Pour la première depuis le début de l’année 2014, les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans (Treasury Bond) ont franchi la barre des 3 %.
La semaine dernière, les rendements des bons du Trésor américain à 10 ans (Treasury Bond) ont franchi la barre des 3 %, une première depuis le début de l’année 2014.
Un seuil certes symbolique mais qui reflète une tendance assez nette : entre son point bas de juillet 2016 et son pic atteint il y a quelques jours, le 10 ans américain est passé de 1,29% à 3,03%.
« Considéré depuis longtemps comme un baromètre de l'orientation des taux de prêts immobiliers et d'autres instruments, ce mouvement a été surveillé de près, les analystes tentant de déceler les signes d'un changement marqué de la confiance des investisseurs à l'égard de la classe d'actifs » précise la société de gestion Axa IM. Les investisseurs doivent-ils s’inquiéter de cette hausse des taux d’intérêts ?
Pourquoi une telle hausse du 10 ans US ?
« Lorsqu’elle découle d’une remontée des taux réels alimentée par la vitalité de l’économie, la hausse des taux nominaux n’est pas en soi problématique. Elle l’est davantage lorsqu’elle est causée par une hausse des anticipations d’inflation » explique Olivier de Berranger, Directeur de la Gestion d’Actifs à La Financière de l’Echiquier. Et ce cas de figure se présente aujourd’hui avec une croissance solide qui incite la Réserve fédérale des États-Unis à réaffirmer sa confiance dans la remontée de l’inflation et à procéder à un relèvement régulier des taux directeurs.
Mais cette hausse des rendements aux États-Unis n'est pas uniquement attribuable à la hausse de l'inflation ou à la surchauffe de l'économie, elle est due à un changement majeur dans l'équilibre de l'offre et de la demande selon Didier Saint-Georges, Membre du comité d’investissement de Carmignac. « Le Trésor américain doit refinancer des montants massifs de bons du Trésor à terme, le déficit budgétaire croissant repousse les émissions d'obligations à long terme, et il n’y a plus de banque centrale prête à acheter à n’importe quel prix. Les marchés passent d'un problème de surabondance d'épargne à un excès d'émission » détaille-t-il.
De son côté, le gérant de Fidelity International David Ganozzi évoque « des tensions commerciales et une remontée des cours des matières premières » à l’origine du passage des T-Bonds à 10 ans au-dessus de la barre technique et psychologique des 3 %.
Entre son point bas de juillet 2016 et son pic atteint il y a quelques jours, le 10 ans américain est passé de 1,29% à 3,03%.
La hausse va-t-elle se poursuivre ?
Le taux à 10 ans est généralement positionné un peu en-dessous du point haut du taux directeur fixé par la banque centrale américaine. Ce-dernier correspond au point haut de l’activité économique. « Aujourd’hui, la banque centrale nous dit que le taux directeur n’ira pas au-delà de 3,25% en 2020 et le marché parie sur un niveau maximum qui ne dépassera pas 2,70% » rappelle Hervé Goulletquer, Directeur adjoint de la Recherche à La Banque Postale. Il juge ainsi le potentiel haussier du taux américain à 10 ans plutôt limité.
En revanche, Julien-Pierre Nouen, Directeur des études économiques de Lazard Frères Gestion, indique que la Fed va continuer de relever graduellement ses taux directeurs, sans accélérer brutalement le mouvement, du moins tant que l’inflation reste sous contrôle. Et les marchés anticipent trois hausses sur 2018, dont une ayant déjà eu lieu fin mars, et une à deux sont attendue(s) en 2019. « Cet ajustement a contribué à la remontée des taux longs. La poursuite de cette normalisation devrait donc continuer de tirer les taux à la hausse, même si le mouvement se fera sans doute plus lentement qu’entre septembre et février » anticipe l’expert.
Quelles conséquences peut-on attendre ?
Les rendements américains pourraient donc continuer à augmenter et contaminer les rendements mondiaux. « Cela aurait des conséquences néfastes sur les marchés compte tenu du fait que le cycle économique atteint un pic » poursuit Didier Saint-Georges qui considère que l’enjeu pour les marchés est de commencer à inverser l’équilibre des portefeuilles par rapport à celui commencé avec le quantitative easing il y a 9 ans en faveur des actions et du crédit.
« Ces éléments plaident pour des taux longs plus hauts avec de possibles conséquences sur d’autres classes d’actifs comme le crédit US ou les marchés émergents » confirme BNP Paribas AM.
Une idée cependant débattue par François-Xavier Chauchat, Economiste chez Dorval AM, qui la juge inexacte. « Certaines phases d’accélération de la hausse des taux s’accompagnent parfois d’une sous-performance des bourses et devises émergentes, mais nous doutons qu’une relation de cause à effet puisse être mise en évidence. Corrélation n’est pas causation ! » affirme-t-il. Pour l’exemple, il remarque ainsi que c’est l’élection de Donald Trump fin 2016 qui avait simultanément fait monter les taux longs américains par anticipation d’une relance budgétaire, et fait baisser les marchés émergents par crainte d’une offensive protectionniste.
« A 3%, le 10 ans américain est encore loin de son niveau de 2007 (5%) » relativise Olivier de Berranger de La Financière de l’Echiquier qui estime qu’une hausse des taux augmente implicitement la prime de risque actions (PRA), c’est-à-dire le rendement supplémentaire que les investisseurs en actions exigent à l’achat en plus du taux sans risque.
« Avec des taux à 10 ans aux alentours de 3%, notre estimation de la PRA est passée en-dessous de 5% pour la première fois depuis 2011, et semble en voie de baisser encore plus pour passer en-dessous de sa fourchette plus haute qui a suivi la crise financière » commente Patrick Schöwitz, Stratégiste Multi-Asset Solutions chez JP Morgan AM. Ce dernier pense que les rendements des bons du Trésor auront besoin de gagner encore 50 points de base pour que la situation devienne plus difficile pour les actions. Ce n’est cependant pas un scénario qu’il prévoit pour 2018. « L’argument de la valorisation relative des actions par rapport aux obligations est malgré tout en train de s’affaiblir doucement » reconnaît-il cependant.
Cette hausse des taux renforce en revanche le dollar, ce qui est négatif pour les actions américaines. Par opposition, le renforcement futur du dollar soulagerait les sociétés européennes. « Et au vu du différentiel de taux d’intérêt actuel (environ 250 points de base entre le Treasury 10 ans et le Bund 10 ans), il est difficile de ne pas pencher pour une appréciation technique de la monnaie étasunienne à brève échéance » ajoute Igor de Maack, porte-parole de la gestion de la société DNCA.
Ces derniers-jours, le taux de rendement des bons du Trésor américain à 10 ans a néanmoins légèrement baissé et se stabilise désormais juste au-dessous de ce seuil psychologique des 3%.
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