* La grande mosquée du nord-est de Paris toujours pas terminée * Le permis de construire a été délivré en 2001 * La collecte a eu du mal à suivre * Anciens et nouveaux dirigeants se sont affrontés * SPECIAL FRANCE-ISLAM/MACRON en pdf : https://bit.ly/2KGCQM5 par Danielle Rouquié PARIS, 29 novembre (Reuters) - C'est le même ballet tous les vendredis en début d'après-midi devant la grande mosquée en chantier du nord-est de Paris. Une marée de casquettes, fez et capuches, où surnagent quelques foulards aux couleurs vives, patiente pour la seconde prière, coincée entre un mur et des barrières métalliques, le temps que s'écoule la foule des fidèles du premier service sous le regard scrutateur d'une dizaine de policiers du quartier. Dix-sept ans après l'obtention du permis de construire, la mosquée Adda'wa (l'Invitation) du XIXe arrondissement, un temps fréquentée par les frères Kouachi, auteurs de l'attentat de 2015 contre Charlie Hebdo, est toujours en chantier par manque de fonds. Pour pouvoir recevoir la foule qui se presse au 39 rue de Tanger, la prière du vendredi a été dédoublée pour accueillir 1.200 personnes par service, explique Ahmed Ouali, 56 ans, président de l'Association cultuelle islamique mosquée Adda'wa (Acima), qui gère la mosquée, aussi connue sous le nom de "mosquée Stalingrad", du nom de la place située à proximité. Ici, pas question de prières de rues, clament Ahmed Ouali et le maire socialiste du XIXe arrondissement, François Dagnaud. Pendant le mois de ramadan, où les fidèles se font plus nombreux, la mairie met en plus à disposition un gymnase pouvant accueillir plus de 1.000 personnes. A côté de l'excavatrice jaune et des gravats relégués dans un coin en ce jour de prière, quelque 400 fidèles s'entassent sous la tente blanche installée dans ce qui deviendra le patio de la mosquée. Les 800 autres s'assoient en plein air dans ce qui sera une des futures salles de prière. Le manque d'argent et une guerre de légitimité entre l'ancienne et la nouvelle équipe, et ses conséquences judiciaires, ont laissé des traces. Ahmed Ouali est désormais seul aux commandes avec son équipe, après une décision de justice de 2015 qui avait ordonné la nomination d'un administrateur judiciaire pour organiser la tenue d'élections au sein de l'association et départager les belligérants. HUISSIER L'ancien président de l'Acima et figure charismatique du projet Adda'wa, l'Algérien Larbi Kechat, 73 ans, a reconnu sa défaite et s'est replié porte de la Villette près du boulevard périphérique sur un terrain de la ville de Paris. Aujourd'hui, l'Acima veut obtenir l'expulsion de Larbi Kechat de sa "masjid" (mosquée) de la Villette pour occupation illégale. Le terrain a en effet mis à disposition de la seule Acima par la ville de Paris, confirme François Dagnaud. Le tribunal de grande instance de Paris vient de nommer un huissier pour faire constater l'occupation illégale, indique l'avocat de l'Acima, Alain Garay. L'imam Kechat avait vu grand pour le bâtiment de sept étages qu'il voulait faire construire rue de Tanger : une mosquée cathédrale qui devait accueillir, outre des salles de prière, une cafétéria, une bibliothèque et des salles de classe. Le minaret, discret, était intégré à la façade. Le permis de construire est accordé en 2001 par le nouveau maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë. Les travaux devaient commencer dans la foulée. Un marché de 16 millions d'euros (hors taxes) est passé avec Bouygues, dit Ahmed Ouali. Mais les travaux ne commencent pas pour autant. "Il y a eu un grand statu quo", raconte François Dagnaud. "Malgré le permis de construire et les dons, les fidèles ne comprenaient pas pourquoi ça ne commençait pas. Personne n'avait de visibilité sur les comptes", ajoute le maire du XIXe arrondissement. Les entrepôts sont