par Simon Jessop, Iain Withers et Saeed Azhar
Les banques américaines ont quitté tour à tour ces dernières semaines l'une des principales coalitions du secteur pour le climat, inquiétant des observateurs qui craignent que l'industrie ne limite ses efforts contre les énergies fossiles.
Goldman Sachs GS.N a le premier annoncé son départ de la Net-Zero Banking Alliance (NZBA), le 6 décembre, bientôt suivi par Wells Fargo WFC.N , Citi C.N , Bank of America BAC.N et Morgan Stanley MS.N . Parmi les plus grandes banques américaines, seule JPMorgan JPM.N demeure membre de l'alliance dont l'objectif est d'aligner les activités de financement avec des objectifs climatiques.
Les autres membres américains sont plus petits: Amalgamated Bank, Areti Bank et Climate First Bank.
Les banques ayant quitté l'alliance pourraient réduire leurs engagements en faveur du climat, s'inquiète Patrick McCully, analyste chez Reclaim Finance.
"Une révision à la baisse des objectifs déjà en place et des mesures déjà prises constitue le facteur clé à surveiller", indique l'analyste qui souligne que certaines banques ont des cibles de réduction de gaz à effet de serre ambitieuses. Tout changement ne serait toutefois pas annoncé, prévient-il.
Jeanne Martin, responsable chez ShareAction, explique que le départ de ces banques suggère au reste du secteur que les sujets de changement climatiques sont devenus encore moins importants pour eux.
"Cela est inquiétant car il s'agit des principaux financeurs du secteur des énergies fossiles", estime la responsable.
Un porte-parole de JPMorgan n'a pas voulu préciser si la banque comptait également quitter la NZBA mais a ajouté qu'elle évaluait régulièrement la pertinence de sa participation à ces groupes.
Si aucune banque n'a évoqué ce facteur, la campagne menée depuis deux ans contre l'investissement ESG a pu peser, des élus Républicains ayant accusé les membres de ces groupes d'intérêts de violer les réglementations anti-trust.
La victoire des Républicains au Sénat et au Congrès laisse présager d'une intensification de cette campagne, des investisseurs comme BlackRock BLK.N étant notamment poursuivis en justice pour leurs positions en faveur du climat.
Les banques n'ont pas donné de raisons précises pour justifier leur départ de la NZBA, rappelant plutôt qu'elles continueraient d'accompagner leurs clients dans leurs transitions vers une économie bas carbone.
L'analyse des commissions de syndication perçues en décembre réalisée par Anthropocene Fixed Income Institute (AFII) a montré que les revenus issus du secteur fossile était supérieur à celui des énergies vertes pour chacune des banques américaines ayant quitté la NZBA.
"La plupart des banques peuvent dire que rien n'a changé, puisqu'elles continuent de gagner plus d'argent grâce au secteur des énergies fossiles", souligne Ulf Erlandsson, chef exécutif de l'AFII.
Une étude de 2024, "Banking on Climate Chaos", suggère que les six plus grandes banques américaines figurent toutes parmi les 20 premiers financeurs mondiaux des entreprises de combustibles fossiles.
Malgré leur départ de la NZBA, les plus grandes banques américaines ont toutes pris des "engagements forts" pour le climat et les investisseurs continueront à faire pression pour obtenir davantage d'informations sur leurs efforts en la matière, nuance Mindy Lubber, directrice générale de Ceres.
"Ceres continuera à soutenir les banques dans la définition et la réalisation de leurs objectifs et dans la mise en œuvre de leurs plans de transition. Les banques jouent un rôle essentiel pour atteindre l'objectif net zéro et dans la création d'opportunités économiques liées à la transition".
La NZBA compte encore 142 membres issus de 44 pays, dont 80 banques européennes, et représentant 6.400 milliards de dollars d'actifs.
Un porte-parole de la NZBA n'était pas disponible dans l'immédiat pour un commentaire.
Le retrait des banques américaines offre une opportunité pour les banques désirant des objectifs plus ambitieux, estime Patrick McCully.
"Les banques européennes se sont plaintes de l'opposition des banques américaines à des lignes directrices de la NZBA plus strictes. Il est donc temps pour les Européens d'agir et de montrer qu'ils ne se servent pas de l'obstruction américaine comme excuse pour traîner les pieds", a-t-il écrit sur LinkedIn.
(Avec Lananh Nguyen et Tatiana Bautzer à New York ; version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)
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