Les investisseurs attendent avec une relative sérénité la date butoir du 9 juillet fixée par le président américain, Donald Trump, afin que les partenaires commerciaux des Etats-Unis concluent des accords sur les droits de douane.
Mais passée cette date, la suite pourrait susciter davantage de volatilité et d'incertitude sur les marchés, d'autant que la semaine à venir est pauvre en indicateurs macroéconomiques.
Pour le moment, l'administration américaine a conclu un accord à la portée limitée avec la Grande-Bretagne et un accord de principe avec le Vietnam. Mais il reste encore pas moins de 180 pays, dont l'île Heard peuplée de pingouins, pour lesquels des accords doivent être trouvés.
Tour d'horizon des perspectives de marché dans les jours à venir :
1/ DES ACCORDS OU DÉSACCORDS?
Après des mois d'attente, les investisseurs devraient bientôt prendre connaissance des accords conclus ou non par les Etats-Unis et ses partenaires sur les droits de douane au risque d'un relèvement des surtaxes.
Après l'annonce du "Liberation Day" ("jour de libération") du 2 avril, Donald Trump avait décidé de suspendre pendant 90 jours l'application de nombreux droits de douane, qui avaient ébranlé les marchés dans le monde. Cette échéance prendra fin le 9 juillet.
Les jours qui suivront pourraient donner lieu à un certain nombre de scénarios. Certains investisseurs ont émis l'hypothèse d'un délai supplémentaire pour permettre la poursuite des négociations, mais Donald Trump a déclaré qu'il n'envisageait pas de reporter la date butoir initiale. Il a même laissé entendre qu'il pourrait imposer des droits de douane de 30% ou 35% sur les importations en provenance du Japon, soit bien plus que le taux de 24% qu'il avait annoncé en avril.
2/ SYNDROME DE L'ENFANT GÂTÉ ?
Donald Trump a exprimé la semaine dernière sa frustration à l'égard du Japon, pourtant présenté au début des négociations commerciales comme l'un des pays susceptibles de signer un premier un accord sur les droits de douane. Dans un message publié sur son réseau social Truth Social, le locataire de la Maison blanche a déclaré que la réticence du Japon à importer du riz cultivé aux Etats-Unis était un signe que des pays étaient devenus "gâtés par rapport aux Etats-Unis d'Amérique".
Bien que dépendant des exportations, le Japon n'a toujours pas signé d'accord avec les Etats-Unis, les voitures et le riz restant des points d'achoppement.
Le Japon dit ne pas vouloir "sacrifier" son secteur agricole, jugé essentiel. Et comme l'automobile est le plus gros employeur du Japon et le principal secteur à l'exportation vers les Etats-Unis, avec près de 30% du total des exportations du pays, Tokyo pourrait estimer qu'il n'a pas d'autre choix que de se battre pour obtenir un meilleur accord.
3/ LA CRISE DU GILT
La livre sterling a récemment chuté et le rendement du Gilt britannique à dix ans GB10YT=RR est monté cette semaine jusqu'à 4,68%, prenant plus de vingt points de base, en raison de l'effondrement brutal des prix des obligations souveraines. Cela a suscité immédiatement des comparaisons avec la crise de 2022, lors du mandat de l'éphémère ancienne Première ministre Liz Truss, poussée à la démission, après la présentation d'un "mini-budget" prévoyant des baisses d'impôts non financées.
La nouvelle crise est partie d'un revirement sur les coupes dans les dépenses sociales et de l'apparition en larmes au Parlement de la ministre des Finances, Rachel Reeves, déclenchant des rumeurs d'une démission possible.
La volte-face du gouvernement britannique sur la réforme du système de protection sociale va creuser un trou de 5 milliards de livres dans ses projets budgétaires.
Depuis que le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a apporté publiquement son soutien à Rachel Reeves, la crise s'est quelque peu calmée avec un rendement du Gilt à dix ans, retombé vendredi à 4,52% et une livre sterling GBP= stabilisée à 1,36 dollar.
Mais Rachel Reeves ne dispose plus de marge de manoeuvre et pourrait être contrainte d'augmenter les impôts dans le courant de l'année alors que les consommateurs britanniques sont déjà sous pression. Les indicateurs de la semaine prochaine sur les prix de l'immobilier, les ventes de voitures et la croissance économique pourraient constituer de nouveaux tests.
4/ LE RETOUR EN FORME DU S&P 500
Le millésime 2025 devait être celui des marchés européens au regard de la politique jugée erratique de l'administration américaine, tandis que le changement de doctrine budgétaire opéré en Allemagne avec un vaste plan d'investissement était vu comme un atout pour attirer les investisseurs sur le Vieux continent.
Mais l'indice S&P 500 .SPX est désormais en passe de dépasser l'indice paneuropéen Stoxx 600 .STOXX en termes de gains depuis le début de l'année. Les actions européennes pâtissent des craintes sur les droits de douane américains alors que l'indice de référence à Wall Street a inscrit jeudi un nouveau record.
En prenant en compte les pertes de ce vendredi, le Stoxx 600 a progressé depuis le début de l'année d'environ 6,5% contre un gain de 6,76% pour le S&P 500 à la clôture de jeudi. Wall Sreeet est fermée ce vendredi pour cause d'Independence Day, la fête nationale américaine.
L'écart entre les deux indices était d'environ 10 points de pourcentage en mars. Il n'y a que dans les changes où l'Europe surperforme les Etats-Unis avec un euro EUR= à 1,17 dollar ce vendredi. L'indice dollar =USD , mesurant les fluctuations du billet vert face à un panier de devises de référence, a enregistré son pire premier semestre depuis 1973.
La performance des actions américaines s'explique en grande partie par l'essor des grandes entreprises technologiques au cours des derniers mois, là où l'Europe ne peut rivaliser. Nvidia NVDA.O , symbole de l'engouement pour l'intelligence artificielle (IA), a atteint jeudi une capitalisation boursière de 3.920 milliards de dollars, la plus élevée de l'Histoire pour une entreprise cotée.
5/ UN GÉNIE (IN)STABLE
Après l'adoption définitive par le Congrès du "One Big Beautiful Bill", le projet de loi budgétaire voulu par Donald Trump, les républicains vont s'atteler à un autre projet de loi, le Génie ou GENIUS (Guiding and establishing national innovation for U.S).
Le Sénat américain a adopté le mois dernier ce projet de loi visant à créer un cadre réglementaire pour les stablecoins adossés au dollar. Il va désormais être examiné par la Chambre des représentants, avant une promulgation par Donald Trump.
La loi prévoit que la valeur globale des stablecoins en circulation passera d'environ 250 milliards de dollars à 500 milliards à 2.000 milliards de dollars dans les prochaines années, selon ses promoteurs. Ce projet suscite néanmoins l'inquiétude de nombreux banquiers centraux et de la Chine.
L'une des craintes est qu'il provoque un changement majeur dans les flux monétaires, ce qui déstabiliserait le système monétaire international. Dans les marchés émergents, on redoute notamment une "dollarisation" de l'économie, tandis que dans le monde industrialisé, des experts mettent en garde contre un trop grand contrôle de l'argent par des entreprises privées, ce qui pourrait rendre le "Génie" instable.
(Rédigé par Rocky Swift à Tokyo, Lewis Krauskopf à New York et Alun John, Marc Jones et Amanda Cooper à Londres; compilé par Amanda Cooper; infographies de Pasit Kongkunakornkul; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)
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