
L'illustration montre le logo de la Securities and Exchange Commission des États-Unis et le drapeau américain
par Anirban Sen et Chris Prentice
Les opérateurs boursiers américains discutent avec la Securities and Exchanges Commission (SEC), le gendarme des marchés financiers, en vue d'un allègement des contraintes réglementaires qui pèsent sur les sociétés cotées, afin d'encourager davantage de start-ups à entrer sur le marché, a appris Reuters de quatre sources informées du dossier.
Ces discussions, dont les détails sont rapportés pour la première fois, impliquent la SEC, le Nasdaq et le New York Stock Exchange. Elles portent sur diverses réformes, allant d'une réduction du volume des informations à fournir, en passant par une baisse des coûts d'une introduction en Bourse (IPO), et à une diminution du pouvoir de nuisance des investisseurs minoritaires, ont précisé les sources sous couvert d'anonymat.
D'après les sources, les discussions actuelles, entamées il y a plusieurs mois, s'inscrivent dans un contexte marqué par la volonté de l'administration du président Donald Trump d'assouplir la réglementation en général afin de stimuler la croissance économique du pays.
Dans l'ensemble, certains experts du marché ont déclaré que ces discussions pourraient marquer l'initiative la plus importante en vue d'une réforme de la réglementation des entreprises depuis la promulgation en 2012 par l'ancien président américain, Barack Obama, de la loi "Jumpstart Our Business Startups Act".
"Les chiffres montrent clairement que les entreprises restent non cotées plus longtemps", relève auprès de Reuters Nelson Griggs, président du Nasdaq. Selon lui, l'opérateur boursier a discuté avec les autorités de régulation à Washington d'un renforcement de l'attractivité des marchés financiers.
"Nous devons rendre les marchés publics attrayants, car c'est ainsi que l'on en démocratise l'accès pour ces entreprises. C'est donc l'un de nos principaux objectifs", a-t-il dit. Le Nasdaq a publiquement plaidé en faveur d'un allègement des frais avec notamment une modernisation du processus de dépôt des documents exigés par la SEC.
Dans un communiqué adressé à Reuters, Jaime Klima, directrice juridique de NYSE Group, assure que l'opérateur boursier "continuera à défendre les intérêts de nos sociétés cotées auprès des régulateurs et des décideurs politiques"
"Nous croyons fermement qu'une réglementation efficace et efficiente est essentielle pour maintenir l'attrait de nos marchés", a-t-elle dit, sans détailler l'objet des discussions en cours.
La SEC, présidée par Paul Atkins, a dit oeuvrer à un assouplissement des règles susceptibles d'entraver la croissance du capital social.
"La SEC envisage d'alléger les contraintes réglementaires qui entravent la formation de capital, notamment en veillant à ce que les entreprises aient de nouveau envie de faire une première offre publique", a déclaré un porte-parole de l'agence réglementation et de contrôle des marchés financiers.
La SEC n'a pas souhaité commenter les discussions spécifiques en cours qu'elle a eues avec les Bourses et d'autres parties prenantes.
Toutefois, selon des experts, l'assouplissement des règles relatives aux obligations d'information et la réduction des coûts liés aux IPO ou à une cotation se font souvent au détriment des investisseurs, qui pourraient se retrouver face à un risque de perte accru en l'absence de peu ou prou de réglementation.
"Historiquement, les investisseurs et les émetteurs ont toujours considéré les marchés financiers américains comme les meilleurs au monde. C'est à cause du système réglementaire", explique Jill Fisch, professeur de droit des affaires à l'université de Pennsylvanie. "Cela est dû au fait que si l'information est complète, les marchés fonctionnent mieux. Le prix des titres est plus précis. C'est bon pour tout le monde", a-t-il argumenté.
RECUL DE LA RÉGLEMENTATION
Selon les sources, les discussions se concentrent sur les règles qui rendent plus difficile la cotation des entreprises et leur maintien en Bourse.
L'un des points à l'ordre du jour est la révision des procédures actuelles de vote par procuration, c'est-à-dire les informations que les entreprises doivent fournir aux actionnaires pour leur permettre de voter sur diverses questions.
Une réforme de ce point rendrait la tâche plus difficile pour les investisseurs activistes minoritaires et pourrait permettre de réduire les coûts dans les procédures préliminaires de dépôts des dossiers auprès de la SEC, ont indiqué les sources. La cotation des entreprises et leur maintien en Bourse seraient aussi moins onéreux, selon les sources.
Les discussions ont également porté sur la possibilité de faciliter la levée de capitaux pour les entreprises qui sont entrées en Bourse via un SPAC, un véhicule d'investissement, ont précisé les sources, alors que ces dernières années, la SEC a pris des mesures sévères à l'encontre des SPAC.
Dans le cadre de la réforme envisagée, les entreprises cotées pourraient également lever plus facilement des capitaux en cédant des actions supplémentaires via une offre de suivi ("follow-on offering"), ont indiqué les sources.
DIMINUTION DU NOMBRE D'ENTREPRISES COTÉES
Depuis 2000, le nombre d'entreprises publiques cotées en Bourse aux Etats-Unis a diminué de 36%, à 4.500, selon les chiffres compilés par le Nasdaq.
Plusieurs dirigeants de sociétés à Wall Street, comme Jamie Dimon, le directeur général de JPMorgan Chase, et Ken Griffin, le fondateur de Citadel Securities, ont mis en garde contre l'accroissement des règles et la diminution du nombre d'entreprises cotées.
Certaines entreprises ont choisi de rester à l'écart des IPO, dénonçant notamment un coût élevé en matière d'obligations d'information et un examen réglementaire supplémentaire, ont fait savoir deux sources, citant SpaceX d'Elon Musk comme étant l'une d'entre elles. Sollicité, SpaceX n'a pas répondu dans l'immédiat à une demande de commentaires.
Même avec un allègement des contraintes réglementaires, le changement pourrait être long à se manifester.
"Est-ce que je pense qu'il va y avoir une ruée vers les introductions en Bourse à cause de la réglementation (de la SEC) ? Probablement pas", a déclaré Dave Peinsipp, co-président du cabinet d'avocats Cooley. Il a ajouté que cela dépendrait fortement des rendements et des valorisations que les entreprises peuvent espérer.
(Reportage Anirban Sen à New York; avec la contribution de Chris Prentice et Krystal Hu; version française Claude Chendjou, édité par Augustin Turpin)
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