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REPORTAGE-La mosquée Paris-Stalingrad veut tourner la page d'un passé trouble
information fournie par Reuters 29/11/2018 à 11:12

    * La grande mosquée du nord-est de Paris toujours pas
terminée
    * Le permis de construire a été délivré en 2001
    * La collecte a eu du mal à suivre
    * Anciens et nouveaux dirigeants se sont affrontés
    * SPECIAL FRANCE-ISLAM/MACRON en pdf : https://bit.ly/2KGCQM5

    par Danielle Rouquié
    PARIS, 29 novembre (Reuters) - C'est le même ballet tous les
vendredis en début d'après-midi devant la grande mosquée en
chantier du nord-est de Paris. 
    Une marée de casquettes, fez et capuches, où surnagent
quelques foulards aux couleurs vives, patiente pour la seconde
prière, coincée entre un mur et des barrières métalliques, le
temps que s'écoule la foule des fidèles du premier service sous
le regard scrutateur d'une dizaine de policiers du quartier.
    Dix-sept ans après l'obtention du permis de construire, la
mosquée Adda'wa (l'Invitation) du XIXe arrondissement, un temps
fréquentée par les frères Kouachi, auteurs de l'attentat de 
2015 contre Charlie Hebdo, est toujours en chantier par manque
de fonds.
    Pour pouvoir recevoir la foule qui se presse au 39 rue de
Tanger, la prière du vendredi a été dédoublée pour accueillir
1.200 personnes par service, explique Ahmed Ouali, 56 ans,
président de l'Association cultuelle islamique mosquée Adda'wa
(Acima), qui gère la mosquée, aussi connue sous le nom de
"mosquée Stalingrad", du nom de la place située à proximité.
    Ici, pas question de prières de rues, clament Ahmed Ouali et
le maire socialiste du XIXe arrondissement, François Dagnaud.
Pendant le mois de ramadan, où les fidèles se font plus
nombreux, la mairie met en plus à disposition un gymnase pouvant
accueillir plus de 1.000 personnes.
    A côté de l'excavatrice jaune et des gravats relégués dans
un coin en ce jour de prière, quelque 400 fidèles s'entassent
sous la tente blanche installée dans ce qui deviendra le patio
de la mosquée. Les 800 autres s'assoient en plein air dans ce
qui sera une des futures salles de prière. 
    Le manque d'argent et une guerre de légitimité entre
l'ancienne et la nouvelle équipe, et ses conséquences
judiciaires, ont laissé des traces. Ahmed Ouali est désormais
seul aux commandes avec son équipe, après une décision de
justice de 2015 qui avait ordonné la nomination d'un
administrateur judiciaire pour organiser la tenue d'élections au
sein de l'association et départager les belligérants.
    
    HUISSIER
    L'ancien président de l'Acima et figure charismatique du
projet Adda'wa, l'Algérien Larbi Kechat, 73 ans, a reconnu sa
défaite et s'est replié porte de la Villette près du boulevard
périphérique sur un terrain de la ville de Paris.
    Aujourd'hui, l'Acima veut obtenir l'expulsion de Larbi
Kechat de sa "masjid" (mosquée) de la Villette pour occupation
illégale. Le terrain a en effet mis à disposition de la seule
Acima par la ville de Paris, confirme François Dagnaud. 
    Le tribunal de grande instance de Paris vient de nommer un
huissier pour faire constater l'occupation illégale, indique
l'avocat de l'Acima, Alain Garay. 
    L'imam Kechat avait vu grand pour le bâtiment de sept étages
qu'il voulait faire construire rue de Tanger : une mosquée
cathédrale qui devait accueillir, outre des salles de prière,
une cafétéria, une bibliothèque et des salles de classe. Le
minaret, discret, était intégré à la façade. 
    Le permis de construire est accordé en 2001 par le nouveau
maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë. Les travaux
devaient commencer dans la foulée. Un marché de 16 millions
d'euros (hors taxes) est passé avec Bouygues, dit Ahmed Ouali.  
 
