
Des antennes paraboliques de couverture GEO sont visibles sur le toit du siège d'Eutelsat Group Paris à Issy-les-Moulineaux
par Gianluca Lo Nostro et Florence Loeve
GDANSK/PARIS (Reuters) -Les actionnaires d'Eutelsat ont largement approuvé mardi une augmentation de capital massive qui doit aider l'opérateur de satellites européen dans ses efforts pour concurrencer son grand rival américain Starlink.
Soutenu par la France, Eutelsat a toutefois besoin d'investissements en provenance de davantage de pays européens pour défier Starlink, du milliardaire Elon Musk, selon des analystes et un parlementaire européen.
Lors d'une assemblée générale mardi matin, les actionnaires d'Eutelsat ont voté à plus de 99% les résolutions permettant la mise en oeuvre d'un investissement d'un montant total de 1,5 milliard d'euros, mené par la France et auquel participe aussi le Royaume-Uni. Le groupe espère que d'autres pays européens suivront l'exemple.
Lourdement endettée, l'entreprise française a concentré l'attention des gouvernements européens cette année, apparaissant comme l'alternative européenne possible pour réduire la dépendance aux opérateurs de satellites américains.
Lors du salon du Bourget en juin, le président français Emmanuel Macron avait exprimé son soutien à Eutelsat, le décrivant comme un enjeu de souveraineté pour l'Europe.
L'augmentation de capital, dont la réalisation est prévue pour le dernier trimestre de l'année, "constitue le premier jalon d'une stratégie plus vaste", a déclaré le nouveau directeur général d'Eutelsat nommé en mai Jean-François Fallacher lors de l'assemblée générale des actionnaires mardi.
Le DG a ajouté que cet investissement contribuait "à la pérennité du modèle économique à long terme et ouvrait la voie à d'autres sources de financement".
SOLUTION EUROPÉENNE
D'après l'eurodéputé français Christophe Grudler, du groupe Renew Europe, Eutelsat constitue l'une des meilleures réponses de l'Europe à Starlink, mais la société a besoin d'un engagement politique. En février, le parlementaire européen avait écrit une lettre à la Commission européenne, l'exhortant à trouver des alternatives à Starlink en Ukraine, alors que les Etats-Unis menaçaient d'en couper l'accès au pays.
"La décision de la France de renforcer sa participation est un acte politique fort mais cela ne peut s'arrêter là. L'Allemagne et les autres États membres doivent également prendre le relais. Un pays ne peut à lui seul porter cette ambition continentale dans l'espace", a déclaré Christophe Grudler à Reuters.
Dans le cadre de l'augmentation de capital qui doit être approuvée mardi et se déroulera en deux étapes, la France s'engagera à verser un total de 750 millions d'euros pour atteindre une participation de 29,65% dans Eutelsat, tandis que le Royaume-Uni contribuera à hauteur de 163,3 millions d'euros pour aboutir à une participation de 10,89%.
Bharti Space, propriété du milliardaire indien Sunil Mittal, l'armateur français CMA CGM, et le Fonds Stratégique de Participations, créé par plusieurs assureurs, y participeront également.
BOND D'EUTELSAT EN BOURSE
Eutelsat, qui outre son nouveau DG, a nommé un nouveau président du conseil d'administration en septembre, a confirmé à Reuters sa volonté d'obtenir l'appui de davantage de pays européens.
Le groupe a cependant affirmé que les échanges avec d'autres partenaires potentiels demeurent "au niveau d'approches".
Jean-François Fallacher avait indiqué au Monde en septembre que de premières discussions entre la France et l'Allemagne avaient eu lieu lors du conseil des ministres franco-allemand de Toulon le 29 août.
Les gouvernements allemand et français n'ont pas répondu aux demandes de commentaires de Reuters.
Les actionnaires impliqués dans l'augmentation de capital actuelle ont refusé de commenter.
Tombée à un minimum historique début 2025, l'action Eutelsat avait bondi spectaculairement en mars, alors qu'était discutée l'idée de trouver une alternative européenne à Starlink.
L'Allemagne finance déjà l'accès de l'Ukraine à Eutelsat, qui a livré des milliers de terminaux dans le pays.
SOUTIEN DE LA FRANCE
Interrogé sur la chute du gouvernement français, Eutelsat a déclaré à Reuters ne pas être "directement impacté par le changement de gouvernement, même si un nouveau ministre va prendre la tête du ministère des Armées".
"De manière générale une entreprise préfère la stabilité gouvernementale pour garantir la continuité des échanges au niveau politique et pour rester identifié par ces derniers", a toutefois indiqué le groupe, dépendant de l'engagement et du soutien financier de la France.
Questionné sur les conséquences d'un éventuel blocage budgétaire sur son plan de recapitalisation, Eutelsat a déclaré qu'il était "peu probable" que le calendrier de l'augmentation de capital, qui doit être lancé après sa validation par l'assemblée générale de mardi, "soit impacté par un blocage à ce stade", soulignant qu'un potentiel blocage budgétaire porterait sur l'année prochaine et non l'année en cours.
Cette augmentation de capital doit permettre de réduire la dette d'Eutelsat, qui atteint les 2,6 milliards d'euros, et de contribuer au déploiement de 340 satellites en orbite basse (LEO) pour sa constellation OneWeb, d'un coût de plus de 2 milliards d'euros.
Eutelsat a acquis OneWeb en 2023 pour capitaliser sur la demande croissante d'Internet par satellite.
Avec un peu plus de 650 satellites, OneWeb possède toutefois un réseau bien moins important que celui de Starlink, d'environ 8.000 satellites.
Pour Aleksander Peterc, analyste chez Bernstein, le soutien de la France et du Royaume-Uni change significativement la donne, mais le financement au cours de la prochaine décennie dépendra de l'amélioration de la rentabilité et de la trésorerie d'Eutelsat.
"L'ajout de l'Allemagne comme actionnaire principal consoliderait davantage la position d'Eutelsat en tant que premier fournisseur souverain européen de connectivité LEO", a-t-il estimé.
Un analyste de Stifel, Antoine Lebourgeois, s'est montré plus prudent, affirmant que l'augmentation de capital était une bouée de sauvetage à court terme et non un remède à long terme.
"Le soutien des gouvernements européens est une première étape cruciale et un signal fort, mais il pourrait ne pas suffire à lui seul à garantir la viabilité à long terme de OneWeb", a-t-il déclaré.
"Compte tenu de la concurrence intense et des économies d'échelle d'acteurs comme Starlink, OneWeb aura probablement besoin d'un engagement plus substantiel et plus soutenu du secteur public pour véritablement prospérer en tant qu'alternative européenne", a ajouté Antoine Lebourgeois.
(Gianluca Lo Nostro à Gdansk, Florence Loève à Paris, avec la contribution de Gus Trompiz à Paris ; Rédigé par Florence Loève, édité par Kate Entringer et Augustin Turpin)
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