Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Plus de 40 000 produits accessibles à 0€ de frais de courtage
Découvrir Boursomarkets
Fermer

Delfingen Industry : plutôt bien armée pour la reprise, a priori
information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 16/04/2020 à 09:50

Jérôme Lieury
Jérôme Lieury

Jérôme Lieury

Olier Etudes & Recherches

Analyste financier, membre du Cercle des analystes

https://www.olier-etudes-recherche.fr/

Les prévisions ne sont que des prévisions Tenons-nous le pour dit : une prévision est toujours fausse. Mais tout ce qui compte, c'est qu'elle ressemble à quelque chose, et qu'elle dessine un avenir possible, voire probable. Ce qui est relativement facile à faire pour les résultats à venir d'une société cotée, une fois que l'on a pris la peine de retraiter/simplifier les comptes d'exploitations des derniers exercices, et donc construit en quelques sortes un modèle que l'on peut extrapoler un tant soit peu. Surtout après que la direction de ladite société ait communiqué au marché en général et aux analystes en particulier des objectifs pour l'année en cours pour le chiffre d'affaire, les marges, etc..., bref, donné une "guidance", laquelle sera éventuellement revue ensuite à la faveur d'évènements divers et variés.

Ceci pour la plus grande joie des analystes, qui pourront ainsi bricoler leurs prévisions à loisir, réviser leurs estimations de résultats par action en hausse ou en baisse, et revoir leurs conseils en conséquence. Puisque l'investisseur, qui les écoute très attentivement, achète un potentiel quand il investit dans une société, et achète donc un futur plus ou moins proche et plus ou moins réalisable. Et plus ou moins bien valorisé, bien entendu.

Pour être plus crédible encore, la prévision "micro" pour une société doit s'inscrire dans une prévision "macro" plus large : un scénario économique qui doit dessiner quant à lui l'environnement dans lequel la société va évoluer cette année et l'année prochaine aussi. Etant entendu que le cycle, aussi imprévisible qu'il soit, influe plus ou moins sur l'activité et les résultats d'une société, et qu'il y a des secteurs plus sensibles au cycle que d'autres : l'automobile, par exemple, a tendance à aller bien quand tout va bien, et à accuser le coup quand la conjoncture se dégrade. Il y a donc, sur les marchés et dans des institutions respectables comme l'OCDE, le FMI, l'Insee et bien d'autres, beaucoup de stratégistes, d'économistes, etc... qui élaborent en permanence des prévisions sur la conjoncture. Et qui les revoient aussi en hausse ou en baisse assez souvent il faut le dire. Et souvent sans crier gare, sinon à quoi bon.

Les choses étant ce qu'elles sont depuis mi-mars 2020, et sans revenir sur le détail de ces évènements fâcheux, on assiste à un phénomène intéressant : confrontées pour la plupart à de fortes chutes de leur activité, et à une très forte incertitude quant à la durée de cette crise, les sociétés renoncent les unes après les autres à donner des "guidances" au marché. De fait, l'urgence est ailleurs, et sur des sujets nettement moins futiles, comme protéger la santé des salariés contre la contagion, préserver les emplois avant tout, et tenir le choc financièrement.

La dictature du court terme plus forte que jamais

Ce qui fait que les analystes sont livrés à eux-mêmes en quelque sorte et, les cours et les valorisations boursières des sociétés ayant fortement baissé, revoient drastiquement aussi leurs estimations vers le bas : la prévision d'évolution des bénéfices en masse des valeurs composant l'indice européen Stoxx 600 est aux dernières nouvelles de -30% d'une année sur l'autre pour le deuxième trimestre 2020 contre -20% il y a une semaine. Bref : ils y vont fort, ce qui n'a rien de rassurant en soi, mais I) les marchés passent d'un excès à l'autre, c'est bien connu, et, II) si la dictature du court-terme est plus forte que jamais, c'est assez compréhensible finalement dans un marché baissier, et toujours au bord du sauve qui peut.

Les prévisions "macro" ne valent pas mieux, d'ailleurs : il en tombe de partout tous les jours dans les médias, avec des chiffres plutôt disparates, notamment sur l'ampleur de la récession en cours et à venir mesurée en points de PIB. Et avec apparemment une vraie surenchère entre cénacles d'économistes où on aime bien apparemment les catastrophes, sans parler des polémiques savantes sur la forme de la reprise, qui doit se faire en V, en L, en U, voire en W pour les prévisionnistes les plus farceurs. Puisque la seule chose dont on puisse être sûr, c'est que personne n'en sait rien, parce qu'on ne sait déjà pas combien de temps peut durer le Grand Confinement dans chaque pays.

Delfingen : ETI industrielle très centrée sur le secteur auto

Voilà pour les prévisions, qui sont donc vraisemblablement à prendre avec des pincettes encore plus que d'habitude puisque l'incertitude est trop forte en ce moment. Que nous reste-t-il alors pour nous forger une conviction ? Tout simplement ce que communiquent encore les directions des sociétés à défaut de "guidance", et une fois les questions de la protection contre le virus et de l'organisation du travail en temps de crise traitées, sur a) les financements, les liquidités en caisse, et la relation avec les banques, b) le redémarrage graduel quand c'est possible, et, surtout, c) la préparation de la reprise. Qui arrivera bien un jour.
Delfingen : pas de visibilité pour le moment, mais pas trop d'inquiétude pour la suite

Un bon exemple, éventuellement, étant Delfingen (ALDEL ; 13,60€), une pure ETI industrielle très centrée sur le secteur automobile, lequel contribue pour plus de 80% de son activité, ce qui n'est pas un bon point en ce moment : la société conçoit et fabrique avant des solutions de protection pour les réseaux électriques et de fluides embarqués, autrement dit des gaines en plastique ou en tissus techniques pour câblages, et des tubes pour les circuits d'eau, air, essence, huile, lavage, etc...qui équipent nos voitures. Delfingen est aussi globale malgré sa taille limitée, ce qui peut ne pas aider non plus par les temps qui courent : un chiffre d'affaires de 230 millions d'euros en 2019 avec 3 000 salariés, mais 26 usines et 9 centres de R&D implantés en Europe (28% du chiffre d'affaires), Amérique du Nord (41%) et Asie (Chine, Inde, Corée, Philippines).

