
carrefour
Carrefour est resté complètement délaissé du 8 au 11 mars, affichant une performance de +0,15% quand le CAC40 s'envolait de +3,3% sur les 4 premières séances de la semaine, celle de vendredi s'est soldée par un rattrapage partiel de +2,1%.
C'était encore plus décevant pour Casino qui perdait 0,15% en 4 séances, avant de bondir de +3,55% vendredi, affichant un score de parité avec le CAC en « hebdo ».
Les deux géants de la distribution ne font toujours pas partie de la liste des valeurs « en retard » ou qui bénéficient de la rotation sectorielle en faveur des titres value (mouvement amorcé mi-février), c'est particulièrement vrai pour Carrefour qui reste littéralement à l'arrêt (entre 14 et 14 E) depuis déjà plus de 7 semaines.
Si les deux titres ont semblé se réveiller -sur le tard- vendredi, c'est uniquement parce que les spéculations sur une fusion entre les deux groupes ont ressurgi... une fois de plus.
Elles furent à l'origine de la dernière grande envolée de Casino à la fin de l'été 2019 (environ +40% du 5 août au 22 septembre) tandis que Carrefour, l'acquéreur potentiel, restait ancré vers 15 E (déjà) dans l'intervalle.
Des pourparlers en vue d'une fusion entre les deux distributeurs avaient également échoué l'année dernière, alors que Casino était plombé par sa dette (notamment Rallye, son actionnaire majoritaire) et les spéculations ont ressurgi le 18 janvier dernier (le jour où le gouvernement avait opposé son veto au rachat par le géant canadien « Couche-Tard ») suite à des extrapolations d'analystes convaincus que Carrefour allait continuer de faire bouger les lignes.
Elles ne cessent de bouger avec la sortie de Chine en juin 2019 (cession de 210 hypermarchés à Suning pour l'équivalent de 1,4 million d'euros) et le redéploiement au Brésil (un quart du chiffre d'affaires, 40% du résultat) ou en Espagne.
En novembre 2020, Carrefour s'est renforcé sur le "bio" avec le rachat des 107 points de vente de Bio C'Bon (pour 60 millions d'euros, plus 40 millions d'investissements de rénovation) avant de présenter des résultats meilleurs qu'attendu au 4ème trimestre 2020, réalisant même sa meilleure progression de ventes "depuis au moins 20 ans" selon son PDG Alexandre Bompard qui appelait dans la foulée à la consolidation du secteur.
Une fusion avec Casino verrait émerger un leader en France et au Brésil, ce qui reste vrai depuis les premiers pourparlers allant dans ce sens et qui remontent à... 2011.
Qu'est-ce qui pourrait débloquer la situation après 10 ans ?
Si l'on remonte à 2018, toutes les études publiées à chaque rumeur de rapprochement jugeaient l'opération avantageuse pour les actionnaires de Casino. Et c'est exactement le même sentiment qui a soutenu les cours de Casino depuis le 25 janvier, avec une surperformance de +7% face à Carrefour.
En ce qui concerne les synergies, les trimestres passent et les termes de l'équation n'évoluent guère : selon la dernière étude de Barclays, les économies potentielles engendrées par la combinaison des réseaux de Carrefour et de Casino s'élèveraient de 0,7 à 1,1% du chiffre d'affaires du nouvel ensemble : ce serait inférieur aux synergies dégagées lors de la fusion d'Ahold et Delhaize (1,2% du total des ventes), sans parler de l'incertitude concernant l'ampleur des cessions de super et d'hypermarchés non seulement en France mais au Brésil.
Barclays précise qu'un nouveau groupe Carrefour-Casino aurait une part de marché de 30% en France (ce qui lui conférerait une solide position de N°1) et d'environ 50% au Brésil, une situation qui serait complètement inenvisageable en France où aucune entité étrangère ne pourrait contrôler à elle seule la moitié du secteur de la distribution.
Si l'aspect « politique » du dossier pouvait être écarté au Brésil, Barclays ferait confiance à Alexandre Bompard qui a assuré le succès de la fusion Fnac-Darty en juillet 2016, avant de prendre la direction de Carrefour un an plus tard et de mettre rapidement en place un plan de réduction des coûts puis un redéploiement stratégique vers le « bio » (avec pour ambition de multiplier le chiffre d'affaires par 5) et le commerce alimentaire en ligne (2,8 milliards d'euros d'investissements en cinq ans, soit une multiplication par six, réorientation marketing vers le numérique qui passerait de 8% à 50% des budgets).
Car c'est Casino qui a pris l'avantage sur le « frais » en région parisienne depuis bientôt trois ans à travers sa filiale Monoprix dont les ventes de produits alimentaires livrables en 2 heures se sont envolées grâce au partenariat avec Amazon Prime Now (la croissance des ventes s'est avérée 3 fois supérieure à celle du marché durant la pandémie).
Et c'est là que l'avis de Barclays tranche avec pratiquement tous les « papiers » publiés depuis trois ans concernant une fusion : « Carrefour a plus à gagner d'un tel deal que Casino, même si cela perturberait la perception du dossier par les investisseurs »...
Une perception largement troublée par l'endettement de Casino qui n'a que peu baissé en 2020, de 4,1MdsE vers 3,9MdsE (la perte affichée l'an passé est surtout imputable à la dépréciation d'actifs dans la foulée de la cession de Leader Price à Aldi, vendu pour 648MnsE).
Casino a cédé pour 2,8MdsE depuis juillet 2018 alors que son objectif de cession était de 4,5MdsE à l'horizon mars 2021 : le Covid a naturellement bouleversé la donne mais Jean-Charles Naouri réaffirme sa confiance d'atteindre ce montant de cessions, les actifs concernés étant désormais « tous rentables ou très rentables ».
S'il est un domaine sur lequel Jean-Charles Naouri et Alexandre Bompard sont en phase, c'est sur le développement de l'e-commerce» alimentaire, du « click and collect » et des livraisons à domicile.
Le patron de Casino poursuit également le virage amorcé vers la « proximité » avec l'ouverture de 300 magasins en zone urbaine, périurbaine et rurale dès cette année... ce qui était le point fort de Leader Price.
Mais dans un contexte où les gérants semblent se lancer dans une chasse aux titres "décotés" et davantage accorder d'importance au cours algébriques des titres qu'aux problématiques d'endettement (qui se résoudront avec la reprise post-Covid puisque les taux vont rester nuls encore 3 ou 4 ans), le titre Casino affiche 40% de repli par rapport au 13 mars 2019 tandis que Carrefour n'est qu'à 6% de ses cours à la même date : cela représente un potentiel de +68% pour Casino contre +10% pour Carrefour.
Comme il ne semble y avoir aucune urgence vitale à marier Carrefour et Casino dans les plus brefs délais, la chasse à la décote devrait pencher en faveur de Jean-Charles Naouri et Casino à court terme, puis en faveur d'Alexandre Bompard à moyen terme sur ses capacités à redéployer l'activité de Carrefour en cas de fusion.
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