Orano envisage de commencer à enrichir de l'uranium aux Etats-Unis au début des années 2030 dans le cadre de son projet d'usine dans le Tennessee, a déclaré à Reuters François Lurin, directeur des activités Chimie-Enrichissement du spécialiste français du combustible nucléaire.
L'ex-Areva a retenu Oak Ridge, dans le Tennessee, pour construire une usine d'enrichissement d'uranium représentant plusieurs milliards de dollars d'investissements, ont annoncé mercredi des responsables du Tennessee et d'Orano.
Ce projet intervient quelques mois après la signature par Joe Biden d'une loi visant à mettre un terme à la dépendance des Etats-Unis à l'égard de la Russie, premier fournisseur mondial d'uranium enrichi.
"Si tout se déroule comme prévu, si nous enclenchons les travaux, si nous obtenons les soutiens financiers du gouvernement américain et les commandes fermes de clients et que les échanges avec la NRC (l'Autorité de sûreté américaine) se passent bien, on peut imaginer des productions au début des années 2030", a dit François Lurin lors d'un entretien.
"Nous pouvons projeter une décision d'investissement qui va s'échelonner de manière progressive au cours des années à venir mais qui devrait démarrer dès l'année prochaine", a-t-il ajouté, précisant qu'Orano visait notamment des engagements à long terme de ses clients.
"Les électriciens doivent continuer à faire des choix longue durée. Si on se passe des approvisionnements russes, ce n'est pas pour y revenir trois ans après ou substituer l'uranium enrichi par de l'uranium chinois. Donc si nous n'avons pas d'engagement de longue durée, nous n'irons pas au bout de cet investissement. C'est absolument indispensable."
Sollicité dès 2022 après le début de la guerre en Ukraine, en particulier par des électriciens américains, Orano a déjà validé fin 2023 un investissement de 1,7 milliard d'euros pour augmenter la capacité de son usine d'enrichissement de Georges Besse 2 au Tricastin (Drôme et Vaucluse) de plus de 30%, soit 2,5 millions d'UTS (Unité de travail de séparation).
Concernant Oak Ridge, François Lurin a déclaré qu'Orano visait "plusieurs millions d'UTS" et qu'il s'adapterait en fonction des besoins des clients mais aussi des taux d'enrichissement requis, avec la possibilité de s'équiper pour produire des combustibles de type HALEU, essentiels pour la prochaine génération de réacteurs nucléaires et les petits réacteurs (SMR/AMR).
La loi signée par Joe Biden prévoit une interdiction des importations d'uranium enrichi russe aux Etats-Unis en 2028 et jusqu'à 2,7 milliards de dollars de financements pour des projets d'usines sur le sol américain.
"Si nous voulons obtenir une partie des financements du DOE (département de l'Énergie), il est évident que nous bénéficierons d'une plus grande écoute si nous construisons sur le sol américain, et donc de financements associés, que si nous localisons sur d'autres territoires, même alliés et européens", a dit François Lurin.
"En construisant une usine aux États-Unis, notre objectif n'est évidemment pas de concurrencer les productions et les ventes que nous réalisons depuis l'Europe, car nous considérons qu'un électricien américain est capable d'aller un cran plus loin dans les volumes de commandes qu'il nous passe si nous produisons sur le sol américain. Ce projet vient en complément et répond à des besoins additionnels."
(Reportage Benjamin Mallet ; édité par Sophie Louet)
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer