POINT HEBDO-Les marchés fêtent Noël un peu trop tôt
REUTERSo13/11/2020 à 11:55 * L'espoir d'un vaccin provoque un moment d'euphorie
* Les indices boursiers montent au plafond puis retombent
* La crise sanitaire est loin d'être terminée
* Les perspectives économiques restent incertaines
* Les banques centrales devraient demeurer accommodantes
par Patrick Vignal
PARIS, 13 novembre (Reuters) - La confirmation de la
victoire de Joe Biden à l'élection présidentielle américaine et
une avancée significative vers un vaccin contre le coronavirus
ont conduit les marchés financiers à sauter en l'air comme si
c'était déja Noël avant de redescendre sur terre.
La hausse spectaculaire des indices boursiers, avec un
mouvement de rotation au profit des titres décotés de qualité
("value") et au détriment des valeurs de croissance, a
finalement cédé la place à des prises de bénéfices certes
limitées mais qui témoignent de la persistance des incertitudes.
"Ces moments délicieux au milieu d'une réalité difficile,
durant lesquels on croit percevoir un brusque retour à la
normale, sont souvent fugitifs", prévient Hervé Goulletquer,
stratégiste de la Banque Postale Asset Management (LBPAM).
Les résultats encourageants annoncés lundi par Pfizer
PFE.N pour le candidat vaccin qu'il développe avec l'allemand
BioNTech 22UAy.F ne signifient pas en effet la victoire contre
le virus et si le succès de Joe Biden se confirme, rien ne
garantit que les démocrates prendront le contrôle du Sénat.
Pour les marchés, la perspective d'un Congrès toujours
divisé a du bon puisqu'elle pourrait retarder la hausse de la
fiscalité et le durcissement de la réglementation mais elle
porte également la menace d'un soutien budgétaire à l'économie
américaine reporté dans le temps et limité dans son ampleur.
Le COVID-19, lui, continue de se propager à grande vitesse
aux Etats-Unis et en Europe, entraînant de nouvelles
restrictions qui contrarient le scénario d'une reprise
économique rapide et linéaire.
Dans ce contexte, les investisseurs doivent encore choisir
entre constater que le verre reste à moitié vide et se projeter
au-delà des difficultés actuelles, dans un avenir où le virus
aurait été vaincu.
LA BCE PRÊTE À EN FAIRE DAVANTAGE
Comme toujours en période de doute, les regards des marchés
se tournent vers les banques centrales, qui envoient des signaux
contrastés.
Si la Banque centrale européenne (BCE) a clairement fait
savoir qu'elle agirait en décembre en recalibrant les
instruments à sa disposition, la Réserve fédérale a souligné
pour sa part les incertitudes pesant sur le court terme et a
prévenu, par la voix de son président, Jerome Powell, que les
prochains mois pourraient être difficiles.
Pour Amundi, il ne fait aucun doute cependant que le soutien
monétaire et budgétaire restera massif.
Le numéro un européen de la gestion d'actifs va même plus
loin en annonçant le règne de la théorie monétaire moderne
(Modern Monetary Theory/MMT), selon laquelle les déficits
publics peuvent être compensés de manière permanente par de la
création monétaire.
La société de gestion annonce en outre une "grande rotation"
vers les valeurs cycliques, délaissées depuis le début de la
crise sanitaire.
Là encore, tout le monde n'est pas d'accord puisque
BlackRock estime au contraire que la persistance de taux bas et
une recherche accrue de rendement devraient favoriser les
valeurs de croissance.
DES CROISSANCES DIVERGENTES
La hausse des actions s'est accompagnée d'une remontée
spectaculaire des rendements des emprunts d'Etat à échéance
longue, un phénomène particulièrement net aux Etats-Unis.
"Les taux courts vont rester bas mais les taux longs
pourraient remonter, ce qui entraînerait une pentification de la
courbe qui serait bénéfique, notamment pour le secteur bancaire,
à la condition que cette pentification ne soit pas trop
violente", dit à Reuters Nicolas Forest, directeur de la gestion
obligataire chez Candriam.
"Une courbe trop plate n'est jamais une bonne nouvelle et
porte souvent le signal d'une entrée en récession", ajoute-t-il.
La suite des événements dépendra très largement de
l'évolution de la situation sur le front sanitaire et des
développements en matière de recherche médicale, ajoute-t-il.
L'un des effets de la crise du coronavirus est d'avoir
entraîné des divergences de croissance entre les régions qui
devraient se prolonger, souligne pour sa part Esty Dwek,
responsable des stratégies de marché de Natixis IM Solutions.
L'économie chinoise a ainsi le vent le poupe, le pays étant
sorti le premier d'une crise dont il a été le berceau, et
l'économie américaine résiste à l'augmentation du nombre de cas
de contamination, souligne-t-elle.
L'Europe, qui a dû prendre de nouvelles mesures pesant sur
l'activité et les déplacements en raison de la hausse du nombre
d'hospitalisations, paraît en revanche se diriger vers une
récession en "double creux" (double dip), selon Esty Dwek.
"Dans l'ensemble, nous restons constructifs par rapport aux
actifs risqués, même si nous anticipons une certaine volatilité
sur les marchés en raison des incertitudes concernant l'ampleur
et le timing des mesures de relance et des craintes persistantes
liées au virus", explique la stratège de Natixis IM.