par Michael Georgy RAKKA, Syrie, 21 juin (Reuters) - La reprise de Rakka, dernier bastion urbain de l'organisation Etat islamique (EI) en Syrie, n'est désormais qu'une question de temps mais ce qu'il adviendra après reste à définir. Les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de miliciens kurdes et arabes soutenue militairement par les Etats-Unis, poursuivent leur encerclement de la ville, considérée comme la capitale de Daech en Syrie. Mais les FDS voient plus loin que ce siège qu'elles attendent victorieux. En avril, elles ont mis en place une organisation, le Conseil civique de Rakka (CCR), qui sera chargée du maintien de l'ordre et de préparer la reconstruction une fois les djihadistes chassés hors des murs. La tâche s'annonce immense. Le coût aussi. Et les donateurs ne sont pas nombreux à ce jour. Les volontaires du CCR disent avoir expliqué aux responsables de la coalition sous commandement américain qu'il faudra environ 5,3 milliards de livres syriennes par an (environ 9 millions d'euros) pour rétablir l'eau et l'électricité, réparer les routes et rebâtir les écoles. Jusqu'à présent, les quelques dons privés qu'ils ont reçus sont bien loin d'une pareille somme. PAS ASSEZ D'ARGENT Pourtant, l'histoire récente de la région illustre l'importance des efforts de reconstruction après la guerre. Les infrastructures mais aussi la mise en place de structures politiques solides. Ne pas l'avoir fait, ou pas suffisamment, en Irak après l'invasion américaine de 2003 a fait le lit des extrémismes et contribué à l'émergence de l'Etat islamique. Les Etats-Unis le savent et de source américaine on se dit prêt à financer le CCR "à condition qu'ils se montrent ouverts à tous et représentent les communautés qu'ils gouvernent". A l'heure actuelle, le CCR est la diversité même. Ses deux dirigeants sont Cheikh Mahmoud Chawakh al Boursan, un chef tribal arabe qui porte la robe traditionnelle de sa tribu, et Leïla Moustafa, une Kurde spécialiste en génie civil qui préfère jeans et chemise verte. "C'est un pas historique pour Rakka", explique-t-elle dans le village d'Aïn Issa, à 50 km au nord de Rakka, là où le CCR est basé. Elle parle de la période intérimaire durant laquelle le CCR sera aux commandes jusqu'à la tenue d'élections. Et insiste sur la nécessaire réparation de toute l'infrastructure de la ville qui a été détruite. "Il faut rouvrir les écoles. Et il faut de l'argent pour remettre en marche les stations de pompage d'eau et les centrales électriques", dit-elle. Mais l'absence de réel financement à ce jour inquiète les quelque 70 membres du CCR, des ingénieurs, des enseignants, des médecins ou encore des avocats. Eux savent bien qu'il sera difficile de répondre aux demandes des habitants de Rakka, quand ils pourront ou voudront rentrer chez eux à mesure de l'avancée des troupes des FDS. LA QUESTION KURDE Et puis il faudra maintenir l'ordre, et éviter les vengeances visant ceux qui ont collaboré avec les djihadistes. Abdoul Aziz al Amir, l'un des vingt représentants des tribus locales à siéger au CCR, est pourtant confiant. "Les gens qui avaient des différends venaient toujours nous en parler. On a la confiance des gens. On peut contribuer à apporter la stabilité", dit-il. Tout le monde ne partage pas cet avis. Notamment le puissant voisin turc, qui s'inquiète de la présence de miliciens kurdes dans les rangs des FDS et donc dans le CCR. Ankara considère ces miliciens kurdes, les Unités de protection du peuple (YPG), comme l'émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), l'organisation séparatiste kurde en lutte depuis trente ans contre le pouvoir central. Certaines des inquiétudes émises par la Turquie trouvent une oreille attentive à Washington et auprès de l'Union européenne, où l'on insiste sur le fait que le CCR doit être indépendant des milices kurdes présentes à Rakka. Un diplomate européen résume la situation actuelle en ces termes : "Les Etats-Unis pour le moment nous disent, on mène notre guerre et on verra après". En attendant, le CCR ne peut compter pour agir que sur de faibles dons, parfois individuels. "Une jeune fille nous a envoyé 30 euros par Western Union", raconte Omar Aloush, un volontaire du CCR. "Bien sûr, on l'a remerciée." "Mais réparer les dégâts commis à Rakka coûtera des millions et des millions de dollars", dit-il. "On n'a à l'heure actuelle même pas assez d'argent pour un projet qui coûterait, disons, 15.000 dollars." On estime à 200.000 le nombre d'habitants de la ville que les combats ont contraints à fuir. Pour la plupart d'entre eux, il s'agira de repartir de zéro. (Avec Tom Perry à Beyrouth, Tulay Karadeniz et Dominic Evans à Ankara, Gilles Trequesser pour le service français, édité par Tangi Salaün)
REPORTAGE-Après la reprise de Rakka, viendra le défi de la reconstruction
information fournie par Reuters 21/06/2017 à 17:36
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