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Exacompta Clairefontaine : l'industrie, l'industrie, l'industrie
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 13/06/2019 à 13:50

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Crédit :Groupe Exacompta Clairefontaine

Crédit :Groupe Exacompta Clairefontaine

Aussi curieux que cela puisse paraître, on constate à l'usage que l'industrie en général souffre plutôt d'un net déficit d'image dans les grands médias, puisqu'elle attire surtout l'attention quand elle pollue et quand elle perd des emplois.

De même, la production industrielle en elle-même semble considérée comme un mal nécessaire, et quelque chose de fondamentalement peu glamour, et ses métiers sont assez peu valorisés dans l'inconscient collectif : pourquoi œuvrer dans un environnement supposé bruyant et salissant, alors qu'il y a toutes sortes d'activités plus agréables, voire plus rémunératrices aussi, ailleurs dans le tertiaire, le commerce, les services, le culturel, la mode, la communication, etc… Et pourquoi se fourvoyer dans des métiers où les emplois seront inéluctablement détruits par les robots ? Sans parler des usines qui sont dans la campagne loin de Paris, et qui ferment brutalement de temps à autre, la faute à l'économie, à la crise, ou aux Chinois. Bref… : l'industrie, c'est mal, en quelque sorte.

Ce à quoi on peut répondre que c'est d'abord avec l'industrie que l'on crée la richesse : il faut bien fabriquer les choses avant de les vendre, et qu'il est donc bon pour un pays d'en avoir le plus possible. De fait, des petits pays sans grandes ressources naturelles comme la Suisse ou la Suède sont devenus des pays riches grâce à elle. Des pays où la proportion d'emplois industriels est aujourd'hui plus élevée que chez nous, dans des usines qui utilisent pourtant bien plus de robots que chez nous aussi. Et (pour bien enfoncer le clou) où le chômage est aussi nettement moins problématique que chez nous, il faut le dire.

De belles industries françaises

Nonobstant ce quasi-dédain dans l'opinion publique pour ces métiers, il y a quand même de belles industries dans notre beau pays, dont deux au moins : l'aéronautique et la chimie, servent des marchés porteurs et se développent, exportent et créent des emplois. Et il y a aussi de belles sociétés industrielles dans des secteurs plus difficiles comme, par exemple, les équipements automobiles, les matériaux de construction, l'électrotechnique, et le ferroviaire.

Il en va de même dans le papier à utilisation professionnelle, qui est un marché en déclin structurel de -2 à -3% par an, la faute à internet et à la révolution digitale cette fois-ci, puisque l'on imprime de moins en moins (y compris dans la presse), on poste moins de lettres, et on n'écrit plus dans son agenda papier, lequel est maintenant logé dans un smartphone : ce secteur a connu très récemment une vraie catastrophe avec la liquidation de Sequana, ex-Arjomari et un des plus grands acteurs européens, mais d'autres sociétés semblent mieux résister, peut-être parce qu'elles sont là depuis très longtemps, et sont gérées avec une rigueur hors-norme parce que sociétés familiales. C'est notamment le cas du normand Hamelin, avec des produits de papeterie sous marques Oxford, Conquérant, Unilux, Scribzee etc… et aussi et surtout du vosgien Exacompta-Clairefontaine (qui a déjà pour qualité première d'être un acteur coté sur Euronext), avec des marques comme Quo Vadis, Rhodia, Exaclair, pour ne citer que les plus connues, en plus de ses deux marques éponymes.

Un chiffre d'affaires de 603 millions en 2018

Exacompta-Clairefontaine est une belle ETI en fait, avec un chiffre d'affaires 2018 de 603 millions d'euros et plus de 3 000 salariés. Une ETI relativement intégrée aussi, avec trois usines qui fabriquent des ramettes de papier d'impression-écriture à partir de pâte à papier ou de papier recyclé et 25 usines/ateliers qui façonnent toutes sortes d'articles de papeterie : articles de bureaux et de classement, papiers pour loisirs créatifs/Arts Graphiques, papier à lettres haute de gamme, agendas, blocs et cahiers, papiers d'emballages et nappes de restaurant, etc… auxquels il faut ajouter les albums photos de Photoweb et LalaLab, deux sociétés acquises récemment.

