Soitec accélère ses investissements pour étendre ses capacités de production... en France aussi
RHIDA LOUKIL PUBLIÉ LE 15/06/2018 À 10H30
BONNE NOUVELLE Porté par une croissance plus forte que prévue, le leader mondial des plaques de silicium sur isolant Soitec triple ses investissements à 120 millions d'euros sur l'exercice 2019. En plus de la réactivation déjà engagée de l'usine à Singapour, il projette d'étendre de 23% la capacité de son usine de 300 mm en France et l'intégration d'une étape clé de production sous-traitée jusqu'ici.
Soitec met le turbo dans ses investissements. Le leader mondial des plaques de silicium sur isolant pour la construction de puces électroniques, dont le siège se situe à Bernin, près de Grenoble, compte investir 120 millions d'euros sur l'exercice fiscal à clôturer en mars 2019, contre 40 millions d'euros sur l'exercice précédent. Un coup de pouce significatif justifié par l'accélération de la croissance.
REDRESSEMENT SPECTACULAIRE
A taux de change constants, la PME iseroise, qui compte 1 060 personnes dans le monde, dont 1 000 en France, affiche un bond de 31% de son chiffre d'affaires à 310,6 millions d'euros sur l'exercice fiscal clos en mars 2018. Une performance supérieure aux prévisions (+25%), tirée tout particulièrement par les plaques de 300 mm dont les ventes ont presque doublé. Et la direction table sur une hausse de 35% sur l'exercice à clôturer en mars 2019.
"Nous continuons à faire mieux que l'ensemble de notre industrie, se félicite Paul Boudre, directeur général de la société. Les développements en cours nous laissent confiants dans l'avenir. C'est pourquoi nous comptons amplifier la dynamique extraordinaire que nous avons engagée à Bernin et à Singapour." Le redressement est spectaculaire. Après une décennie dans le rouge, Soitec est passé au vert avec un bénéfice de 8 millions d'euros sur l'exercice 2017, contre une perte de 72 millions d'euros sur l'exercice précédent. Une convalescence consolidée avec un bénéfice de 87 millions d'euros sur l'exercice 2018.
Pour accompagner son rebond, Soitec a engagé dès l'exercice fiscal 2017 un plan d'investissement de 40 millions d'euros pour le changement du mix de production dans l'usine Bernin II de plaques de 300 mm près de Grenoble. Cet effort s'est terminé avec la création de trois lignes de production pour trois nouveaux marchés (circuits radiofréquences, circuits photoniques et imageurs à hautes performances) et l'expansion de la capacité de production de plaques FD-SOI pour circuits numériques à 350 000 par an, contre 150 000 auparavant. A Singapour, un plan de 40 millions de dollars en deux ans a été lancé pour activer une usine en sommeil et créer une ligne pilote de plaques FD-SOI.
TAUX D'UTILISATION DE L'USINE BERNIN II DE 52%
"Nous sommes dans une configuration différente aujourd'hui, souligne Paul Boudre. Auparavant, nous étions dans un plan d'expansion à Singapour mais de conversion de notre production à Bernin II. Nous passons aujourd'hui à l'expansion de nos capacités de production en France aussi. Nous sommes dans un contexte plus favorable à ce changement. " Paul Boudre mise sur le programme Nano 2022, le volet français du plan européen IPCEI sur la nanoélectronique, pour faire financer une partie de l'investissement en France par les pouvoirs publics.
Avec l'envolée de la demande de plaques de 300 mm pour les circuits radiofréquences, les circuits photoniques, les imageurs de nouvelle génération et surtout les circuits numériques en FD-SOI, une technologie en plein décollage, l'usine de Bernin II, qui offre une capacité de 650 000 plaques par an, se remplit à pleine allure. "A la fin de l'exercice 2018, le taux d'utilisation atteint 52%, alors qu'il en était à 29% un an auparavant, confie Rémy Pierre, le directeur financier. Et nous pensons qu'il atteindra 100% à la fin de l'exercice 2019". Le plan d'expansion vise à en augmenter la capacité de 23% en la portant à 800 000 plaques par an.
Dans un premier temps, le projet se limite à la construction du bâtiment et de l'extension de la salle blanche de 750 m2. Histoire de se tenir prêt à accroitre la capacité de production en fonction des besoins. L'équipement devrait débuter dans deux ans et se faire progressivement au rythme de montée de la demande. Il représenterait un investissement de 50 millions d'euros selon Rémy Pierre.
A L'ASSAUT DES CIRCUITS DE LA 5G
Soitec n'entend pas s'arrêter là. Il envisage d'accroître son intégration verticale en rapatriant dans ses usines la plupart des opérations d'épitaxie (déposition de matériaux en couches ultra minces), une phase clé de la fabrication des plaques dédiées aux circuits radiofréquences. Sa technologie se cantonne aujourd'hui à deux types de composants radios des smartphones : les commutateurs et les tuners d'antenne. L'ambition est de l'étendre aux filtres acoustiques, dont le nombre ne cesse d'augmenter dans les smartphones en raison de la multiplication des bandes de fréquences. Pour cela, la société a développé une nouvelle famille de plaques (POI pour piezoelectric on insulator) avec comme couche active, non pas du silicium, mais un matériau piézoélectrique. Selon Paul Boudre, cette technologie, aujourd'hui au stade de l'évaluation par les clients, devrait entrer en production en 2019 pour la 5G.
L'optimisme est tel que Soitec se voit en route pour franchir la barre du milliard d'euros de chiffre d'affaires. Paul Boudre se garde à ce stade de prédire quand. Il se contente d'afficher sa confiance dans l'avenir.