Une épidémie de foie gras aux USA
Dr Joël Pitre | 18 Février 2025
La prévalence de la maladie du foie stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD, metabolic dysfunction–associated steatotic liver disease), anciennement connue comme stéatose non alcoolique (NAFLD, non alcoholic fatty liver disease) augmente partout de part le monde.
En 2019, 38 % des Nord-Américains et des Australiens en étaient atteints et 5 % avaient une stéato-hépatite associée à un dysfonctionnement métabolique (MASH, metabolic dysfunction–associated steatohepatitis), anciennement connue sous l’acronyme NASH (non alcoholic steatohepatitis) (1).
La MASH devrait devenir d’ici peu la principale indication de transplantation hépatique aux États-Unis (2). Comprendre cette épidémie pourrait permettre d’identifier des leviers pour la prévention et le traitement. Des chercheurs de la Cleveland Clinic ont réalisé une étude projective portant sur la prévalence et l'évolution de la MASLD aux États-Unis entre 2020 et 2050 (3).
Une étude épidémiologique de modélisation
L'étude utilisait un modèle de micro-simulation avec des cycles annuels et un horizon de vie entière pour estimer la progression de la MASLD chez les adultes âgés de 18 ans et plus. La première composante de ce modèle était une population hypothétique de 2 821 624 individus reflétant la population des Etats-Unis en l’an 2000 simulée jusqu’en 2050.
La deuxième composante était basée sur l’histoire naturelle de la MASLD chez les adultes. Les stades suivants étaient modélisés : pas de stéatose, stéatose simple ou dysfonction métabolique associée à une stéatose, MASH, fibrose avec ou sans MASH, cirrhose, cirrhose décompensée, carcinome hépatocellulaire, transplantation hépatique et décès de cause hépatique. Les données fournies à ce modèle issues de la littérature.
Une prévalence en forte augmentation
Les projections confirment une augmentation de la prévalence. En 2020, la MASLD touchait 86,3 millions d'adultes états-uniens (33,7 % de la population adulte). Ce chiffre devrait atteindre 121,9 millions (41,4 %) en 2050. Le nombre de cas de MASH passerait de 14,9 millions (5,8 %) en 2020 à 23,2 millions (7,9 %) en 2050.
On observerait une augmentation des complications notamment de la fibrose clinique significative (F2 et plus) passant de 6,7 à 11,7 millions de cas. La prévalence du carcinome hépatocellulaire passerait de 11 483 cas/an en 2020-2025 à 22 440 cas/an en 2046-2050.
Enfin on assisterait à un quadruplement des besoins en transplantation hépatique, dont le nombre passerait de 1 717 à 6 720 par an. Quant aux décès de cause hépatique, leur nombre augmenterait de 30 500 en 2020 à 95 300 en 2050.
Vers une hausse des transplantations hépatiques ?
Quelles conclusions tirer de ces chiffres ? D’abord une augmentation du « fardeau » clinique : la MASLD deviendra un problème majeur de santé publique en raison du vieillissement de la population et de l'augmentation des maladies métaboliques (diabète, obésité).
Ensuite la nécessité de trouver des traitements : en l’absence de traitements efficaces, la demande en soins hépatiques, y compris les greffes et la gestion du cancer du foie, augmenterait considérablement. Le développement de nouveaux traitements pourrait atténuer la progression de la maladie.
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Mais l'accès aux médicaments coûteux et les méthodes de diagnostic non invasives doivent être améliorés pour optimiser la gestion de la maladie.
Même si les chiffres sont issus de projections, basées en partie sur des études de cohortes et donc sujettes à des biais, il est crucial de mettre en place des stratégies de prévention et de traitement pour limiter ses conséquences sur la santé publique et les systèmes de soins de santé.
La possibilité de multiplier par quatre les transplantations parait à ce sujet très hypothétique compte-tenu du manque chronique de donneurs mais le développement actuel des xénogreffes pourrait constituer une réponse