par Kate Kelland MAIDENHEAD, Angleterre, 6 juin (Reuters) - Des alpinistes candidats à l'ascension de l'Everest incapables de fixer leurs crampons ou d'attacher leur baudrier, de longues files d'attente au niveau des passages techniques de la voie normale et des cadavres à enjamber: le témoignage de Nick Hollis, grimpeur britannique de retour de l'Himalaya, éclaire la saison meurtrière qui s'achève sur le toit du monde. A 45 ans, ce montagnard chevronné est arrivé au sommet de l'Everest à l'aube du 21 mai, entrant dans le club fermé des alpinistes ayant conquis les "Sept Sommets", soit les points culminants de chaque continent (dont l'Aconcagua en Amérique du Sud et le Denali-McKinley en Amérique du Nord). L'Everest et ses 8.850 mètres était la dernière marche à franchir. La gravir a été "bien plus dur" qu'il ne l'avait imaginé, dit-il dans une interview accordée à Reuters à son retour à Maidenhead, sa ville du Berkshire. "Ce que je n'avais pas anticipé, c'était de voir autant de cadavres d'alpinistes", confie-t-il. "Il n'est pas exagéré de dire qu'il fallait enjamber des cadavres." D'après les autorités népalaises, onze décès ont été enregistrés cette saison sur les pentes de l'Everest, neuf sur le versant népalais, les deux autres sur le versant tibétain. Ce bilan, le plus lourd depuis 2015, conjugué avec les photos de longues files d'attente sur la voie normale qui ont fait le tour du monde, ont relancé des controverses habituelles: le Népal délivre-t-il trop de permis d'ascension et des débutants sont-ils incités à s'attaquer à l'Everest par des compagnies privées sans scrupules ? Le gouvernement népalais avait distribué cette année un nombre record de 381 permis, à 11.000 dollars pièce. En y ajoutant les guides et les sherpas, ce chiffre signifie que plus de 800 personnes se sont retrouvées cette année au camp de base pour tenter l'ascension durant une brève fenêtre météo qui s'est refermée fin mai. QUE LE NÉPAL PRENNE EN COMPTE LES COMPÉTENCES Pour Nick Hollis, le facteur le plus dangereux est à chercher du côté des "alpinistes incompétents" qui s'offrent une expédition commerciale mais peinent dans les passages techniques de la voie normale, formant derrière eux engorgements et longues attentes particulièrement dangereuses à des altitudes où les ressources en oxygène sont limitées et le corps humain en danger. "Le paysage sur l'Everest s'est modifié. Et la situation semble avoir culminé cette année", reprend le grimpeur britannique, qui dit avoir assisté au camp de base à des scènes irréelles de débutants incapables d'utiliser des crampons indispensables pour évoluer sur la glace ou de fixer leurs baudriers qui les relient aux cordes fixes et à leur cordée. "Ces gens sont des novices absolus. Ils sont très lents et incapables de franchir les obstacles et les sections plus techniques. C'est ce qui crée ces embouteillages." Nick Hollis et son sherpa, Pemba Tshering, ont décidé de porter l'assaut un jour plus tôt que prévu pour éviter ce risque. Mais ont dû en braver un autre: celui d'une météo mauvaise avec vents violents, nuages tourbillonnants de cristaux de glace arrachés à la paroi et neige fraîche compliquant leur progression le long des cordes fixes qui équipent la voie normale. La solution ? Réduire simplement le nombre de permis accordés chaque année ne suffirait pas, estime Hollis. "Si vous les limitez à 200 par exemple, vous pourrez toujours avoir 100 grimpeurs incompétents dans le lot", explique-t-il. Il faudrait donc, poursuit-il, que le système d'attribution des permis d'ascension prenne en compte l'expérience. "Vous devriez produire un CV de vos ascensions, avoir un certain niveau d'expérience avant d'être autoriser à mettre les pieds sur cette montagne." (avec Stuart McDill Henri-Pierre André pour le service français)
Sur les pentes de l'Everest, des "débutants absolus" créent un risque mortel
information fournie par Reuters 06/06/2019 à 13:28
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