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Un an après Charlottesville, le combat pour deux mémoires de l'Amérique
information fournie par Reuters 10/08/2018 à 17:12

    par Joseph Ax et Makini Brice
    CHARLOTTESVILLE, Virginie, 10 août (Reuters) - Un an après
la démonstration de force des suprémacistes blancs à
Charlottesville, beaucoup de ses habitants se désolent que les
violences engendrées par la manifestation de l'"alt-right" aient
durablement entaché l'image idéalisée de la pittoresque ville de
Virginie.
    Nikuyah Walker, une militante des droits civiques élue à
peine trois mois après les incidents première maire noire de
Charlottesville, n'est pas de cet avis. 
    A ses yeux, les heurts entre nationalistes et antifascistes
qui ont coûté la vie à Heather Heyer, une militante antiraciste
de 32 ans, ont agi comme un révélateur des profondes inégalités
raciales et économiques qui gangrènent de longue date la ville
universitaire. Et, dit-elle, le fait que son nom soit devenu un
synonyme du mal-être identitaire de l'Amérique oblige
Charlottesville à faire son introspection.
    "Il y a des familles qui ne réussissent pas à se sortir de
la pauvreté depuis trois ou quatre générations. Cela représente
une part importante de la population de Charlottesville. Et puis
il y a cette communauté très riche qui adore la ville et en dit
monts et merveille", résume Nikuyah Walker, interrogée par
Reuters devant la mairie.
    A ses administrés qui rappellent que la vaste majorité des
centaines de nationalistes qui ont défilé dans les rues de la
ville il y a un an venaient d'autres Etats, la maire rappelle
que les initiateurs de cette marche pour "unir la droite", le
blogueur suprémaciste Jason Kessler et l'inventeur du terme
"alt-right", Richard Spencer, sont diplômés de l'Université de
Virginie, dont le campus s'étale à l'ouest de la ville.
    Les deux hommes n'avaient pas choisi Charlottesville par
hasard: ils voulaient protester contre la décision de la mairie
de déboulonner une statue du général Robert Edward Lee, le chef
de l'armée confédérée pendant la guerre de Sécession, dans un
parc de la ville.
    
    LE CENTRE DE CHARLOTTESVILLE BOUCLÉ
    Un an plus tard, la plaie n'est pas refermée, puisque la
justice a suspendu le déboulonnage de la statue, désormais
masquée au regard des habitants par une clôture en plastique
orange.
    C'est pour défendre ce symbole de l'Amérique esclavagiste
que James Alex Field, un militant néonazi de 20 ans originaire
de l'Ohio, était venu à Charlottesville le 12 août 2017. C'est
là qu'après la dispersion du rassemblement nationaliste, il a
foncé au volant de sa voiture sur des membres du mouvement
afro-américain Black Lives Matter et des militants antiracistes,
dont Heather Heyer.
    Le jeune suprémaciste a comparu pour la première fois devant
la justice fédérale le mois dernier. Il a plaidé non coupable de
l'accusation de "crime de haine". Il sera aussi jugé par l'Etat
de Virginie pour assassinat et risque la peine capitale.
    Les violents affrontements de l'an dernier ont coûté leur
poste à un certain nombre de responsables de la municipalité et
au chef de la police, accusés de ne pas avoir su gérer l'afflux
de nationalistes équipés pour certains de boucliers et toutes
sortes d'armes.
    Le co-organisateur du rassemblement, Jason Kessler, aurait
voulu rééditer l'expérience cette année, mais sa demande
d'autorisation a été rejetée.
    Cette fois, les autorités locales n'ont voulu prendre aucun
risque: plus d'un millier de policiers vont être déployés dans
le centre de Charlottesville, dont l'accès sera strictement
réglementé pendant tout le week-end.
    
    LES SUPRÉMACISTES DEVANT LA MAISON BLANCHE
    Jason Kessler aura néanmoins l'occasion de se faire entendre
à Washington, puisqu'il a été autorisé à organiser un
rassemblement dimanche devant la Maison blanche.
    Le choix n'est pas innocent, alors que Donald Trump avait
suscité une vive polémique l'an dernier en renvoyant dos-à-dos
les militants nationalistes et antiracistes dans ses premières
déclarations. Il n'a pas levé l'ambiguïté depuis, dénonçant un
jour le Ku Klux Klan et les néonazis avant de revenir sur ses
propos dès le lendemain.  
    La crise a notamment eu pour conséquence, au niveau
politique, la défection de plusieurs grands patrons d'une
commission conseillant Donald Trump et le limogeage de Steve
Bannon, le sulfureux conseiller stratégique de la Maison
blanche, figure de la droite nationaliste.  
    Le président américain pourrait de nouveau avoir l'occasion
de s'exprimer sur le sujet ce week-end, trois manifestations
antiracistes étant aussi programmées dans la capitale.
    Au total, quelque 2.000 militants des deux bords sont
attendus, selon des responsables de la ville.
    Le chef de la police métropolitaine de Washington, Peter
Newsham, a promis jeudi d'établir un cordon de sécurité entre
les deux camps et d'interdire les armes à feu dans le périmètre
des rassemblements.
    A Charlottesville, le week-end s'annonce moins tendu mais la
communauté noire ne veut pas que l'explosion de violence de l'an
dernier soit glissée sous le tapis.
    "Charlottesville est encline à l'autosatisfaction; elle est
toute le temps présentée dans les magazines comme la ville où il
fait bon vivre", grince le révérend Will Peyton, pasteur de la
St. Paul Episcopal Church.
    "Les violences ont surtout été perpétrées par des personnes
étrangères à la ville, oui, mais ce que demande la communauté
noire, c'est: 'Vraiment, ça ne nous concerne pas ? Nous n'avons
pas de problème ?' Parce qu'évidemment il y a ici des inégalités
et un racisme profondément ancrés."
    C'est le combat auquel s'est attelée Nikuyah Walker depuis
qu'elle est devenue maire, bousculant les certitudes des élites
libérales et progressistes de Charlottesville, déterminée selon
sa propre expression à "démasquer l'illusion" et à empêcher
l'Amérique d'oublier ou, pire, de réécrire son histoire.    

 (Tangi Salaün pour le service français, édité par Henri-Pierre
André)
 

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