Pour résoudre certains problèmes de la monnaie unique, l'économiste Markus C. Kerber défend l'idée d'une "scission" de l'euro.
Après avoir soulevé trois effets indésirables de la politique actuellement menée par la BCE , Markus C. Kerber, professeur d’économie à l’université de Berlin, évoquait mardi 13 janvier à la conférence OFI 2015 les avantages qu’aurait la scission de l’euro en deux monnaies distinctes : un « euro du Nord » et un « euro du Sud ».
Ce n’est pas la première fois qu’un économiste évoque la possibilité d’une remise en cause de l’euro tel qu’on le connaît aujourd’hui. Pour Markus C. Kerber, les dissensions économiques patentes qui existent au sein de la zone euro militeraient pour une solution macroéconomique radicale : créer deux monnaies européennes au lieu d’une seule.
L’économiste souligne ainsi au sujet de l’euro qu’« un divorce raisonnablement discuté serait plus pertinent qu’un projet difficile à soutenir [à long terme] ».
Deux zones économiques aux besoins monétaires différents
Pourquoi un tel rejet de la monnaie unique ? Dans notre précédent article , nous rapportions le point de vue de l’économiste allemand sur la politique « contestable » de la BCE pour sauver l’euro . Mais surtout, pour Markus C. Kerber, au-delà des questions relatives à la BCE, une séparation monétaire bénéficierait à l’Europe du fait des priorités économiques très différentes entre certains Etats du Vieux continent.
Le raisonnement de l’économiste est en fait fondé sur une idée simple. Côté allemand, la priorité est donnée à l’épargne. À l’échelle mondiale, les citoyens allemands sont parmi les plus prompts à épargner grâce à des salaires généralement élevés et un marché de l’emploi dynamique. D’où l’intérêt d’avoir, pour eux, une monnaie forte ainsi qu’une inflation faible permettant de conserver cette épargne dans le temps.
Du côté de « l’Europe du Sud » en revanche, les salaires sont parfois nettement plus faibles, le chômage est désormais élevé et l’épargne est faible. cette fois-ci, une monnaie forte est une hérésie économique du fait que celle-ci brime la compétitivité qui fait désormais tant défaut à ces pays. L’« Europe du Sud » aurait donc plutôt intérêt à une monnaie « faible », lui permettant de redevenir attractive pour les investisseurs étrangers, notamment grâce à un plus faible coût relatif du travail du point de vue des investisseurs étrangers.
« Euro du Nord » et « Euro du Sud »
Du côté de « l’euro du Nord », Markus C. Kerber verrait se réunir autour de l’Allemagne des pays comme l’Autriche, les pays baltes, la Finlande, mais également la Suède et le Danemark, qui n’ont pas encore l’euro mais pourraient être intéressés par un projet autour d’une monnaie forte favorisant une faible inflation et la conservation de l’épargne.
Du côté de « l’euro du Sud », l’économiste imagine notamment un regroupement de l’Italie, de l’Espagne, de la Grèce ou encore du Portugal. Cette monnaie, volontairement moins forte que « l’euro du Nord », permettrait in fine de redynamiser l’économie de ces pays par le travail et la consommation immédiate au lieu de l’épargne.
L’économiste ne se prononce pas vraiment sur le sort de la France, qui ne semble pas facile à placer dans l’une ou l’autre des deux catégories. D’un côté, souligne simplement Markus C. Kerber, la France adopte une politique économique considérée comme très « laxiste » du point de vue allemand, s’autorisant l’un des déficits les plus élevés de toute la zone euro. Le pays semble par ailleurs très réticent à faire des efforts de rigueur consistants allant de pair avec un éventuel « euro du Nord ». Pour autant, l’épargne des Français est beaucoup plus importante que dans d’autres pays du Sud de l’Europe, et nombreux seraient les perdants en cas d’adoption d’une monnaie plus faible.
Impossibilité politique
En somme, ce dernier exemple vient souligner les grandes difficultés politiques qui se dessineraient si ce projet de séparation monétaire était véritablement posé sur la table des discussions. En voulant résoudre un problème économique profond de la zone euro, ce projet pourrait en réalité en provoquer bien d’autres en contrepartie.
X.Bargue
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