Bien armé pour traverser cette période néfaste

Mais voilà : avec seulement trois sites en activité normale depuis un mois, et une anticipation de baisse d'activité de -25% ces prochains mois, la direction familiale de la société, qui a communiqué très récemment à l'occasion de la publication des résultats 2019, ne se déclare pas vraiment inquiète pour la suite. Ce qui peut contraster éventuellement avec les pronostics des analystes sur le secteur automobile, sans parler de l'ambiance de fin du monde qui règne chez les économistes. Une confiance relative qui s'appuie sur un certain nombre de faits positifs, puisque même si le monde a changé (une fois de plus), Delfingen semble assez bien armé pour traverser cette conjoncture néfaste :

I) grâce à la qualité de ses produits, sa capacité d'innovation et sa capacité à servir vite ses grands clients équipementiers fournisseurs Tier One des constructeurs automobiles, la société a fait une belle année 2019, soit une croissance organique de +6,3% pour un marché automobile mondial en baisse de près de -6%, une croissance tirée par le succès de ses produits textiles et transferts de fluide, avec une bonne marge résultat opérationnel/chiffre d'affaires (6,6%) et une bonne génération de trésorerie libre, soit éventuellement de quoi bien résister dans un marché déprimé. Ceci alors que de plus 20% de l'activité se fait dans des spécialités hors automobile : toujours dans les gainages de protection, mais pour l'industrie, et aussi dans les sangles et harnais en tissus à haute résistance pour équipements de sécurité.

II) l'outil industriel est très standardisé et optimisé en permanence, le réseau d'usines géré en temps réel à partir du siège d'Anteuil (Doubs) avec un système d'information sophistiqué développé en interne qui permet notamment un reporting journalier des données de production, des ventes, et de la trésorerie de chaque entité.

III) Delfingen soigne ses salariés en développant une culture d'entreprise forte qui met en avant la liberté d'initiative des collaborateurs, s'appuie sur une charte du travail décent, et une fondation : "rien ne se fait sans eux" et "c'est le moteur humain qui fait Delfingen" selon la direction, qui fait tout pour que tout le monde soit là pour la reprise.

IV) le futur est déjà là, et il semble très prometteur pour la société : parce que les volumes de production de voitures électriques ou hybrides doivent progresser rapidement ces prochaines années, avec non seulement toujours autant de câbles et de conduits, mais aussi de nouveaux besoins, comme les protections de câbles électriques pour les circuits à hauts voltages.

Quatre axes de développement stratégiques

Delfingen s'est donné quatre axes de développement stratégique : I) l'Asie, où est toujours la croissance à venir du marché automobile, II) l'Allemagne, où se concentrent les constructeurs "premium", III) les gaines textiles, qui combinent les savoir-faire du groupe en tubes et en tissage du métal ou du plastique, et IV) les tubes "techniques" pour transfert de fluides, soit les produits dédiés à un modèle ou une plate-forme, et conçus par les ingénieurs de la société, et qui différencient de la concurrence.

Des points négatifs ? Le bilan : Delfingen est éventuellement un peu trop endetté pour passer ce cap difficile en toute sérénité, avec un ratio dette nette / fonds propres (un ratio plus pertinent pour le candidat actionnaire que dette nette / Ebitda, qui est quant à lui plus pertinent pour le candidat créancier obligataire) de 68%, ce qui est un peu beaucoup a priori, même si en nette amélioration sur un an, alors que la société avait relativement peu de cash en caisse à fin décembre.

Ce ratio de 68% devenant 91% qui plus est, ce qui est presque trop, si on compte en plus l'endettement créé par l'application de la norme IFRS16 dans les comptes 2019, endettement qui n'est toutefois dû à personne, et ne sera donc jamais à rembourser. Cette nouvelle norme créant, rappelons-le, un actif de location fictif (pour valoriser les baux de location, qui étaient auparavant des engagements hors bilan), une dette financière fictive au passif du bilan, et un amortissement fictif (lequel a l'immense mérite de gonfler l'Ebitda), et qui rend donc les comptes consolidés encore moins lisibles du point de vue du financement. Ce qui peut paraître paradoxal, et n'aide pas vraiment, voire pas du tout, dans les circonstances actuelles.

Ceci étant, on l'a dit, le monde a changé : tout est mis présentement en oeuvre par les gouvernements, les autorités monétaires, et, in fine, les banques, pour que les sociétés puissent sortir sans trop de difficultés financières, et sans être affaiblies pour la suite, de ce ou ces trimestres de sous-activité forcée.

Ce qui les rend éventuellement presque sans risque, même si elles n'ont plus de guidance, pour quelques temps: un autre phénomène plutôt intéressant, même si on ne peut plus rien prévoir ?

Valeurs associées

Euronext Paris 0.00%

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer

Mes listes

Cette liste ne contient aucune valeur.