Agefi Dow Jones •17/09/2025 à 15:02
Alors que le futur de ces deux vaccins reste suspendu à des études qui prendront plusieurs années, la réussite clinique et commerciale du vaccin contre "Lyme" apparaît impérative pour l'avenir de Valneva.
A cet égard, assure Oddo BHF, "Valneva figure parmi les titres des biotechs européennes à suivre sur les prochains mois avec les résultats de phase 3 de son vaccin contre la maladie de Lyme (fin 2025) développé avec son partenaire Pfizer . L'évolution récente du cours pourrait conduire à un 're-rating' significatif en fonction des résultats". Un échec au contraire pourrait faire tiquer méchamment les investisseurs.
Le cours de Valneva suspendu à la commercialisation du vaccin contre la maladie de Lyme
"L'erreur est humaine, persévérer est diabolique". Après l'échec commercial de son vaccin contre le Covid et les déboires de celui contre le chikungunya, Valneva joue très gros avec son candidat vaccin contre la maladie de Lyme, développé en partenariat avec l'américain Pfizer . Un succès permettrait au laboratoire né en 2013 de la fusion entre l'autrichien Intercell et le français Vivalis d'atteindre la rentabilité d'ici à 2027. Un échec en revanche, pourrait bien renforcer les doutes des investisseurs et précipiter le titre du purgatoire en enfer.
Vers 14h45, l'action bondissait en tout cas de plus de 11%, à 4,20 euros, en hausse de 91% depuis le début de l'année, portée par les espoirs suscités par le vaccin contre la maladie de Lyme, mais très loin de son record de 29,7 euros atteint le 30 novembre 2021 alors que le marché espérait un vaccin contre le Covid susceptible de gonfler les poches du groupe et de ses actionnaires.
Le Covid, une occasion manquée :
Une promesse tenue, mais trop tard. Approuvé en juin 2022 en Europe, ce vaccin tant attendu a été lancé sur un marché déjà noyé par les vaccins à ARN messager. Un bide commercial qui a contraint le groupe basé à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), près de Nantes, à cesser la production quelques mois plus tard au prix d'un quart de ses effectifs.
Au moins, pour la première fois, l'entité Valneva a réussi à produire un vaccin. Ses deux vaccins alors commercialisés, celui contre l'encéphalite japonaise, Ixiaro, qui a représenté 55,5% de son chiffre d'affaires total en 2024 est un héritage d'Intercell, tandis celui contre le choléra, Dukoral (19% des ventes), a été acheté auprès du suédois Crucell pour environ 45 millions d'euros en 2015.
Il n'empêche, les investisseurs n'ont jamais vraiment pardonné ce flop commercial. Le titre Valneva, après avoir flambé jusqu'à flirter avec les 30 euros au coeur de la pandémie, a rapidement chuté pour revenir à sa valorisation d'avant la crise sanitaire, soit entre 3 et 4 euros.
Prudence étant mère de sureté, le marché a accueilli l'an dernier avec un enthousiasme mesuré le lancement aux Etats-Unis, en Europe et au Brésil notamment, de son vaccin contre le chikungunya, une maladie tropicale transmise par les moustiques.
Premier du genre, ce vaccin baptisé Ixchiq affichait pourtant des perspectives prometteuses avec des ventes susceptibles de dépasser les 100 millions d'euros d'ici la fin 2027, à comparer à un chiffre d'affaires total de 169,6 millions d'euros en 2024.
Le chikungunya, un vaccin qui bat de l'aile
Seulement, comme avec le Covid, rien ne s'est passé comme prévu. Alors qu'une sévère épidémie de chikungunya frappait cet été l'île de la Réunion puis l'Hexagone, l'autorité de santé américaine, la Food and Drug Administration (FDA), a suspendu "provisoirement" fin août le vaccin dont l'usage était déjà restreint en France aux moins de 65 ans. La puissante administration a mis en doute sa fiabilité après quatre nouveaux cas d'effets indésirables graves.
Valneva a-t-il payé l'offensive antivax du ministre de la santé américain Robert F. Kennedy Jr au moment même où son concurrent Bavarian Nordic lançait un vaccin concurrent aux effets secondaires amoindries?
Les analystes, en tout cas, ont fait leur deuil d'Ixchiq aux Etats-Unis. Stifel a abaissé son objectif de ventes du vaccin à son pic de 85 millions d'euros à 35 millions d'euros. Le vaccin représente désormais environ 1% de son objectif de cours sur Valneva, fixé à 9,50 euros contre 10 euros avant la mauvaise nouvelle.
Au premier semestre 2025, les ventes d'Ixchiq ont atteint 7,5 millions d'euros, soit environ 8% du chiffre d'affaires. Malgré l'arrêt des ventes du vaccin aux Etats-Unis, l'intermédiaire financier estime que les prévisions du groupe pour 2025 - la réalisation d'un chiffre d'affaires compris entre 170 et 180 millions d'euros - reste atteignable grâce à l'Ixiaro et au Dukokal.
