Entre enfer et rédemption, Atos sur le chemin d’une nouvelle genèse
Désormais sereine sur le front des échéances financières, l’entreprise de services numériques s’est lancée dans un vaste plan de redressement de ses performances commerciales et opérationnelles.
Publié le 17 octobre 2025 à 16:03 - Maj 18 octobre 2025 à 01:08
Vincent Alsuar
Agefi-Dow Jones
Atos
Le siège social d'Atos, à Bezons (95) - Photo Atos.
Atos, un dossier qui a défrayé la chronique ces dernières années. Entre avertissements sur résultats à foison, valse incessante des dirigeants et dette hors de contrôle, l’ex-fleuron des services numériques en a fait voir de toutes les couleurs à ses actionnaires. Qui se souviennent encore, avec amertume, de la lourde restructuration financière réalisée en 2024.
Désormais sereine sur le front des échéances financières - jusqu'à fin 2029 - l'étoile déchue du CAC 40 s’est lancée dans un grand plan de redressement de ses performances commerciales et opérationnelles. Baptisée «Genesis», cette feuille de route stratégique fixe le cap d’une renaissance d’ici 2028.
«La bonne exécution de ce plan s’annonce cruciale pour regagner la confiance des investisseurs», a prévenu AlphaValue, lors de sa présentation en mai.
Afin de mener à bien cette tâche délicate, Atos a d’abord fait table rase du passé. En remaniant en profondeur son équipe de direction. Après avoir notamment dirigé Altran ou Elior, c’est Philippe Salle qui a pris les rênes d’Atos en février. Le nouveau PDG a réalisé un geste fort dès son arrivée : un investissement personnel de 9 millions d’euros pour acheter des actions de la société qu’il entend remettre sur de bons rails.
Philippe Salle s’est également entouré de nouvelles énergies, à l’image de Florin Rotar, en tant que directeur technologique, ou Laurent Soulier, en charge de la stratégie et de l’excellence opérationnelle.
10% de marge en 2028, une cible ambitieuse
Dans le cadre de son plan «Genesis», Atos veut redresser sa marge opérationnelle à environ 10% à l’horizon 2028, tandis que le chiffre d’affaires pourrait atteindre jusqu'à 10 milliards d’euros, en incluant des acquisitions ciblées. A titre de comparaison, Atos s’est contenté d’une marge de 2,1% en 2024, pour un chiffre d’affaires de 9,6 milliards d’euros.
L’entreprise basée à Bezons ambitionne, par ailleurs, de retrouver un profil de crédit «investment grade». Autrement dit, rejoindre le club des premiers de la classe à qui l’on prête en toute confiance.
«L’atteinte de tels objectifs constituerait en soi une sacrée performance», soulignait Invest Securities, lors de la présentation de cette feuille de route. Un avis partagé par AlphaValue qui jugeait ces objectifs «ambitieux».
Pour Atos, revenir à meilleure fortune passera par de nouvelles réductions de coûts et d’effectifs, mais aussi l’arrêt des contrats non rentables et le recentrage sur les zones géographiques les plus dynamiques. De facto, cela impliquera de sortir d’un certain nombre de pays à l’international, qui n’ont pas été révélés.
En parallèle, Atos compte bien faire valoir ses armes dans des domaines d’activité porteurs, tels que le «cloud» (informatique en nuage), l’intelligence artificielle (IA) ou la cybersécurité. Sur ces marchés, l’entreprise pourrait bénéficier de la volonté de l’Europe de renforcer son autonomie face à l’hégémonie américaine.
Premiers signaux encourageants
Au-delà de belles promesses illusoires, Atos a déjà donné des gages sur son redressement. La société a envoyé des «signaux encourageants» lors de ses résultats semestriels, assurait AlphaValue, cet été.
Si la situation demeure compliquée sur le plan commercial, avec une chute des ventes de 17,4% en organique au premier semestre, la marge opérationnelle d’Atos s’est redressée de 80 points de base (soit 0,80 point de pourcentage), à 2,8%, grâce aux premiers effets des réductions de coûts. Qui plus est, le flux de trésorerie disponible évolue dans le bon sens, puisqu’il n’est plus négatif qu'à hauteur de 96 millions d’euros, contre -593 millions d’euros à fin juin 2024.
Dans le sillage de ces raisons d’espérer, Atos affiche son optimisme pour la suite. La direction tient un «discours rassurant» sur «la stabilisation de son activité et la bonne exécution du plan de restructuration», soulignait début octobre Oddo BHF, à la suite d’une réunion d’analystes organisée à Londres. L’intermédiaire financier apprécie particulièrement la promesse de «gains rapides sur la marge en 2025 et 2026".
Les investisseurs n’y sont pas restés insensibles. Bien au contraire. Depuis le début de l’année, l’action Atos a doublé, à 53,67 euros, figurant parmi les dix plus fortes hausses du SBF 120. Cette envolée est particulièrement manifeste au cours des derniers mois.
«A l’instar du marché, nous accueillons positivement l’arrivée de Philippe Salle à la tête du groupe et les premières réalisations en termes d’amélioration de la rentabilité», saluait récemment Invest Securities.
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Retour de la croissance en 2026?
«Alors que l’amélioration de la marge et du flux de trésorerie disponible semblent en bonne voie, le principal point d’interrogation réside dans la capacité du groupe à retrouver une croissance organique positive [des ventes] dans un premier temps, puis légèrement supérieure à celle du marché», explique l’intermédiaire financier. Atos n’a pas connu de croissance organique sur une année depuis 2023, lors de laquelle l’entreprise affichait une progression à périmètre et taux de changes constants de seulement 0,4%.
La route vers un avenir meilleur s’annonce encore longue. Et les défis nombreux. Si le nouveau dirigeant d’Atos se montre «convaincant», «l’inflexion sur la croissance organique ne devrait pas intervenir avant le second semestre 2026", prévient Invest Securities, qui dit avoir «besoin de plus d'éléments» pour se «forger une conviction définitive». Dès lors, l’intermédiaire financier préfère rester «neutre» sur la valeur.
C’est également la position adoptée par Oddo BHF. L’intermédiaire financier n’oublie pas le «risque d’exécution qui reste bien présent (...), malgré le volontarisme du management», et pointe du doigt le «scepticisme des investisseurs quant à l’avenir du secteur» des services numériques.
Pour que l’embellie boursière se poursuive, nul doute qu’Atos devra montrer de nouveaux signes tangibles de redressement. La société en aura l’opportunité dès ce lundi, à l’occasion de son point d’activité du troisième trimestre. La rédemption est à ce prix.