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par Alun John et Harry Robertson
Les actions françaises et l'euro ont chuté la semaine dernière sur fond d'incertitude politique en France et de crainte d'un futur Parlement dominé par l'extrême droite, provoquant un accroissement de l'écart entre les coûts d'emprunt de la France et de l'Allemagne.
Les enquêtes d'opinion donnent le Rassemblement national (RN) en tête des intentions de vote pour les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, décidées à la surprise générale par Emmanuel Macron après la déroute de son parti aux élections européennes.
Les partis de gauche, réunis sous l'étiquette le "Nouveau Front populaire", sont de leur côté une alliance hétéroclite, qui arriverait en seconde position, tandis que le parti de l'actuelle majorité présidentielle et ses alliés devraient perdre des sièges dans la future Assemblée nationale.
Les marchés redoutent qu'un Premier ministre d'extrême droite à la tête du gouvernement français soit tenté par une politique économique orientée sur la ligne "la France d'abord", très dépensière, ce qui aggraverait la dette du pays. Certains investisseurs ont commencé à évoquer le risque d'éclatement de la zone euro, même si cette éventualité est encore lointaine.
Voici quatre graphiques illustrant la réaction des marchés.
MARCHÉS ACTIONS
Les actions françaises se sont fortement dépréciées la semaine dernière. Le CAC 40, même s'il se redresse un peu ce lundi, reste proche d'un plus bas depuis janvier. L'indice a perdu la semaine dernière plus de 6%, son plus important repli hebdomadaire depuis plus de deux ans. .FCHI
"En ce qui concerne la France, il y a cette réaction qui consiste à tirer d'abord puis à se poser des questions", relève Tom O'Hara, gestionnaire de portefeuille dans l'équipe actions européennes chez Janus Henderson Investors.
"Nous nous concentrons sur les entreprises mondiales cotées en Europe. Il est certain que celles qui sont plus exposées au niveau national susciteront davantage d'interrogations", ajoute le gérant.
Les valeurs moyennes .CACMS , qui sont généralement plus exposées à l'économie domestique, ont chuté la semaine dernière de 9%, leur plus forte baisse hebdomadaire depuis la crise liée à la pandémie de COVID-19 en mars 2020.
Les banques ont été particulièrement affectées: BNP Paribas
BNPP.PA , Crédit Agricole CAGR.PA et Société Générale
SOGN.PA ont toutes perdu plus de 10% la semaine dernière, cédant environ 19 milliards de dollars de capitalisation boursière par rapport à la clôture du 7 juin, dernière séance avant les élections européennes en France, selon les données de LSEG.
MARCHÉS OBLIGATAIRES
Les obligations souveraines françaises ont également été sous pression la semaine dernière. L'écart entre les coûts d'emprunt français et allemand à dix ans DE10FR10=RR a augmenté à plus de 83 points de base (pdb) vendredi, le niveau le plus élevé depuis 2017. Lundi, cet écart s'affichait autour de 77 pdb, signe d'une prime de risque toujours accrue.
L'élargissement des écarts pourrait constituer une "opportunité d'achat tactique", écrivent les analystes d'UBS, "mais nous nous attendons à ce que les investisseurs adoptent une attitude attentiste jusqu'à davantage de clarté sur les alliances électorales, ainsi que sur les politiques budgétaires en cas de cohabitation".
Alors que le spread entre la France et l'Allemagne s'accroît, les données LSEG montrent également que la France
FR10YT=RR emprunte désormais à dix ans à un coût plus élevé que le Portugal PT10YT=RR , une première depuis au moins 2005.
Les écarts entre les obligations souveraines se creusent également en raison d'une ruée générale vers les valeurs refuge en Europe, dont les obligations d'Etat allemandes. Le rendement du Bund allemand, considéré comme l'obligation la plus sûre en zone euro, a baissé de 24 points de base la semaine dernière, son plus important repli hebdomadaire depuis décembre.
MARCHÉS DEVISES
Sur le marché des devises, la monnaie unique européenne a perdu 1% par rapport au dollar, la livre sterling et le franc suisse au cours de la seule semaine écoulée. L'euro est à son plus bas niveau par rapport à la livre depuis près de deux ans.
EUR=EBS EURGBP=D3 EURCHF=EBS .
"Le mois sera long pour l'euro", souligne Chris Turner, responsable mondial des marchés chez ING.
Lundi, vers 09h45 GMT l'euro grappille 0,09% à 1,071 dollar, mais il est tombé en séance, sous le seuil des 1,07 dollar, à 1,0687 dollar.
Les marchés s'attendent à de nouveaux mouvements brusques. La volatilité des options à un mois pour l'euro par rapport au dollar et à la livre a atteint son niveau le plus élevé depuis plus d'un an. EURGBP1MO=R EUR1MO=R
"Au regard des enquêtes d'opinion actuelles qui pèsent sur l'euro et probablement d'autres à venir (...), nous pensons que les investisseurs voudront gérer leur exposition à l'euro avec prudence", note Chris Turner.
L'expert d'ING estime que l'euro pourrait s'installer vers les 1,06 dollar cette semaine, ce qui serait son niveau le plus bas depuis novembre.
MARCHÉS DES CDS
Le coût de l'assurance de la dette française contre un défaut de paiement a également grimpé en flèche. Le swap de défaut de crédit (CDS) à cinq ans de la France s'est élargi à 38 points de base vendredi, alors qu'il n'était que de 24 pdb à la clôture du marché le 7 juin.
Ces niveaux sont les plus élevés depuis la pandémie de COVID-19 et, avant cela, depuis l'élection présidentielle de 2017, lorsque les marchés craignaient que Marine Le Pen n'accède à la présidence de la République.
(Reportage Alun John et Harry Roberston; avec la contribution de Dhara Ranasinghe; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)
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