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Un imbroglio gouvernemental derrière l'amendement "huile de palme"?
information fournie par Reuters 16/12/2019 à 16:17

    * Elisabeth Borne a milité pour une deuxième délibération
    * La majorité s'est sentie piégée
    * Pressions de Total pour échapper à une taxe  

    PARIS, 16 décembre (Reuters) - Des accrocs entre les
ministères des Comptes publics et de la Transition écologique,
ajoutés à la pression de Total  TOTF.PA , ont favorisé
l'imbroglio sur l'amendement controversé "huile de palme"
doublement voté le mois dernier à l'Assemblée nationale, selon
des informations obtenues par Reuters.
    D'après plusieurs sources, le premier vote sur ce sujet
sensible s'est fait "dans le dos" d'Elisabeth Borne, qui a
oeuvré pour obtenir une deuxième délibération aboutissant au
final au maintien de l'huile de palme sur la liste des
biocarburants taxés à partir du 1er janvier 2020, au grand dam
de Total qui avait milité pour un sursis jusqu'en 2026.
    Retour sur "une histoire de fous", selon l'expression de
Joël Giraud, rapporteur général (La République en marche, LaRem)
de la commission des Finances, qui témoigne des tiraillements
entre deux ministères essentiels de la galaxie Emmanuel Macron,
écartelée entre ses promesses "vertes" et son souci d'encourager
l'activité économique.
    L'après-midi touche à sa fin, ce jeudi 14 novembre à
l'Assemblée, quand vient le moment d'examiner l'amendement
numéro 2901 au projet de loi de finances 2020 défendu par le
député MoDem Mohamed Laqhila. 
    L'élu reste muet sur le contenu du texte rédigé par ses
soins, rejeté en commission mais sur lequel Gérald Darmanin
annonce un avis "favorable" du gouvernement, conduisant à un
vote automatique de la majorité en sa faveur.
    
    "OH, LE PIÈGE !"
    "Qui est pour ? Qui est contre ? Il est adopté", annonce le
président de séance, le socialiste David Habib, élu des
Pyrénées-Atlantiques. 
    Une vingtaine de secondes ont suffi pour repousser la fin de
l'exonération fiscale de l'huile de palme, accusée de participer
à la déforestation de la planète.
    Sur son banc, Joël Giraud reste bouche bée. "Je n'étais pas
au courant de cet avis favorable. Je me dis 'Oh le piège' !",
a-t-il raconté à Reuters. 
    Les parlementaires s'attendaient plutôt à un "avis de
sagesse", plus neutre, qui laisse le dernier mot aux députés.
Selon deux sources gouvernementales ayant requis l'anonymat,
c'est bien un tel avis qui avait été tranché à Matignon lors
d'une réunion la veille du vote, le mercredi 13 novembre.
    Interrogé par Reuters, l'entourage d'Edouard Philippe assure
pour sa part que "l'avis favorable exprimé par Gérald Darmanin
est la position du gouvernement, arbitrée par Matignon".
    Deux versions s'opposent donc sur cet arbitrage, dont
Reuters n'a pu consulter de trace écrite. 
    "Pour moi il est clair que Gérald Darmanin a agi dans le dos
de Borne", estime une source parlementaire, approuvée par une
autre selon laquelle Elisabeth Borne "s'est fait bien avoir et
était bien contente d'avoir une deuxième délibération".
    L'entourage du ministre des Comptes publics se défend quant
à lui de toute manoeuvre. 
    "Ce n'est pas la position de Gérald Darmanin qui a été
défendue le 14 novembre, mais la position du gouvernement",
dit-il, faisant valoir, à l'instar de celui du ministre de
l'Economie, Bruno Le Maire, "une position cohérente avec celle
de l’année dernière" et "le respect des engagements de l’Etat
vis-à-vis d’une entreprise".
    Aussitôt prévenue du vote controversé, Elisabeth Borne
s'assure auprès de parlementaires qu'un second vote aura bien
lieu, a raconté à Reuters un témoin d'un échange en ce sens. 
    L'affaire enflamme les écologistes sur les réseaux sociaux
autant qu'une majorité saisie du "sentiment extrêmement
désagréable de s'être bien fait avoir", écrit sur Twitter
Barbara Pompili présidente (LaRem) de la commission
Développement durable.
    Vendredi matin 15 novembre, la majorité décide de procéder à
un nouveau vote, approuvée par Matignon qui juge utile de
"permettre aux parlementaires de nourrir un débat à la hauteur
de l'enjeu", dit l'entourage d'Edouard Philippe. 
    Le texte disputé a été rédigé par Mohamed Laqhila, allié à
des élus de territoires où Total est présent, dont les voisins
de la bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône) utilisant de
l'huile de palme, site dans lequel Total a investi 300 millions
d'euros pour sauver 250 emplois en vertu d'un accord passé avec
le gouvernement.
    
    CONFUSION
    Dans un message à Reuters, le député explique avoir proposé
"un compromis" cohérent avec son souci d'oeuvrer pour le
"développement économique de notre pays en général et du
département en particulier". 
    "L'amendement reprend une partie des arguments développés
par le groupe Total, preuve qu'ils ont trouvé un écho favorable
auprès de certains députés", note Total, où une source reconnaît
que des représentants du groupe ont rencontré députés, ministres
et Premier ministre à ce sujet.
    Pour échapper à une taxe qu'il évalue à 80 millions d'euros
par an, le groupe dit avoir entrepris "pendant toute l’année
2019, en toute transparence, de rencontrer des parlementaires
français, afin de les sensibiliser aux enjeux complexes de ce
dossier".   
    Interrogé par Reuters sur cet épisode, l'Elysée n'a fait
aucun commentaire et renvoyé vers Matignon.
    Un proche du ministre Bruno Le Maire a reconnu pour sa part
une certaine confusion. "On n'a pas bien travaillé avec les
parlementaires. On aurait dû bâtir un amendement plus clair, la
communication s'est mal passée entre les différents acteurs."   
    Le service de presse d'Elisabeth Borne affirme quant à lui
n'avoir rien à dire "sur ce qui relève de discussions
interministérielles internes". Une source gouvernementale vante
"la loyauté" de la ministre, qui n'a pas fait part publiquement
de son courroux, et "son habileté, puisqu'au final, le vote est
allé dans son sens".  
    Le 15 novembre au soir, Elisabeth Borne est venue elle-même
défendre du bout des lèvres l'amendement dans l'hémicycle en
présence de Gérald Darmanin, proposant une adoption "à titre
d'attente" du texte, avant la création d'un groupe de travail.
Le vote qui a suivi fut sans appel : 58 voix contre et deux pour
: Eric Woerth (LR) et Mohamed Laqhila.  

 (Elizabeth Pineau, Bate Felix, Leigh Thomas, Marine Pennetier,
Simon Carraud et Sybille de la Hamaide, avec Marc Leras à
Marseille, édité par Sophie Louet)
 

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