Le 29 février 2024, le groupe informatique français annonce l’entrée dans son conseil d’administration de David Layani, président de Onepoint, actionnaire de référence d’Atos. Ce proche d’Emmanuel Macron pour racheter une partie du groupe aurait levé 500 millions d’euros auprès de la société d’investissement Carlyle réputée liée à la CIA. Cette prise de participation fait suite à de nombreuses déstabilisations visant Atos depuis plusieurs années. Il est à noter qu’Atos possède, entre autres, des supercalculateurs utilisés dans le secteur de la défense et du nucléaire qui sont une source d’enjeux de souveraineté nationale et de convoitises US au même titre que sa branche de cybersécurité et de cloud computing.
Atos est un leader mondial en matière de cybersécurité, du chiffrement, des solutions cloud et un gestionnaire de réseau de nombreuses entreprises. Elle a pour clients, entre autres, des entités sensibles allant des institutions mondiales à la DGSE en passant par l’armée française ou encore les ministères français.
Atos se distingue également dans des secteurs de recherche stratégiques comme la cryptologie quantique.
Le groupe français est, dans ce cadre, non seulement une cible de la NSA dans le cadre de la compétition économique, elle est aussi un vecteur électronique pour approcher d’autres cibles potentielles et un concurrent direct dans ses activités, ses recherches.
Des instruments financiers existent pour intervenir sur le cours de bourse dans le but d’affaiblir la société, notamment quand le « flottant » est disproportionné comme dans le cas d’Atos. De nombreux fonds peuvent demeurer invisibles en restant sous le seuil déclaratif de 5 % du capital. Leur addition associée à leurs capacités d’effet de levier peuvent conduire à une pression baissière artificielle et au maintien d’un cours de bourse largement sous-évalué. À ce titre, l’École de Guerre Economique (EGE) cite d’ailleurs le cas d’Atos à partir de 2021 le décrivant ainsi « Enjeux : faire chuter l’action ATOS… et la rendre vulnérable face aux fonds d’investissement et concurrents américains ».
Il a été également démontré que la diffusion de rumeurs infondées, de doutes artificiels sur les activités de l’entreprise, ou d’incitations à faire commettre des fautes diverses peuvent constituer une autre méthode de déstabilisation à des fins d’affaiblissement et/ou de prises de contrôle de l’entreprise. À ce titre, en avril 2021, les commissaires aux comptes émettent des réserves sur les comptes consolidés, dans le cadre d’un signalement pour deux filiales américaines de doutes suite à de possibles erreurs comptables. Le cours de bourse chute alors lourdement en prolongement de cette information. Lorsque à l’issue de l’audit, les doutes sont levés, le cours ne corrige étrangement pas la baisse infondée. Toujours dans le premier semestre 2021, l’entreprise Finsur Corp, enregistré dans l’État US du Delaware, annonce avoir franchi 5 % du capital d’Atos ce qui provoque un vent de panique au sein d’Atos qui saisit l’Autorité des Marchés Financiers pour présomption de manipulation de cours. Il s’avèrera que les déclarations de Finsur Corp étaient totalement fausses… Ce ne sont ici que quelques exemples, les conseils d’analystes et de banques sur les valorisations des titres et leurs recommandations sont souvent l’objet de critiques tout comme la manipulation de sites et autres forums d’actionnaires.
Outre l’arme d’extraterritorialité, on observe une autre tendance pernicieuse en matière judiciaire : les cas récurrents d’entreprises américaines cédées opportunément à un concurrent étranger peu avant de faire l’objet de poursuites ou de lourdes sanctions judiciaires. Il peut s’agir d’une procédure anodine qui prennent des proportions inattendues, immédiatement après le rachat de la société poursuivie.
Dans le cas de Atos, le piège semble être le rachat en juillet 2018 de l’américain Syntel pour 3,4 milliards de dollars et de l’accusation d’une de ses filiales de vol de propriété intellectuelle. Le litige largement a été sous-évalué au moment du rachat ce qui soulève la question de transparence de ses conseils américains.
Il n’est pas exclu également que les services de renseignements US signalent des risques de sanctions judicaires à leurs entreprises nationales comme l’a montré Edward Snowden. En effet, une structure a été notamment créée pour épauler les entreprises US dans la conquête des principaux contrats internationaux, l’Advocacy Centre. Ce service est chargé de faire le lien entre le secteur privé et les services de l’État américain, y compris la NSA.
Il est à noter qu’Atos utilise Microsoft Security pour la sécurité de son réseau interne et son cloud d’entreprise, Microsoft Intune pour ses infrastructures mobiles (notamment pour le télétravail) et Microsoft Sentinel pour ses approvisionnements. Atos a également signé un accord pluriannuel en novembre 2022 avec Amazon Web Services (AWS). Tout ceci met Atos sous le coup du Cloud Act adopté en 2018 qui vient légaliser ouvertement l’espionnage économique.
Dans le dossier de la vente des actifs souverains d'Atos en juin 2025, le groupe informatique et l'État français ont fini par s'entendre pour une partie. Le gouvernement français reprend la division Advanced Computing avec les supercalculateurs qui sont indispensables au programme de dissuasion nucléaire français.
Le prix de l'offre ferme reçue de l'État est de 410 millions d'euros, mais la Vision AI ne fait pas partie du « deal » celle qui fabrique notamment les outils indispensables au programme de dissuasion nucléaire français.
Partie 3 à suivre
L'auteur, Anne Philippe, est spécialiste en intelligence économique et en relations internationales et diplômée de l’Université Panthéon-Assas. Elle a beaucoup voyagé notamment en Europe dans le cadre de ses activités professionnelles. Economiste et financière de formation, elle s’est intéressée très tôt au droit international et aux crises financières en particulier celle de 2008