Un point de vue partagé par Mohamed Kaabouni, analyste chez Portzamparc. "Pour 2025, l'impact de la suspension devrait être anecdotique, l'essentiel du chiffre d'affaires s'étant fait jusqu'à présent hors des Etats-Unis", observe-t-il.
Pour l'expert, cette suspension n'en constitue pas moins un coup dur pour le groupe franco-autrichien, même si la décision n'est pas définitive pour le moment. "En effet, le marché américain est celui à plus forte valeur ajoutée", indique le professionnel. Ainsi ajoute-t-il, "la perte définitive de ce marché contraindrait la société à significativement revoir ses prévisions sur ce programme".
A l'automne dernier, lors d'une présentation financière à New York, aux Etats-Unis, Valneva avait annoncé tabler sur des ventes d'Ixchiq supérieures à 100 millions d'euros dans les trois ans après son lancement.
Lyme en soutien
Finalement tempère Mohamed Kaaboun, "cette déconvenue n'aura qu'un impact mineur sur l'objectif, la valeur du titre porte essentiellement sur les résultats de Lyme et la poursuite de la bonne dynamique commerciale d'Ixiaro et du Dukokal". En cas de suspension définitive du vaccin aux Etats-Unis, son objectif de cours passerait de 6 euros à 5,1 euros.
Alors que l'Ixchiq n'est plus très loin d'être passé par pertes et profits, le marché a placé une grande partie de ses espoirs dans le candidat vaccin contre la maladie de Lyme, développé en partenariat avec l'américain Pfizer et provisoirement baptisé VLA15. En 2022, le géant pharmaceutique, séduit par le potentiel du vaccin, s'est emparé de 5,9% du capital de Valneva dans le cadre d'une augmentation de capital réservée de 95 millions de dollars.
A date, l'optimisme est de mise. Le fabricant de vaccins a franchi début septembre une étape majeure sur le long chemin réglementaire qui mène à la commercialisation d'un vaccin.
Les résultats d'une étude de phase 2, qui permet de déterminer la dose optimale d'un médicament ou d'un vaccin et d'étudier son efficacité pharmacologique, ont démontré une forte réponse immunitaire chez les enfants et les adultes après la troisième vaccination annuelle de rappel. Et, rien d'anodin eu égard à la déconvenue chikungunya, aucun problème de sécurité n'a été détecté.
L'enjeu est d'importance pour Valneva comme pour les potentiels receveurs du vaccin. Une simple piqure de tique peut transmettre la maladie de Lyme, qui provoque des éruptions cutanées et un état grippal, soignables avec des antibiotiques. En revanche, une infection qui n'est pas traitée à temps peut provoquer de l'arthrite, des problèmes cardiaques et des douleurs nerveuses.
Si l'essai de phase 3, la dernière étape avant une éventuelle demande de commercialisation espérée en 2026, était couronné de succès, Pfizer estime que les ventes mondiales annuelles de VLA15 pourraient dépasser le milliard de dollars, parmi les quelques centaines de millions de personnes vivant dans des régions infestées de tiques.
Il s'agirait du deuxième vaccin contre la maladie de Lyme à atteindre ce seuil. Le premier a fait long feu. En 2002, GlaxoSmithKline a renoncé à vendre le LYMErix en raison de ventes insuffisantes. Mais depuis, les cas de Lyme ont explosé.
Un succès ou l'inconnu
La maladie toucherait environ 476.000 personnes par an aux Etats-Unis et 130.000 personnes par an en Europe, selon Valneva. Le chanteur Justin Timberlake, le top model Bella Hadid et la chanteuse Avril Lavigne ont récemment révélé avoir été contraints de mettre leur carrière entre parenthèses à cause de la maladie de Lyme, une façon d'alerter le grand public sur les risques associés à cette pathologie.
Grâce au vaccin, le groupe prévoit "une rentabilité durable" dès 2027. Il pourrait recevoir de Pfizer jusqu'à 143 millions de dollars de paiements liés aux premières étapes de commercialisation du produit, des redevances sur les ventes allant de 14% à 22% ainsi que des paiements d'étape basés sur les ventes cumulées pouvant atteindre 100 millions de dollars.
Et si rien ne se passait, encore, comme prévu? Valneva développe en parallèle à "Lyme" deux autres programmes cliniques. Le premier, étudié en partenariat avec la biotech suisse LimmaTech Biologics, porte sur un vaccin contre la shigellose "le plus avancé au monde".
La shigellose est la deuxième cause de maladie diarrhéique mortelle dans le monde pour un marché mondial estimé à plus de 500 millions de dollars par an. Des résultats de phase 2 sont attendus l'an prochain.
Le second vaccin cible le virus Zika, une maladie virale transmise par les moustiques. Les résultats d'un essai de phase 1 pour évaluer son innocuité et l'immunogénicité sont attendus d'ici la fin de l'année.