Le siège de la Réserve fédérale, à Washington. (Crédits: Federal Reserve)
Par George Curtis, gérant de portefeuille chez Vontobel
Jerome Powell et ses collègues de la Réserve fédérale (Fed) ont décidé de réduire le taux des Fed Funds de 25 points de base, à 3,75-4% lors de la réunion de politique monétaire de la semaine dernière. Soit, une réduction totale de 150 points de base depuis le début du cycle en septembre 2024. Si cette réduction était anticipée par le marché, Powell a tempéré les attentes d'une nouvelle baisse lors de la réunion de décembre, estimant qu'elle était encore loin d'être acquise.
En effet, la décision de réduire de 25 points de base n'a pas fait l'unanimité : Stephan Miran plaidait pour une baisse de 50 points, tandis que Jeffrey Schmid préférait un status quo. Les tensions au sein du FOMC, en charge de la politique monétaire, étaient évidentes dans les déclarations des membres de la Fed après la réunion de septembre. Les "faucons" de l'inflation s'inquiètent des baisses de taux alors que l'inflation reste un point au-dessus de la cible, tandis que d'autres s'inquiètent du ralentissement du marché du travail. Alors que le membre médian du FOMC avait prévu une baisse lors de chacune des trois dernières réunions de 2025 (il n'y a pas de réunion en novembre), le marché évalue désormais la probabilité d'une baisse en décembre à environ 66%, contre 100% avant la réunion de la semaine dernière.
L'un des obstacles à agir en décembre réside dans le manque de données dont dispose la Fed au moment de prendre une décision. Selon Powell, la Fed disposera d'une "image" de la situation, mais pas d'une "vision détaillée". Ainsi, si la question pour les membres les plus neutres du comité est de savoir si le marché du travail va continuer de s'affaiblir, et que les données suggèrent (sans nécessairement confirmer) une croissance de l'emploi lente mais pas faible, ou si l'incertitude autour des données reste élevée, la Fed pourrait bien décider de reporter une décision jusqu'à ce que cette incertitude se dissipe.
L'enjeu tient moins au rythme des baisses qu'à leur trajectoire. Le virage accommodant de septembre a été motivé par un ralentissement clair de la croissance de l'emploi dans les mois précédents, un phénomène qui ne montre pas encore de signes de retournement. Dans une certaine mesure, cela s'explique. Du côté de l'offre, la croissance de l'immigration a considérablement ralenti depuis l'élection de Donald Trump, ce qui a potentiellement fait chuter le taux de croissance des emplois nécessaires pour maintenir le taux de chômage stable, passant d'environ 150.000 par mois à environ 50.000 par mois. Du côté de la demande, des facteurs tels que l'incertitude commerciale et même l'IA (au moins au niveau des grandes entreprises) pèsent sur les décisions d'embauche des entreprises.
L'inflation, quant à elle, a récemment été inférieure aux attentes. Bien qu'il y ait clairement eu un impact des tarifs douaniers sur l'inflation des biens, cet impact a été moins important que prévu, et l'inflation des services (notamment dans le secteur du logement) a continué de diminuer. Powell a souligné lors de sa conférence de presse qu'en excluant l'impact des tarifs douaniers (que la Fed estime à environ 50-60 points de base), l'inflation est pas loin de leur objectif.
Nous pensons que cela maintient la Fed dans une posture accommodante à court terme, et nous penchons en faveur d'une baisse en décembre plutôt que d'une abstention. Nous nous attendons cependant à ce que le débat au sein du FOMC s'intensifie début 2026. Bien qu'il existe clairement des zones de faiblesse (subprimes, marché du travail, etc.), l'activité économique reste robuste et les dépenses globales solides. La croissance de l'emploi est lente mais les licenciements restent faibles. Et bien que l'inflation ait été meilleure que prévu, les entreprises, comme l'analyse de la Fed elle-même le suggère, n'ont jusqu'à présent répercuté que 35 % des tarifs douaniers sur les consommateurs.
Les marchés anticipent désormais un taux terminal américain autour de 3% dans ce cycle de baisse, soit environ 20 points de base de plus au cours des deux dernières semaines, ce qui est à peu près en ligne avec l'estimation médiane du taux neutre du FOMC. Cette anticipation nous paraît bien ancrée pour l'instant, en particulier compte tenu du manque de données, mais aussi parce que nous prévoyons que la croissance de l'emploi restera lente pendant un certain temps. Avec un rendement à 10 ans proche de 4 %, les obligations du Trésor américain semblent donc correctement évaluées, et le potentiel de hausse nous semble limité. Cependant, le débat parmi les membres du FOMC devrait toutefois se complexifier l'année prochaine, compte tenu des attentes de croissance plus forte et d'une inflation qui devrait encore être proche de 100 points de base au-dessus de l'objectif.
                                            
                                            
                                        
                                            
                                            
                                        
                                            
                                            
                                        
                                            
                                            
                                        
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