    Mais les travaux ne commencent pas pour autant. "Il y a eu
un grand statu quo", raconte François Dagnaud. "Malgré le permis
de construire et les dons, les fidèles ne comprenaient pas
pourquoi ça ne commençait pas. Personne n'avait de visibilité
sur les comptes", ajoute le maire du XIXe arrondissement.
    Les entrepôts sont finalement rasés en 2006 et la mosquée
transférée temporairement porte de la Villette, sur un terrain
mis à disposition par la ville de Paris. Bouygues enclenche les
travaux en 2008. Pour s'arrêter l'année suivante, faute d'être
payé au-delà de 4 millions, raconte Ahmed Ouali. 
    
    FERRARI ET ROLEX
    Aujourd'hui, rue de Tanger, l'heure est au réalisme. "Vu les
moyens, on construit par étapes", dit Ahmed Ouali. Les travaux
s'alignent sur la collecte. Priorité à l'achèvement de la
mosquée. La partie socio-culturelle n'est plus d'actualité.
    Dans un objectif de transparence, chaque vendredi, le
montant de la collecte est affiché: 7.370 euros pour le vendredi
12 octobre. Dans un bâtiment provisoire qui sert de bureau
d'accueil, trois hommes assis autour d'une table comptent un tas
 de pièces et de billets qui vont être envoyés à la banque. 
    "Les gens sont impliqués. Ils prient sous une tente. C'est
pas des conditions", commente Sofiane Driouch, un des trois
imams de la mosquée, emmitouflé dans sa parka.
    Les derniers poteaux de béton sont en construction. Au
dessus, viendront - dans un avenir non précisé - la charpente et
la coupole.
    Tout au long de son histoire mouvementée, la mosquée Adda'wa
a reçu des dons les plus surprenants, s'enthousiasme Ahmed
Ouali. Et de citer pêle-mêle le prix d'une Ferrari "neuve"
vendue par un donateur pour l'association, soit un peu moins de
200.000 euros, 50.000 euros d'un retraité de l'industrie
pharmaceutique, deux Rolex données par un ancien président de la
République - "j'ai le papier", dit-il - ou encore 9.000 euros
légués par une chrétienne du quartier qui s'est convertie à
l'islam à 92 ans, peu de temps avant sa mort. 
    Un appel de fonds de 200.000 euros lancé sur le site
internet "cotizup" avait permis de lever 18.165 euros à la date
du 17 novembre grâce à 543 participants.   
       
    "ON LEUR A INCULQUÉ LA HAINE"
    Dans ce contexte de collecte euro par euro, les coûts sont
très serrés. Le bénévolat est de mise. Seules les dépenses
strictement nécessaires sont engagées, comme le paiement de
l'eau, de l'électricité ou du commissaire aux comptes. 
    Enfin, Adda'wa, comme nombre de mosquées, n'a pas les moyens
de salarier ses imams qui sont bénévoles. Ils sont trois :
Daoud, un octogénaire algérien, un des fondateurs de l'Acima en
1969, pour les cinq prières quotidiennes, Cheikh Abdallah, un
quinquagénaire comorien, pour le premier office du vendredi, et
Sofiane Driouch, un Français de 34 ans d'origine marocaine pour
le second office du vendredi. 
    Ce père de famille évoque comme formation les cours qu'il a
suivis "depuis tout petit" à "La Madrassa" ("L'école"), une
association de l'arrondissement voisin où il a fait son
éducation religieuse et appris plus tard la jurisprudence
islamique, le Fikh. Il y enseigne aujourd'hui.
    Il évoque aussi "trois années d'arabe aux Langues O" après
un bac ES pour parfaire ses connaissances.
    Pour lui, la formule "islam modéré" est un pléonasme.
"L'islam est en lui-même une modération pour l'être humain",
dit-il. Il refuse d'associer Chérif et Saïd Kouachi à sa
religion.
    "Les frères Kouachi étaient dans cette mosquée. Je les
connais. On était à l'école primaire ensemble. Ce sont des gens
qui n'ont pas eu d'instruction religieuse. Où est-ce qu'ils ont
appris leur religion ? Sur internet. (Je leur disais) : ce que
vous racontez, c'est n'importe quoi. (...) Quand on avait une
vingtaine d'années, ça arrivait qu'on se rencontre ici",
raconte-t-il.
    "Ils n'ont eu personne pour leur ouvrir les livres, pour
leur apprendre l'arabe. On leur a inculqué la haine. On leur a
inculqué la guerre. C'était ça dans leur tête."

 (Edité par Yves Clarisse)
 

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