Les mouvements financiers, parfois brutaux, qui accompagnent les turbulences politiques sont souvent momentanés, selon les experts.

( AFP / THEO ROUBY )
Pendant un temps, la crise sanitaire, la flambée de l'inflation ou les tensions internationales étaient au centre des préoccupations des investisseurs. Mais en 2024, c'est bien les enjeux politiques qui ont sont revenus sur le devant de la scène, avec leur lot de secousses, qui font parfois plus de peur que de mal.
Les investisseurs étaient prévenus, avec la moitié de la population mondiale appelée aux urnes en 2024, l'année serait rythmée par les élections. Et le calendrier s'est même encore plus chargé : outre notamment Taïwan, la Russie, l'Inde, l'Union européenne déjà passée et l'élection présidentielle américaine , en novembre mais bien présente dans les têtes des gérants, se sont ajoutées les élections législatives au Royaume-Uni et en France .
La dissolution de l'Assemblée nationale française a pris par surprise le monde financier, qui avait survolé l'élection présidentielle de 2022 en raison de l'avance dans les sondages du sortant Emmanuel Macron. "Les investisseurs n'anticipent que très rarement le risque politique et réagissent plutôt a posteriori" , observe Olivier Raingeard, directeur des investissements de Neuflize OBC.
Et les mouvements sont brutaux : en France, le CAC 40, indice phare de la Bourse de Paris, a subi sa pire semaine en deux ans et l'écart avec le taux d'intérêt de l'Allemagne, mesurant la prime de risque que les investisseurs demandent pour prêter à la France, a atteint son plus haut niveau depuis la crise de la zone euro.
L'impact de l'élection française se voit d'abord sur les taux d'intérêt, confirme Céline Weill-Alliel, gérante chez Uzes gestion. "Les investisseurs ont besoin de se rassurer et d'appréhender la politique budgétaire."
"On commence à nous comparer avec l'Espagne ou le Portugal"
"Avant, on était les derniers de la première catégorie, celle de l'Allemagne. Maintenant, on commence à nous comparer avec l'Espagne ou le Portugal", déplore Stanislas de Bailliencourt, gérant obligataire pour le gestionnaire d'actifs Sycomore AM.
En Inde, après les premiers signes tangibles de la perte de la majorité absolue du parti au pouvoir, le 4 juin, l'indice Nifty 50 a chuté de 5,93%, sa pire séance depuis mars 2020, et le Bombay Stock Exchange (BSE) de 6,14%. Des entreprises liées à des proches du Premier ministre Narendra Modi, comme celle du conglomérat Adani, ont perdu plus de 20%.
"Par nature, la politique est un risque qui est difficilement appréhendé et donc qui se traduit par une hausse de l'incertitude et de la volatilité" , décrit Michael Nizard, directeur de la gestion multi-actifs chez Edmond de Rothschild AM. Il explique que les investisseurs s'intéressent dans un premier temps aux programmes des forces politiques en présence, puis aux sondages sur les intentions de vote, avant de "recalibrer" leurs positionnements de marché.
À ses yeux, la perturbation des marchés que crée un risque géopolitique comme le déclenchement d'une guerre est plus importante que celle liée à un évènement politique comme une élection : car dans le premier cas, "on ne sait pas à quel moment il va apparaître et on ne connaît pas la sévérité de son mouvement", explique Michael Nizard.
Impact peu durable
Quant à deviner les résultats, les investisseurs "sont généralement mauvais . Et même s'ils arrivent à trouver l'issue du scrutin, très souvent ils se sont trompés sur la réaction des marchés", détaille Cyril Charlot, associé de Sycomore AM. L'exemple qui revient souvent est celui du vote en faveur du Brexit, en juin 2016. L'indice phare de la Bourse de Londres, le FTSE 100, avait chuté de près de 6% lors des deux séances ayant suivi le vote... pour rebondir de 10% lors des quatre suivantes.
La Bourse de Londres réussit toutefois de moins bonnes performances que ses homologues sur le continent depuis l'annonce du Brexit.
Le Nifty 50 indien a aussi comblé en à peine trois séances toutes ses pertes du 4 juin, et a depuis continué de battre ses records, comme régulièrement depuis plus d'un an.
Les grandes entreprises "sont mondialisées et capables de faire face à des résultats négatifs" dans un pays, poursuit Cyril Charlot, pour qui les élections sont même "historiquement davantage un point d'entrée que de sortie" du marché pour les investisseurs.
Les mouvements post-élection "sont plus momentanés que durables", abonde aussi Céline Weill-Alliel.
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