( AFP / KIRAN RIDLEY )
Verte ou grise ? Devant les incertitudes pesant sur la transition climatique de l'industrie mondiale, le groupe de gaz industriels Air Liquide ne prévoit pas de communiquer ses prochaines orientations stratégiques économiques et environnementales aux marchés avant 2026.
Alors que son plan "Advance" démarré en 2022 est censé se terminer en 2025, le groupe ne prévoit pas de publication d'un nouveau plan stratégique pour les années à venir avant 2026, a indiqué le directeur général François Jackow vendredi.
"Il n'a jamais été question d'avoir un Capital Market Day (journée dédiée aux investisseurs, NDLR) en 2025, c'est pour 2026, et cela reste aujourd'hui tout à fait d'actualité. La forme que cela prendra et le planning n'est pas encore fixé aujourd'hui", a déclaré M. Jackow lors de la présentation des résultats 2024.
Du coup, le groupe a étendu d'un an la période prévue pour remplir les objectifs financiers de son plan Advance (2022-25) en les musclant au passage: il compte désormais améliorer sa marge opérationnelle de 4,6 point de pourcentage entre 2022 et 2026, au lieu de 3,2 points entre 2022 et 2025, son ambition initiale.
"Dans l'environnement actuel, avec les incertitudes sur le monde qui nous entoure, il est important de se focaliser sur ce qu'on peut contrôler" a prévenu M. Jackow.
De par son rôle de concepteur et fournisseur de gaz industriels dans des secteurs très divers allant des hôpitaux aux raffineries en passant par la chimie, l'électronique ou l'agroalimentaire, Air Liquide est un acteur clé de l'industrie mondiale.
Pour les années à venir, M. Jackow dit compter sur un "réservoir de croissance record" après la signature en 2024 de "projets majeurs", notamment dans la transition énergétique.
Comme beaucoup de poids lourds européens, il s'est développé aux Etats-Unis où il réalise un tiers de ses ventes.
Air Liquide a été sélectionné en juin pour investir jusqu'à 850 millions de dollars avec le géant pétrolier ExxonMobil dans un projet d'hydrogène bas carbone à Baytown au Texas, ce qui serait le plus gros investissement de son histoire.
- "Tendance de fonds" -
Le groupe, qui produisait jusqu'à présent essentiellement de l'hydrogène dit "gris" fortement émetteur de CO2 qui réchauffe l'atmosphère, développe depuis quelques années la production d'hydrogène industriel bas carbone par électrolyse de l'eau, (avec de l'électricité renouvelable ou bas carbone comme le nucléaire) ou par captage du CO2.
Cet hydrogène propre est très demandé pour décarboner l'industrie lourde, la pétro-chimie en particulier.
En Europe, Air Liquide a annoncé en février deux projets à grande échelle aux Pays-Bas pour produire de l'hydrogène bas carbone avec des électrolyseurs de 200 et 250 MW, en lien avec TotalEnergies.
La "tendance à la décarbonation est une tendance de fond", a estimé M. Jackow, "elle répond à des besoins, à une urgence climatique, et c'est aussi une opportunité pour l'Europe de renouveler et de transformer son outil industriel".
Le groupe a au total sept projets "en construction ou en activité" portant sur des électrolyseurs en Europe afin de produire de l'hydrogène bas carbone.
En revanche aux Etats-Unis, les perspectives de décarbonation industrielle via l'hydrogène bas carbone sont plus incertaines depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.
Le groupe reste notamment prudent sur l'avenir des "hubs hydrogène" annoncés par l'administration Biden.
"Ce sont probablement les projets sur lesquels il y a le moins de visibilité aux Etats-Unis" a dit M. Jackow, car cinq des sept projets annoncés sont liés au développement d'énergies renouvelables (ENR) qui ont moins la faveur de la nouvelle administration.
Si la transition énergétique devait ralentir, Air Liquide mise sur "l'essor de l'intelligence artificielle" comme autre axe de développement, les producteurs de semi-conducteurs et d'équipements électroniques ayant besoin de beaucoup de différents gaz dans leurs processus de fabrication.
L'an passé, Air Liquide a augmenté de 7,4% son bénéfice net à un nouveau record (3,31 milliards euros), qui s'inscrit pour la deuxième année consécutive au-dessus de la barre des 3 milliards d'euros.
Le chiffre d'affaires a reculé de 2%, à 27,06 milliards d'euros, affecté par "des effets de change et d'énergie défavorables". Sans les variations des changes et des prix de l'énergie, le chiffre d'affaires a progressé de 2,6%.
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