pourquoi autant de bateaux depuis peu à Noumea ;o)
Christel Bories, PDG d'Eramet, doit arriver lundi en Nouvelle-Calédonie pour participer à un conseil d'administration de la SLN quelques jours plus tard. L'état comptable de la filiale calédonienne est très préoccupant. D'après une analyse partagée à Doniambo, la trésorerie sera à sec à très court terme.
L'échéance
Prévision désormais répandue autour de Doniambo, la SLN pourrait déplorer une trésorerie à sec en janvier 2023. Ce qui laisserait entrevoir la sombre perspective d'une cessation de paiements. La Société Le Nickel avait accédé, mi-septembre, à l'ultime tranche - chiffrée à 4,4 milliards de francs - des prêts Eramet-État. Ces emprunts accordés en 2015 et en 2016 pour sauver l'entreprise pesaient 63 milliards de francs : 23 milliards puis 16 milliards complémentaires (ou 325 millions d'euros en tout) avancés par la maison-mère, et 24 milliards (200 millions d'euros) signés par le Premier ministre d'alors, Manuel Valls. Avec des objectifs revus à la baisse cette année - autour de 3 millions de tonnes humides d'exportation de minerai et environ 40 000 tonnes de nickel contenu dans le ferronickel produit -, la SLN se dirigerait vers son onzième exercice déficitaire d'affilée, autour de -6 ou -7 milliards de francs, après -1,3 milliard en 2021 et -8,5 milliards en 2020.
Les causes
Les conditions climatiques dégradées depuis quelques années, des soucis opérationnels mais aussi des blocages ont perturbé l'alimentation de Doniambo en minerai. Difficulté numéro un, l'énergie représentait déjà près de 50 % des coûts d'opération de l'usine - une proportion énorme -, avant l'envol du prix du fuel et du charbon ainsi que du fret en raison du conflit en Ukraine. La « centrale accostée temporaire », louée pour une durée de trois ans, sécurisera l'alimentation électrique, mais ne réduira pas le coût de l'énergie nécessaire. Autre paramètre défavorable, le ferronickel, tel que le SLN 25, souffre d'une réelle décote après l'affolement sur le marché en mars. La valeur du produit s'éloigne du cours du London Metal Exchange, la référence, et se rapproche du prix du NPI, la fonte brute de nickel, calé en ce moment aux alentours de 17 000 dollars US la tonne.
Les pistes
La chute de l'historique SLN, premier employeur privé du pays avec 2 300 salariés - dont 97 % d'emploi local -, aurait des répercussions catastrophiques sur le tissu économique et les institutions publiques comme la Cafat. Comme un coup de grâce dans une société déjà très fragilisée. Au-delà de la mise en œuvre du plan de sauvetage engagée début 2019, la société a annoncé vendredi l'instauration de mesures immédiates : réduction drastique des coûts dans tous les secteurs, remobilisation des équipes autour de la productivité et placement de l'entreprise sous mandat ad hoc afin de trouver des solutions pérennes avec toutes les parties prenantes. La SLN a toutefois besoin de cash, très rapidement, pour le fonctionnement de son activité. Une urgence. Actionnaire à hauteur de 56 %, la maison-mère Eramet a laissé entendre qu'elle ne remettrait pas d'argent. Le groupe piloté par la PDG Christel Bories a (aussi) les yeux tournés vers l'Argentine et son lithium ou l'Indonésie et le projet de nickel NPI à Weda Bay. Le décalage en termes de développement est alors flagrant avec la conjoncture à Doniambo. Une question se pose : Eramet veut-il rester en Nouvelle-Calédonie ?
Le tour d'horizon des potentiels financeurs est rapide. Seul l'État, actionnaire d'Eramet à 28,4 %, a la capacité de mettre, dès aujourd'hui, la main à la poche, une nouvelle fois, pour sauver la société. Cette aide sans délai, de l'ordre de 100 millions d'euros ou 12 milliards de francs à première vue, pourrait être raccrochée aux travaux sur l'avenir institutionnel. D'autant qu'un atelier, évoqué par la Premier ministre, Elisabeth Borne, porte sur le nickel. La visite des ministres Gérald Darmanin et Jean-François Carenco, à la fin du mois, éclairera sans doute l'enjeu.