Selon sa direction, si Exacompta-Clairefontaine est encore là après 160 ans d'existence sur ce marché peu porteur, et dans un métier à marge opérationnelle structurellement faible (de 2,5% à 3,8% ces dernières années), c'est pour plusieurs bonnes raisons :

  1. En investissant bon an mal an 5% du chiffre d'affaires, soit 30 millions d'euros en moyenne, dans les équipements pour suivre les évolutions technologiques de la production et la distribution,
  2. En retenant les talents avec des salaires meilleurs que la moyenne, et en dépensant plus que les autres, soit 3% c. 1% en moyenne de la masse salariale, en formations,
  3. En se positionnant résolument sur la qualité et sur des marques fortes : un atout important pour négocier avec les distributeurs, qui se sont beaucoup concentrés ces dernières années, avec à présent guère plus qu'une dizaine de fournituristes d'entreprises, et cinq enseignes en grande distribution,
  4. En investissant beaucoup aussi dans des plates-formes logistiques très informatisées pour livrer ces gros clients en J+1,
  5. En mettant en réserve les ¾ des résultats consolidés pour avoir un bilan et des fonds propres solides pour bien négocier avec les banques, et ne se financer qu'à long terme, et enfin,
  6. En restant solidaire et réactif, avec des dirigeants familiaux et pas d'intérêts minoritaires (ou le moins longtemps possible) dans les filiales, et des décisions toujours prises dans une optique de long-terme.

Que dire de plus ? sinon que le groupe est un consolidateur de son secteur, et qu'il a grandi en bonne partie par acquisitions, avec là aussi une optique très long-termiste : pratiquement jamais de fermetures de sites, et peu de rationalisations (peu ou pas de raisonnements comptables ou financiers ?), mais spécialisation des usines, qui alimentent les plates-formes logistiques spécialisées elles aussi.

Exacompta-Clairefontaine vient de fait de racheter deux sociétés : Biella, qui est l'Exacompta suisse, avec son produit phare : le classeur fédéral Biella, qui est "le symbole du sens de l'ordre helvétique", ainsi que Eurowrap, une société danoise deuxième producteur européen de papier d'emballages cadeaux, avec tout ce qui va avec (rubans, autocollants, etc…).

Un marge sensible au prix de la pâte à papier

Toutefois, si le modèle d'affaire a beaucoup de points forts, il a aussi un point faible : une sensibilité non-négligeable de la marge opérationnelle au prix de la pâte à papier. Laquelle est achetée en dollar US à des prix internationaux qui fluctuent un peu beaucoup quelque fois, avec un impact fort sur le coût de production de la ramette de papier, qui contribue pour environ 40% du chiffre d'affaires du groupe.

Ce qui explique l'essentiel du recul un peu douloureux, soit -1,3 point, de la marge opérationnelle en 2018, revenue à 2,5% après 3,8% en 2017. Un problème que n'ont pas a priori des concurrents comme Navigator, UPM Kymmene, ou International Paper, qui fabriquent eux-mêmes leur pâte. Mais la société compense en partie ce désavantage compétitif en fabricant de plus en plus de ramettes à base de papier recyclé, ce qui répond de plus à une demande forte des grands groupes et des grandes administrations qui se veulent de plus en plus éco-compatibles.

Personne n'est parfait, c'est bien connu, même dans l'industrie. Mais quand même !

Jérôme Lieury - Analyste Senior - Olier Etudes & Recherche - Membre du Cercle des Analystes Indépendants – www.olier-etudes-recherche.fr

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