par Ann Saphir et Howard Schneider SAN FRANCISCO/WASHINGTON, 17 juin (Reuters) - La Réserve fédérale ne touchera sans doute pas à ses taux directeurs mercredi, au terme de sa réunion de politique monétaire, mais elle aura peut-être préparé le terrain en vue de le faire dans le courant de l'année. Elle publiera également ses nouvelles prévisions économiques, lesquelles devraient montrer au mieux dans quelle mesure la banque centrale a pris en compte le conflit commercial sino-américain, les pressions exercées par le président Donald Trump pour qu'elle baisse les taux et enfin des statistiques économiques en demi-teinte ces derniers temps. Enfin, le graphique "dot plot", résumant les projections des divers responsables de la Fed sur l'évolution du taux d'intervention (taux des Fed funds) d'ici la fin de l'année, devrait mettre en évidence que de plus en plus de banquiers centraux sont ouverts au principe d'une baisse des taux dans les prochains mois, mais sans atteindre l'ampleur que les marchés ou Trump appellent de leurs voeux. Un autre élément plaidant pour une baisse des taux serait que la Fed revienne sur sa promesse d'être "patiente" quant à l'usage des taux à venir; la plupart des intervenants s'y attendent, mais pas tous. Les risques augmentent peut-être mais "je ne crois pas qu'elle (la Fed) veuille se mettre le dos au mur", observe Carl Tannenbaum, chef économiste de Northern Trust. "Les marchés ont dans l'idée qu'il y aura une baisse des taux en juillet mais si ce n'est pas le cas, les conditions de financement vont se resserrer". L'institut d'émission a défini un objectif de 2,25% à 2,50% pour le taux des Fed funds. Le Federal Open Market Committee (Fomc) doit publier son communiqué ainsi que ses dernières prévisions économiques mercredi à 18h00 GMT, au terme d'une réunion de deux jours. Le président Jerome Powell tiendra une conférence de presse peu après. "MINIMISER LES 'DOTS'" Les projections économiques précédentes de la Fed révélaient que la plupart de ses membres ne voyait aucun besoin de modifier les taux cette année et qu'ils n'anticipaient que des relèvements très progressifs ensuite. (Pour un graphique sur l'écart existant entre les projections de la Fed et les anticipations des marchés: https://tmsnrt.rs/2WzJ6tu) Mais depuis lors, les perspectives économiques se sont assombries. Certes les derniers chiffres des ventes au détail ont été solides et le taux de chômage reste proche d'un plus bas d'un demi-siècle de 50 ans mais les Etats-Unis n'ont créé que 75.000 emplois en mai. Quant à l'inflation, qui, pour Powell, est faible en raison notamment de facteurs ponctuels, elle persiste à rester en deçà de l'objectif de 2% de la banque centrale. La Fed d'Atlanta prévoyait vendredi que le produit intérieur brut croîtrait de 2,1% en rythme annualisé au deuxième trimestre contre 3,1% au premier trimestre. Sans parler de l'intensification et de la multiplication des conflits commerciaux engagés par les Etats-Unis; les craintes qu'ils ne freinent sévèrement la croissance économique mondiale en général et celle des Etats-Unis en particulier expliquent en grande partie que les traders des futures de taux anticipent trois baisses des taux américains d'ici la fin de l'année. Répondre aux attentes des marchés impliquerait un changement de cap radical pour la Fed. Neuf des 17 banquiers centraux devraient revoir leurs projections de taux à la baisse pour que la moyenne reflète une baisse des taux, sans même parler d'aller jusqu'à trois. "Powell fera l'impossible pour minimiser les 'dots' surtout s'ils ne montrent pas ce que les marchés veulent qu'ils montrent", explique Roberto Perli, économiste de Cornerstone Macro. "Ca ne va pas être du gâteau". Un dernier élément plaiderait a priori pour une baisse des taux: l'inversion de la courbe sur certains segments du marché des Treasuries, habituellement considérée comme le signe précurseur d'une récession. LES CHIFFRES ÉVOLUENT VITE La majorité de la centaine d'économistes interrogés par Reuters du 7 au 12 juin ne prévoit pas de baisse des taux avant le troisième trimestre 2020. Mais les chiffres évoluent rapidement. Quatre d'entre eux anticipaient au moins une baisse des taux cette année contre huit seulement dans l'enquête précédente. Au sein même de la banque centrale, James Bullard, le président de la Fed de Saint-Louis, est le seul à avoir dit qu'une baisse de taux se justifierait peut-être "bientôt". Plusieurs autres ont laissé entendre qu'ils étaient prêts à sortir de leur position de veille depuis que Powell a déclaré ce mois-ci, à l'occasion d'une conférence à Chicago, que la banque centrale agirait de façon "appropriée" face aux risques induits par les conflits commerciaux et d'autres événements. Le mot "patient", employé régulièrement par la Fed depuis le début de l'année pour attester de sa volonté de ne plus remonter les taux pour le moment, ne figurait pas dans les propos tenus par Powell sans que ce dernier aille jusqu'à inciter ouvertement les marchés à penser qu'une détente des taux se préparait. Et il est probable qu'il en sera ainsi tant que la banque centrale ne se sentira pas prête à agir, de l'avis de Bruce Monrad, gérant de Northeast Investors Trust. Néanmoins, poursuit-il, la banque centrale a peut-être déjà les mains liées du fait qu'elle a laissé les anticipations des marchés dériver aussi loin. "Elle a eu six mois pour maîtriser le discours et elle n'a pas vraiment cherché à détromper le marché". (Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Marc Joanny)
La Fed résistera sans doute à la pression et gardera le statu quo
information fournie par Reuters 17/06/2019 à 08:59
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