorde aux sociétés du secteur, lesquels multiples, les multiples de chiffres d'affaires en tout cas, ont été au bas mot divisés par deux depuis le point haut de 2017.

Développement à l'international

Une belle mid-cap équipementier automobile de premier rang, Akwel (ex-MGI Coutier) n'échappe pas à la règle, avec un cours de Bourse de 14,50 euros environ aujourd'hui contre près de 40 euros en 2017, c'est-à-dire avant que les ennuis ne commencent. Basé à Champfromier (Ain), Akwel est une affaire familiale qui opérait 41 sites industriels en activité dans 21 pays fin 2019, pour un chiffre d'affaires de 1,1 milliard d'euros et 12 000 salariés, en fabricant 80 familles de pièces automobiles à partir de la transformation du plastique, du caoutchouc et du métal : des pièces de systèmes d'air ou d'huile, de carburation, de régulation, de dépollution, et de refroidissement, ainsi que des laves glaces, et des mécanismes divers, le tout pour des clients comme Peugeot SA, le premier, Renault, Ford, GM, Fiat, Toyota, Nissan, Volvo, etc…

Comme la plupart de ses confrères français (tels Plastic Omnium, PVL-Plastivaloire, ou Delfingen), Akwel s'est développé à l'international ces quinze dernières années, non seulement pour réduire un peu l'exposition à Peugeot SA et Renault, des clients très exigeants à tous points de vue, et produisant chaque année un peu moins de véhicules en France, ce qui n'arrange rien, mais aussi pour diversifier un peu plus l'offre. Ceci au besoin en procédant par acquisitions, notamment celles d'Avon Automotive (USA) et d'Autotube AB (Suède) qui ont apporté de nouveaux savoir-faire industriels. Et comme la plupart de ses confrères aussi, Akwel dégage une bonne rentabilité, soit une marge opérationnelle (le résultat avant de payer les intérêts des emprunts et l'impôt sur les bénéfices, rapporté au chiffre d'affaires) passée de 6,6% en 2009 à plus de 11% en 2016 et en 2017, ce qui est plutôt très bien, même si celle-ci est un peu revenue depuis, soit 7,4% en 2018 et 8,4% en 2019, ce qui n'est encore pas mal.

Entre autres parce qu'avec ce bon niveau de marge, on peut à la fois investir pour développer son outil industriel, et le robotiser autant que faire se peut, tout en mettant de l'argent, pardon !, du cash de côté : à fin décembre 2019, derniers chiffres connus, Akwel présentait ainsi un situation de trésorerie nette de +40 millions d'euros, un matelas de sécurité parfait par les temps qui courent, et un bilan plus que solide avec un levier (un taux d'endettement financier net/fonds propres) de seulement 5%, indéniablement le signe d'une gestion très sérieuse et de long terme.

Forte de ces moyens financiers conséquents, la société a déposé récemment une offre de reprise pour un concurrent venant de déposer son bilan : le groupe Novares, apparemment un très bon plasturgiste automobile aussi, et pas un petit business en fait avec un chiffre d'affaires de 1,4 milliards d'euros en 2019. Mais une société en pleine crise de liquidité, le covid-19 ayant vraisemblablement épuisé rapidement de faibles réserves de cash et un bilan fragile. Ce que l'on avait pu constater en 2016, lorsque Novares, qui est une société privée, avait publié ses comptes pour s'introduire en Bourse, ce qui ne s'est pas fait finalement. Comme ne s'est pas faite finalement aussi cette offre de reprise, Novares ayant été renfloué in extremis par ses actionnaires actuels, avec le renfort d'un prêt garanti par l'Etat ou PGE.

Bien sûr, 2020 ne va pas être très glorieux chez Akwel, puisque le chiffre d'affaires risque d'être en fort recul : après avoir progressé de +4% en janvier et en février, l'activité a baissé de -27% en mars, devrait faire bien pire encore en avril, et ne se redresser que lentement à partir du mois de mai, avec un impact sûrement très significatif sur la rentabilité.

Bref : un bas de cycle très bas, que l'on retrouve dans le cours de Bourse, qui est encore en baisse de -26% depuis le début de l'année, pour un indice Cac Mid & Small à -15%. Mais a contrario éventuellement un véhicule de qualité, un "proxy" en jargon boursier, pour revenir sur ce secteur, même si on n'est jamais sûr de rien.

Après tout, tout finit toujours par rentrer dans l'ordre. C'est bien connu.

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2 commentaires

  • 18 juin 09:46

    Excellent article sur AKWEL, qui est en en plus, amusant à lire.


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