ce n’est pas tous les jours qu’une major française investit dans un projet énergétique de l’autre côté de l’Atlantique, avec l’œil braqué sur l’Asie ! Et pourtant, c’est bien ce que vient d’annoncer TotalEnergies avec un investissement très prometteur dans l'usine de Ksi Lisims LNG au Canada.
En 2024, 40 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) ont été vendues par TotalEnergies. De quoi asseoir son rang de troisième acteur mondial du secteur, derrière les géants qatari et américain.
Mais le GNL n’est pas un gaz comme les autres. Pour l’exporter, il faut le refroidir à -162 °C, le liquéfier, le transporter dans des méthaniers spécialisés, puis le regazéifier une fois arrivé à bon port. Une gymnastique technologique, mais surtout une arme commerciale redoutable pour qui veut sécuriser ses contrats à long terme et ajuster son offre en fonction de la demande mondiale.
Une usine sur le rivage du Pacifique
C’est en Colombie-Britannique, sur la côte ouest du Canada, que va s’implanter la future usine Ksi Lisims LNG. Un nom complexe, pour un projet clair : produire du gaz liquéfié à destination de l’Asie.
Le site sera entièrement électrifié, ce qui signifie que ses installations ne fonctionneront pas avec du gaz pour leur propre consommation, mais grâce à de l’électricité, probablement d’origine hydraulique, abondante dans la région. Un avantage environnemental non négligeable, qui permet d’afficher un bilan carbone réduit par rapport aux usines classiques.
Et surtout, sa situation géographique offre un raccourci logistique vers le marché asiatique, de loin le plus gros consommateur mondial de GNL.
Une prise de participation... discrète mais stratégique
Concrètement, TotalEnergies acquiert 5 % du capital de Western LNG, la société à l’origine du projet. Une part modeste ? En apparence seulement.
Cette prise de participation donne à TotalEnergies un droit d’achat de 2 millions de tonnes de GNL par an pendant 20 ans. En d’autres termes : un quart de la capacité de production de l’usine pourrait alimenter les contrats long terme de la major française, si le projet va au bout.
Et ce n’est pas tout. Le contrat prévoit une option pour monter à 10 % de participation, soit dans la société Western LNG, soit directement dans l’usine. Une manière de se laisser la porte ouverte, tout en sécurisant dès aujourd’hui un approvisionnement clé.
L’Asie au centre du jeu
Pourquoi l’Asie ? Parce que le Japon, la Corée du Sud, la Chine et Taïwan sont les champions toutes catégories de l’importation de GNL. À eux seuls, ils représentent plus de 60 % de la demande mondiale.
Et cette demande ne faiblit pas. La transition énergétique en Asie passe souvent par une substitution du charbon par le gaz, jugé moins émetteur de CO₂. Résultat : les géants asiatiques cherchent à diversifier leurs sources d’approvisionnement, tout en sécurisant des prix compétitifs.
TotalEnergies, avec ce contrat canadien, joue donc une carte double : sécuriser son accès au marché asiatique tout en ajoutant un fournisseur nord-américain à son portefeuille, déjà très varié.
Une décision suspendue à l’arbitrage final
La décision finale d’investissement, le fameux “FID” (Final Investment Decision), doit encore être prise. Ce feu vert dépendra d’une équation complexe mêlant prix de marché, engagement des partenaires, contraintes techniques et acceptation locale.
Mais le simple fait que TotalEnergies se positionne dès maintenant en dit long : le projet Ksi Lisims LNG est considéré comme stratégique, dans un contexte où la concurrence pour accéder aux gisements de GNL de demain est féroce.
Un portefeuille mondial qui s’étend
Avec cette annonce, TotalEnergies poursuit une expansion méthodique de son portefeuille GNL. Déjà présent au Qatar, au Mozambique, en Russie (jusqu’à la suspension des projets), en Australie, aux États-Unis et en Norvège, le groupe consolide son implantation sur toutes les zones d’exportation majeures.
Le Canada vient désormais compléter cette carte. Un pays politiquement stable, doté de réserves gazières abondantes, et situé à proximité immédiate du marché asiatique. Autrement dit, une pièce maîtresse sur l’échiquier énergétique.