(Actualisé avec cours, commentaire)
par Gilles Guillaume et Nick Carey
Renault Group RENA.PA et Ford F.N ont annoncé mardi un partenariat stratégique dans les véhicules particuliers et utilitaires, avec pour commencer la production en France par Renault de deux citadines électriques abordables pour la marque américaine afin de contrer la concurrence chinoise.
Dans une industrie automobile plus que jamais engagée dans une guerre des coûts, tout en ayant à gérer le virage de l'électrification des véhicules, de tels partenariats pour partager le développement et la fabrication sont monnaie courante mais c'est la première fois que Renault et Ford travaillent ensemble.
"Nous savons que nous livrons un combat pour notre survie dans notre industrie", a dit Jim Farley, directeur général du numéro deux américain, à des journalistes à Paris lundi à la veille de l'annonce du partenariat, évoquant la menace de la concurrence des modèles chinois meilleur marché. "Et quel meilleur exemple de cela qu'ici en Europe."
Ford est depuis plusieurs années à la peine en Europe, où sa part de marché a été divisée par presque deux en près de six ans, passant de 6,1% en 2019 à 3,3% sur les dix premiers mois de 2025, selon des chiffres de l'ACEA.
Après le revirement de l'administration Trump aux Etats-Unis sur le soutien aux véhicules électriques, le groupe se retrouve en outre confronté à la nécessité d'investir à la fois dans des modèles thermiques et à batterie.
"Nous pouvions voir que les Chinois arrivaient (...) et nous avons passé plus d'un an à étudier sur le papier toutes les possibilités pour notre avenir en Europe, et tout était sur la table", a poursuivi Jim Farley.
Et lorsqu'en mars dernier, le directeur général de Renault, François Provost, alors à la tête des partenariats du groupe au losange avant de succéder à Luca de Meo, a approché Ford, le groupe américain a commencé à être séduit par l'idée d'un partage.
"Une fois que nous avons vraiment découvert la stratégie de François (Provost), les capacités des plateformes , le coût, l'essence même de son entreprise, alors nous avons commencé à travailler dur", a poursuivi Jim Farley.
Dans la matinée, l'action Renault était stable à la Bourse de Paris, après avoir gagné jusqu'à 2,5% plus tôt en séance.
"Cette annonce marque une changement stratégique significatif pour Ford en Europe et une validation commerciale majeure pour la division Ampere de Renault", commente Michael Foundoukidis, analyste chez Oddo BHF, dans une note.
CRÉER UN NOUVEAU GÉANT DES FOURGONS EN EUROPE
Ford veut désormais se concentrer sur des segments clé sur le marché européen, notamment les citadines pour la technologie électrique.
Les deux voitures issues du nouveau partenariat seront basées sur la plateforme Ampere Small de Renault, l'architecture sur laquelle sont actuellement produites des petites voitures électriques pour la marque au losange (R5 et R4), pour le partenaire historique Nissan (Micra) et pour la marque Alpine (A290), toutes fabriquées à Douai et à Maubeuge (Nord).
La première Ford de nouvelle génération devrait être commercialisée début 2028.
En plus de leur collaboration sur les véhicules électriques, Renault et Ford ont également signé une lettre d'intention (LOI) portant sur une coopération dans le domaine des véhicules utilitaires légers (VUL) en Europe. Dans ce cadre, les deux partenaires - dont les marques éponymes sont leaders du marché européen des utilitaires - exploreront la possibilité de développer et de fabriquer ensemble certains fourgons et fourgonnettes Renault et Ford.
"Ensemble nous pouvons créer un géant des véhicules utilitaires légers en Europe, que les Chinois auront beaucoup de mal à concurrencer", a dit Jim Farley.
Si peu de fourgons de marque chinoise sont actuellement en vente en Europe, contrairement aux voitures, François Provost a ajouté "qu'ils arriveront bientôt". "Et c'est pourquoi je ne veux pas attendre", a-t-il dit.
Ford est déjà partenaire depuis plusieurs années de Volkswagen VOWG.DE dans l'électrique et surtout les utilitaires, et Jim Farley a indiqué que le projet d'alliance avec Renault dans les fourgons serait d'abord complémentaire de son autre partenariat.
Pour Renault, l'accueil de silhouettes Ford dans une de ses usines permettra d'optimiser l'utilisation des capacités, de réduire les coûts et de continuer à gagner en compétitivité, une des recettes qui lui permettent de rester dans la course malgré une taille réduite par rapport à plusieurs de ses concurrents.
"Notre ambition (...) est de montrer qu'en Europe nous pouvons produire des voitures électriques de manière aussi compétitive que n'importe qui, y compris les Chinois", a déclaré François Provost.
"Cette nouvelle alliance suggère que Ford est en train de diversifier sa stratégie de plateformes (au-delà de VW) (...) tandis que pour Renault, sécuriser un partenaire externe important en volume au-delà de ses pairs de l'alliance Nissan et Mitsubishi devrait être vu comme une bonne opportunité pour augmenter davantage encore l'utilisation des capacités de ses usines françaises et amortir les coûts de R&D", ajoute Michael Foundoukidis.
Priés de dire si cette nouvelle alliance pouvait préfigurer un rapprochement plus étroit entre deux entreprises présentées comme complémentaires, Jim Farley et son homologue de Renault ont répondu qu'il n'y avait pas de telles discussions.
"Ford est une entreprise farouchement indépendante (...) une entreprise à capital familial", a dit le directeur général de Ford.
(Reportage Gilles Guillaume et Nick Carey, avec Christoph Steitz à Francfort et Jérôme Terroy à Gdansk, édité par Bertrand Boucey et Blandine Hénault)

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