L'association Energie en actions, qui a pour objet de défendre les intérêts des salariés et anciens salariés actionnaires d'EDF, annonce introduire une plainte pénale avec constitution de partie civile contre l'Etat en tant qu'actionnaire majoritaire d'EDF pour mise en difficulté de l’Entreprise au mépris de l’intérêt social de celle-ci et des intérêts de ses actionnaires minoritaires, du fait de décisions inconsidérées et spoliatrices.
La gravité des dommages infligés à l'entreprise s'illustre dans la chute vertigineuse de la valeur de l'action dont le cours est passé de 32 euros lors de l’ouverture du capital au public fin 2005 à 7,4 euros au moment de la déclaration le 6 juillet 2022 par la Première Ministre que le gouvernement souhaitait « détenir 100% du capital d’EDF ».
Et que dire de l'augmentation non moins vertigineuse de l'endettement (43 Mds € à fin 2021) … avant des résultats 2022 qui seront, selon toute probabilité, très dégradés.
Entre autres griefs, la plainte mettra en avant :
- La vente, à prix inférieur aux coûts de production, aux concurrents d’au moins un quart de la production d’électricité nucléaire (100 TWh) d’EDF, selon le mécanisme dit de l'ARENH, une initiative non justifiée émanant de la seule administration française (loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME) ;
- Le tarif de vente de l’ARENH fixé à 42 €/MWh à compter du 1er janvier 2012 par l’arrêté ministériel du 17 mai 2011, et non réévalué depuis, contrairement à la loi et la Décision de la Commission Européenne (12 juin 2012, Tarifs réglementés d’électricité en France, SA.21918), selon lequel ce prix doit être représentatif des conditions économiques de production d’électricité par certaines centrales nucléaires (recours gracieux d’Energie en actions daté du 9 mai 2022 aux Ministres compétents, qui à défaut de réponse, va faire l’objet de recours contentieux) ;
- L’augmentation de 20 TWh du volume d’Arenh en 2022 imposée par le gouvernement (plainte déposée par les représentants des actionnaires salariés, dont Energie en actions, devant le Commission Européenne, et recours en annulation devant le Conseil d’Etat contre les textes réglementaires du 11 mars 2022 d’application de cette décision) ;
- La fermeture imposée pour des raisons purement politiques des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en Alsace, en parfait état de fonctionnement selon l’Autorité de Sûreté qui avait validé la poursuite d’exploitation après que des investissements importants eussent été réalisées. Le protocole conclu entre l’Etat et EDF, censé indemniser l’entreprise n’a jamais été détaillé aux actionnaires malgré différentes demandes formulées.
Le rapport des CAC sur les conventions réglementées mentionnant qu’aucun versement variable censé couvrir les bénéfices manqués n’a été perçu à fin 2021 malgré des prix élevés de marché de l’électricité à partir du 4ème trimestre 2021, l’association Energie en actions a soulevé la question lors de l’AG EDF du 12 mai 2022.
Quelques mois après l’arrêt des 2 réacteurs nucléaires de Fessenheim, le gouvernement faisait volte-face en annonçant la relance de l'énergie nucléaire, puis plus récemment la réouverture de centrales au charbon du fait de la crise énergétique…
- La pression exercée en 2012 pour la reprise de Photowatt en redressement judiciaire, puis pour qu’EDF participe au sauvetage d’AREVA en quasi-faillite, avec prise de contrôle d’une partie de l’activité rebaptisée FRAMATOME, alors même qu’EDF avait toujours refusé de construire des composants de centrales ;
- De même, EDF s’est vue récemment obligée de faire une offre d’acquisition de l’activité turbines nucléaires de General Electric, ceci à l’encontre de ses intérêts dans le cadre d’une saine stratégie industrielle à l’égard de ses fournisseurs ;
- La distribution en numéraire de dividendes non négligeables au titre de plusieurs exercices sans l’option de paiement en actions nouvelles, ceci alors que le cash-flow de l’entreprise était durablement négatif.
A la suite de la suspension du cours de l’action EDF le 13 juillet, l’Etat a annoncé « préciser ses intentions s’agissant du capital d’EDF au plus tard le 19 juillet prochain avant-bourse ».
Une opération de rachat par l’Etat des minoritaires mettrait fin à une aventure boursière commencée fin 2005, avec à l’époque plus de 5 millions d’ordre de souscription. Le prix de l’offre publique était de 32€/action.
Les notes d’opérations mentionnaient bien l’existence d’un risque « EDF est contrôlé par l’Etat en sa qualité d’actionnaire majoritaire », mais le risque de décisions de l’Etat actionnaire contraires à l’intérêt social de l’entreprise n’était pas mentionné.
Aujourd’hui l'Etat doit rendre des comptes sur la gestion exercée en tant qu’actionnaire ultra-majoritaire de l’Entreprise, gestion qui a pour conséquence de spolier gravement de très nombreux épargnants.
L’Etat traite EDF comme un simple outil de ses politiques jusqu'au point de la mettre en grande difficulté, en flagrante illégalité
Le Ministre de l’Economie, qui s’était illustré dans la précédente législature par la loi PACTE avec un objectif de développement de l’actionnariat salarié, vient de préciser à la presse : « on nationalise EDF pour avoir une unité de commandement ». L’objectif recherché apparaît en fait de faire disparaître les actionnaires minoritaires, et tout particulièrement les actionnaires salariés, à même de demander des comptes et de consulter les décisions prises, ce qui laisserait ainsi l'Etat libre de tout acte arbitraire !