finalement rasés en 2006 et la mosquée transférée temporairement porte de la Villette, sur un terrain mis à disposition par la ville de Paris. Bouygues enclenche les travaux en 2008. Pour s'arrêter l'année suivante, faute d'être payé au-delà de 4 millions, raconte Ahmed Ouali. FERRARI ET ROLEX Aujourd'hui, rue de Tanger, l'heure est au réalisme. "Vu les moyens, on construit par étapes", dit Ahmed Ouali. Les travaux s'alignent sur la collecte. Priorité à l'achèvement de la mosquée. La partie socio-culturelle n'est plus d'actualité. Dans un objectif de transparence, chaque vendredi, le montant de la collecte est affiché: 7.370 euros pour le vendredi 12 octobre. Dans un bâtiment provisoire qui sert de bureau d'accueil, trois hommes assis autour d'une table comptent un tas de pièces et de billets qui vont être envoyés à la banque. "Les gens sont impliqués. Ils prient sous une tente. C'est pas des conditions", commente Sofiane Driouch, un des trois imams de la mosquée, emmitouflé dans sa parka. Les derniers poteaux de béton sont en construction. Au dessus, viendront - dans un avenir non précisé - la charpente et la coupole. Tout au long de son histoire mouvementée, la mosquée Adda'wa a reçu des dons les plus surprenants, s'enthousiasme Ahmed Ouali. Et de citer pêle-mêle le prix d'une Ferrari "neuve" vendue par un donateur pour l'association, soit un peu moins de 200.000 euros, 50.000 euros d'un retraité de l'industrie pharmaceutique, deux Rolex données par un ancien président de la République - "j'ai le papier", dit-il - ou encore 9.000 euros légués par une chrétienne du quartier qui s'est convertie à l'islam à 92 ans, peu de temps avant sa mort. Un appel de fonds de 200.000 euros lancé sur le site internet "cotizup" avait permis de lever 18.165 euros à la date du 17 novembre grâce à 543 participants. "ON LEUR A INCULQUÉ LA HAINE" Dans ce contexte de collecte euro par euro, les coûts sont très serrés. Le bénévolat est de mise. Seules les dépenses strictement nécessaires sont engagées, comme le paiement de l'eau, de l'électricité ou du commissaire aux comptes. Enfin, Adda'wa, comme nombre de mosquées, n'a pas les moyens de salarier ses imams qui sont bénévoles. Ils sont trois : Daoud, un octogénaire algérien, un des fondateurs de l'Acima en 1969, pour les cinq prières quotidiennes, Cheikh Abdallah, un quinquagénaire comorien, pour le premier office du vendredi, et Sofiane Driouch, un Français de 34 ans d'origine marocaine pour le second office du vendredi. Ce père de famille évoque comme formation les cours qu'il a suivis "depuis tout petit" à "La Madrassa" ("L'école"), une association de l'arrondissement voisin où il a fait son éducation religieuse et appris plus tard la jurisprudence islamique, le Fikh. Il y enseigne aujourd'hui. Il évoque aussi "trois années d'arabe aux Langues O" après un bac ES pour parfaire ses connaissances. Pour lui, la formule "islam modéré" est un pléonasme. "L'islam est en lui-même une modération pour l'être humain", dit-il. Il refuse d'associer Chérif et Saïd Kouachi à sa religion. "Les frères Kouachi étaient dans cette mosquée. Je les connais. On était à l'école primaire ensemble. Ce sont des gens qui n'ont pas eu d'instruction religieuse. Où est-ce qu'ils ont appris leur religion ? Sur internet. (Je leur disais) : ce que vous racontez, c'est n'importe quoi. (...) Quand on avait une vingtaine d'années, ça arrivait qu'on se rencontre ici", raconte-t-il. "Ils n'ont eu personne pour leur ouvrir les livres, pour leur apprendre l'arabe. On leur a inculqué la haine. On leur a inculqué la guerre. C'était ça dans leur tête." (Edité par Yves Clarisse)
REPORTAGE-La mosquée Paris-Stalingrad veut tourner la page d'un passé trouble
information fournie par Reuters 29/11/2018 à 11:12

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