TRUFFLE CAPITAL: 800 M€ POUR SOIGNER LE "LATE STAGE"
Au cœur de la question du capital développement dans les sciences de la vie en France, Philippe Pouletty, co-fondateur et directeur général de Truffle Capi-tal, dévoile le projet Medeor, un fonds late stage en cours de financement.
BiotechFinances - Lever des fonds en pleine crise, n'est-ce pas un pari risqué? Philippe Pouletty: Nous avions lancé
le processus en janvier et ambitionnons de lever entre 600 et 800 M€. Si à ce stade, rien n'est encore bouclé, le contexte sani taire réoriente beaucoup d'argent vers les sciences de la vie, ce qui pourrait faciliter la collecte. Et puis, Medeor est un fonds late stage qui investira dans des medtechs sur le point de commercialiser des pro-duits ou dans des biotechs dont les can didats médicaments se trouvent déjà en phase 2-3. La perception de risque par nos LPs est donc moindre que lors d'un investissement dès la phase d'amorçage.
BiotechFinances - Pourquoi délaisser le capital-risque pour le développement?
Philippe Pouletty: C'est toujours frustrant pour des business builders qui créons de toute pièce des entreprises en partant de brevets sélectionnés dans les plus grandes universités et centres de re-cherche du monde, de ne pouvoir conti-nuer à jouer un rôle sur le long terme. En outre si le capital-risque finance de ma-nière efficiente le early stage ça pêche tou-jours en France dans la dernière phase de développement des biotechs et medtechs, la plus coûteuse. Nous l'avons suffisam ment dénoncé, il est donc normal qu'au jourd'hui nous participions aux efforts du Gouvernement pour combler ce manque de capacité de financement.
BiotechFinances Quel type d'entre-prises visez-vous et combien ?
Philippe Pouletty: Nous ciblerons une quinzaine de sociétés, cotées ou non,
L'ESSENTIEL P. 2-3
COVID-19, Monde, Coté, Non coté, Institutionnel - Les chiffres-Le francophone de la semaine: Frédéric Savino -
En vue: Philippe Hartmanshenn, Caroline Atlani & Ernst Holler
dans lesquelles nous jouerons un rôle d'investisseur leader assorti de sièges au board. Un tiers de ces entreprise sera issue de notre propre portefeuille de ca-pital-risque, ce qui nous permettra d'ac-compagner des projets que nous connaissons bien jusqu'au bout. Un autre tiers regroupera des sociétés européennes qui ont un besoin financier important pour se restructurer. Enfin les spin-off de groupes pharmaceutiques ou biotechno-logiques constitueront le dernier tiers.
BiotechFinances - Quels domaines thé
rapeutiques comptez-vous privilégier ? Philippe Pouletty: Environ 60% sur le segment du dispositif médical et le solde dans la biotech. Nous n'investirons pas dans le domaine du diagnostic et pri-vilégierons les produits de médecine in-terventionnelle mini-invasive avec de l'intelligence artificielle intégrée (conver-gence entre implants connectés, imagerie médicale et micro-robotique). Dans la biotech, nous éviterons les vaccins sauf thérapeutiques car c'est un domaine dif-ficile qui nécessite un grand nombre de données safety. Nous nous concentrerons sur les besoins cliniques, hors indications de confort, en immunologie, maladies in-fectieuses et inflammatoires, en cardiolo-gie, neurologie, oncologie... Des indica tions pour lesquelles le ratio bénéfice/risque est élevé.
BiotechFinances Quel sera le ticket moyen et la durée d'investissement ? Philippe Pouletty: Autour de 30 M€ dans chaque société, et nous pourrons monter jusqu'à 60 ou 80 M€ le cas échéant.
L'horizon d'investissement sera de 5 ans en moyenne.
BiotechFinances - La bourse sera-t-elle la sortie privilégiée ? Quelle place ?
Philippe Pouletty: Les sorties se réali-seront majoritairement auprès d'un indus-triel ou en bourse. Les sociétés qui visent trop vite le Nasdaq oublient la com-plexité, le coût et les conséquences d'une telle opération. Les investisseurs améri-cains qui pèseront lourd dans le capital, vont très vite rapatrier, les centres déci-sionnaires et les actifs aux États-Unis, en conservant peut-être un peu de R&D en France pour profiter du CIR... Près de cent entreprises du secteur sont déjà co-tées sur Euronext, des fonds spécialisés sont en train de voir le jour et aideront à la revalorisation. Et puis il faut un peu de cohérence, on ne peut pas réclamer plus d'investisseurs français pour développer ses innovations ici et se vendre in fine aux
américains par opportunisme... Propos recueillis par Anne-Laure JULIEN
* Voir replay conférence Philippe Pouletty sur la chaîne You-tube Biotech Finances: https://www.youtube.com/watch?v=68ICDNxDVO4&
LE BILLET BIO et les transactions de la semaine P.8
SOMMAIRE
LES GRANDS TITRES P. 4-7
Philippe Pouletty
ENTREPRISES: Owkin: la prédiction d'un bel avenir à 25 MS-Noxxon: une phase 1/2 dans le glioblastome à tout prix! - NASH crash: Genfit sonné mais pas coulé - Abivax: nouvel entrant dans la course contre le COVID-19
Paul Hudson, poil à gratter ou fin stratège?
LES TÉMOINS N° 900
Philippe Pouletty (Truffle Capital), Frédéric Savino (Domicalis), Philippe Hartmanshenn & Caroline Adani (MyBrain Tech nologies), Ernst Holler (MaaT Pharma), Thomas Clozel (Owkin), Laurent Higueret (Bpifrance), Aram Mangasanian (Noxxon), Hartmut J. Ehrlich (Abivax).