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Peut-on se passer de pétrole ?
Le journaliste Gérald Fillion et l’économiste François Delorme se penchent sur cette question épineuse dans un extrait de leur essai intitulé L’heure des choix : Face à l’urgence climatique et sociale (Édito).
Affaires et économie
Environnement
Gérald Fillion et François Delorme
3 novembre 2021
Illustration : Sébastien Thibault
«Le changement arrive, que vous l’aimiez ou non », a lancé l’environnementaliste Greta Thunberg à Montréal le 27 septembre 2019, alors que s’étaient rassemblées 500 000 personnes dans les rues de la ville pour réclamer des gestes forts en faveur de la protection de l’environnement. Ces citoyens, qui ont marché ce jour-là aux côtés de Greta Thunberg, demandent aux élus d’écouter les scientifiques : il faut décarboniser la planète pour limiter le réchauffement climatique. Et il faut le faire rapidement.
Mais la tâche est herculéenne. Les combustibles fossiles représentent 84,3 % de la consommation énergétique sur la planète : 33,1 % de l’énergie primaire consommée est du pétrole ; 27 %, du charbon ; et 24,2 %, du gaz naturel. Les énergies renouvelables représentent 11,4 % de cette consommation et le nucléaire, 4,3 %. La part des énergies renouvelables tend à augmenter depuis 2012. Et, selon les prévisions actuelles, la part du pétrole dans l’assiette énergétique mondiale devrait tomber à 27 % en 2050, tandis que celle des énergies renouvelables devrait atteindre 30 %.
Les énergies fossiles demeurent, pour l’instant, les grands carburants de la planète, en particulier le pétrole dont on se sert comme combustible et comme matière première dans une foule de produits, pour fabriquer le plastique, par exemple. Vos écouteurs en contiennent et votre chandail aussi s’il est fait de polyester, un dérivé du pétrole. On consomme 13 fois plus de pétrole que d’hydroélectricité dans le monde.
Cela dit, les Nord-Américains sont les champions de la consommation d’énergie fossile par habitant : 69 720 kWh par année au Canada et 66 525 kWh aux États-Unis, très loin devant la Suède, 19 304 kWh par habitant, et la France, 21 251 kWh.
L’histoire pétrolière dure depuis 150 ans. Pourrait-elle bientôt s’arrêter ?
Le lent déclin des énergies fossiles
D’abord, il faut préciser que la part du pétrole et du charbon dans la consommation est en baisse. En 1973, 50 % de l’énergie consommée était du pétrole. Dans les années 1960, près de 40 % de l’énergie consommée était du charbon. Même si ces deux énergies fossiles demeurent dominantes encore aujourd’hui, leur importance relative diminue comparativement au gaz naturel.
Les États-Unis sont aujourd’hui les plus grands producteurs de pétrole du monde. Avec l’avènement de la fracturation hydraulique et de l’exploitation du pétrole de schiste, les Américains sont devenus des exportateurs nets de pétrole. Avant l’année de la pandémie, la production pétrolière américaine avait atteint un record, à 19,5 millions de barils par jour. Dans le monde entier, la production quotidienne a dépassé les 100 millions de barils en 2018 et 2019.
Fondamentalement, deux facteurs expliquent pourquoi la demande demeure forte pour le pétrole : la croissance démographique mondiale ; et l’insuffisance de l’offre, pour l’instant du moins, du côté des énergies renouvelables.
La pandémie de COVID-19 a ralenti la production et la consommation de pétrole en 2020. La demande a chuté pour différents types de carburants en raison d’un arrêt quasi complet de certaines activités et des restrictions de déplacement. Les économistes prévoient un retour à la hausse de la consommation énergétique grâce à la reprise en cours. D’ailleurs, cette augmentation de la consommation et de la production se répercute sur le prix du pétrole. Fin juin 2021, le prix du baril de Brent (pétrole de référence en Europe) avoisinait les 80 $ US, ayant dépassé son niveau d’avant la pandémie. Début 2020, le prix du baril frôlait les 70 $ US, avant de s’effondrer à 20 $ US au printemps 2020, au plus fort de la pandémie de COVID-19.
« La population mondiale va passer de 7,7 milliards d’habitants à 9,7 milliards d’ici à 2050, explique l’économiste en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion. Donc, en l’espace d’une trentaine d’années, il s’agit d’une croissance de 26 %. Et jusqu’à présent, nous n’avons pas développé toutes les technologies qui pourraient réduire la production de pétrole. Ainsi, la consommation actuelle demeure tributaire d’une demande pour le pétrole qui est appelée à croître au cours des prochaines années. »
Selon les projections de la U.S. Energy Information Administration (EIA), la production de pétrole et de gaz naturel va continuer d’augmenter au cours des prochaines décennies, mais le développement des énergies renouvelables répondra davantage à la demande engendrée par la croissance démographique.