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REPORTAGE-Le parfum de Grasse espère la protection de l'Unesco
information fournie par Reuters 26/11/2018 à 13:07

    * Une filière florissante mais fragile
    * Des coûts de production dix fois plus élevés qu'au Maroc
    * Mais les grandes maisons restent fidèles à Grasse

    par Matthias Galante
    GRASSE, Alpes-Maritimes, 26 novembre (Reuters) - Le pays de
Grasse, capitale mondiale de la parfumerie, saura cette semaine
si les techniques, gestes et méthodes parfois séculaires de la
fabrication des parfums seront préservés du temps qui passe et
de la pression immobilière en intégrant le patrimoine mondial
culturel immatériel de l’humanité.
    Intitulée "les savoir-faire liés au parfum", l’unique
candidature française sera examinée par le Comité
intergouvernemental de l’Unesco à partir du 26 novembre à
Port-Louis (Ile Maurice), avec une quarantaine de dossiers comme
la fabrication artisanale de décorations de Noël en perles de
verre soufflé de Tchéquie ou la vannerie artisanale aux Bahamas.
    A Grasse, la filière locale du parfum, florissante et
fragile à la fois, issue d’une longue tradition des tanneurs de
gants parfumés au XVIe siècle, devenus progressivement
parfumeurs, a repris des couleurs ces dernières années. 
    "Avec le retour des jeunes cultivateurs de fleurs à parfum,
alors que la filière culture, la plus fragile de la parfumerie,
avait quasiment disparu", constate Jean-Pierre Leleux, sénateur,
maire honoraire et patron de l’association "Patrimoine vivant du
Pays de Grasse" qui porte la candidature à l’Unesco depuis dix
ans. "On reste cependant loin de l’apogée", ajoute-t-il.
    Au XXe siècle, la région abritait près de 2.000 hectares de
champs, contre une trentaine aujourd'hui pour une quinzaine
d’exploitants situés entre les Alpes-Maritimes et le Var. 
    La faute notamment à la délocalisation vers des pays
producteurs moins onéreux et à une forte pression immobilière,
très forte dans cette localité de la Côte-d’Azur.
    
    LES GRANDES MAISONS A L'AFFÛT
    Mais la tendance s’inverse quelque peu. Les terres
argilo-calcaires et le micro-climat propices à la rose
centifolia, l’iris, le jasmin ou la tubéreuse, demeurent au cœur
de la composition de célèbres parfums. 
    Alors que les coûts de production sont 10 fois plus élevés
qu’en Tunisie ou au Maroc, les plus grandes maisons de luxe,
tels Chanel et LVMH, sont à l’affût pour obtenir l’exclusivité
des productions locales faites dans les règles de l’art. "Cela a
commencé en 2005 et depuis le nombre de ces contrats est en
constante augmentation", précise un cultivateur.
    "Depuis trois, quatre ans, on avait déjà le client, Dior,
prêt à nous racheter toute notre récolte, mais pas le terrain",
confirment Maurin Pisani et Anne Caluzio, deux trentenaires qui
viennent non sans mal de trouver leur jardin d’Eden à Grasse. 
    Sur un ancien champ de fleurs en friche depuis 40 ans, ils
produiront à terme deux ou trois tonnes annuelles de jasmin bio
pour la célèbre maison et "en vivront normalement", disent-ils. 
    D’autres cultivateurs pourraient suivre leur exemple. Il y a
quelques jours, en révisant son plan local d’urbanisme, la ville
de Grasse a décidé de transformer 70 hectares de terres
potentiellement urbanisables en zones agricoles afin de
favoriser les installations, un phénomène que le classement
onusien pourrait amplifier et pérenniser.
    Le dynamisme affiché de la filière est l’une des
conséquences de la candidature, estime Jean-Pierre Leleux pour
qui "elle a réactivé la fierté locale".
    L’entrée éventuelle dans le cercle fermé du patrimoine
mondial devrait avoir un fort impact économique et touristique.
    "Ce serait très positif pour tous et cela pourrait
participer à redynamiser le centre-ville de Grasse", dit Jessica
Buchanan, parfumeuse indépendante depuis une dizaine d’années. 
    Pour cette Canadienne d’origine, restée après un an de
formation, les techniques d’extraction des fleurs et la qualité
des matières premières n’ont pas d’équivalent dans le monde. 
    
    TRANSMETTRE LES SAVOIR-FAIRE
    Ce qui n’empêche pas un danger de guetter la filière :
l’oubli et la perte des savoir-faire au fil du temps, car les
secrets des métiers se transmettent souvent sur le tas, de
génération en génération, parfois oralement, au prix d’un long
apprentissage. "Il faut protéger la transmission de cette
expertise, éviter qu’elle se perde ou s’oublie", affirme-t-elle.
"L’Unesco aiderait en ce sens".
    Plusieurs initiatives ont ainsi vu le jour pour que la
filière résiste et perdure. Afin de pallier par exemple aux
départs en retraite des greffeurs, souvent sans repreneurs, une
pépinière durable et collective est ainsi en cours
d’installation. Elle sera à disposition des agriculteurs pour
garantir un approvisionnement en matières premières végétales.
    En plus des nombreuses formations déjà en place,
l’enseignement et la recherche sont aussi privilégiés avec la
volonté de créer une chaire Unesco en collaboration avec
l’Université de Nice Sophia Antipolis.
    En bout de chaîne, du côté des industriels, transformateurs
de fleurs locales mais aussi de toutes celles importées, on
regarde d’un bon œil le retour des cultivateurs et les démarches
entreprises. 
    "Ça va dans le sens des consommateurs qui recherchent des
produits développement durable, les plus naturels possibles",
analyse Philippe Massé, président de Prodarom (syndicat national
des fabricants de produits aromatiques). 
    Un label "patrimoine mondial immatériel" dans la région
bénéficierait sans doute indirectement à ces industriels bien
implantés sur le territoire grassois avec, en 2017, environ 70
entreprises pour 5.500 salariés et 1,6 milliard d’euro de
chiffres d’affaires (2,7 milliards en CA consolidé mondial) dont
les trois quarts à l’export. 
    Et des prévisions pour l’avenir tout aussi excellentes. 
    "On a ici des produits exceptionnels", dit Philippe Massé.
"Il faut continuer pour que nos agriculteurs soient dans la
qualité. On a plus de problème à trouver des matières premières
qu’à les utiliser."

 (Edité par Yves Clarisse)
 

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