par John Revill et Olivia Le Poidevin
Les industriels suisses ont prévenu vendredi que des dizaines de milliers d'emplois étaient menacés après que le président américain Donald Trump a imposé à la Suisse l'un des taux de droits de douane les plus élevés instaurés par sa présidence.
Le gouvernement suisse a indiqué qu'il déciderait de la suite à donner après l'annonce d'un droit de 39% sur les exportations helvétiques – plus du double du taux de 15% appliqué à la plupart des importations en provenance de l'Union européenne.
Ce taux, en hausse par rapport à une proposition initiale de 31% jugée "incompréhensible" par les autorités suisses, constitue un coup dur pour la petite nation alpine, dont les montres, bijoux et chocolats trouvent leur principal débouché aux États-Unis.
"Le choc est immense pour l'industrie exportatrice et pour tout le pays. Nous sommes vraiment stupéfaits", a déclaré Jean-Philippe Kohl, directeur adjoint de Swissmem, qui représente les secteurs de l'ingénierie mécanique et électrique.
La Maison blanche a expliqué sa décision vendredi par le refus de la Suisse de faire des "concessions significatives" en supprimant les barrières commerciales avec Washington.
"La Suisse, l'un des pays les plus riches et à plus haut revenu au monde, ne peut pas s'attendre à ce que les États-Unis tolèrent une relation commerciale déséquilibrée", a déclaré un responsable américain.
LA SUISSE DÉNONCE UN TARIF ARBITRAIRE
"Ces droits ne reposent sur aucune base rationnelle et sont totalement arbitraires. (...) Ils vont frapper durement l'industrie suisse, d'autant que nos concurrents de l'Union européenne, du Royaume-Uni et du Japon bénéficient de taux bien plus faibles", juge Philippe Kohl.
Le gouvernement a précisé rester en contact avec les autorités américaines et "continuer à oeuvrer pour une solution négociée". Le nouveau taux doit entrer en vigueur le 7 août. Une source suisse proche du dossier a indiqué que les discussions se poursuivaient.
"Nous ne sommes pas découragés et continuons à rechercher un accord dans l'intérêt des deux parties", a déclaré le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis lors d'un événement pour la fête nationale à Gersau.
Swissmechanic, qui représente les PME industrielles, a estimé que ce nouveau taux menaçait l'avenir de la Suisse en tant que place économique.
Le secteur pharmaceutique, qui comprend les géants Roche
ROG.S et Novartis NOVN.S , a toutefois été épargné. "Les autorités suisses comprennent que les droits ne devraient pas concerner le secteur pharmaceutique", a indiqué un porte-parole du ministère de l'Économie.
Ce secteur reste néanmoins sous pression de Washington pour réduire ses prix.
LA SUISSE PENSAIT AVOIR UN ACCORD-CADRE
"Il est crucial que la Suisse poursuive les négociations avec les États-Unis pour réduire les droits généraux et éviter des tarifs spécifiques sur les produits pharmaceutiques", a déclaré l'association Interpharma.
L'annonce de Trump diffère sensiblement d'un projet de déclaration conjointe approuvé par le gouvernement suisse le 4 juillet, après des discussions intensives avec Washington, a indiqué le ministère des Finances, sans en préciser le contenu.
Depuis cette date, les autorités suisses attendaient une validation de ce qui était perçu comme un cadre préliminaire d'accord, selon une source proche du dossier.
La ministre des Finances Karin Keller-Sutter et le ministre de l'Économie Guy Parmelin s'étaient rendus à Washington pour défendre la position suisse. La Suisse est le septième investisseur étranger aux États-Unis, avec plus de 300 milliards dollars (259,63 milliards d'euros) d'investissements directs soutenant environ un demi-million d'emplois américains.
Elle a exporté l'an dernier pour environ 65 milliards de francs suisses (69,85 milliards d'euros) vers les États-Unis, soit environ un sixième de ses exportations totales, dégageant un excédent commercial de près de 38,7 milliards de francs. En revanche, elle affichait un déficit de 20,4 milliards de francs dans les services.
Les États-Unis représentent également le premier marché étranger pour les montres suisses, avec 16,8% des exportations, soit 4,4 milliards de francs, selon la fédération horlogère.
(Olivia Le Poidevin à Genève et John Revill à Zurich; version française Nicolas Delame)
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